Si vous le pouvez, vraiment, allez à l'avant-première du film Edmond, jeudi à 20 heures, au cinéma Casino CGR à Auxerre. On l'a vu et on a été conquis.

Ce film retraçe une séquence de vie d'Edmond Rostand l'auteur de Cyranno de Bergerac et les conditions de son écriture. Il vous emporte, d'emblée, dans des univers de qui pro quo et de recherches d'identités.

La pièce écrite par Alexis Michalik, réalisateur et metteur en scène du film qui sortira le 9 janvier 2019, a obtenu un immense succès lui valant plusieurs Molières.

Alexis Michalik (Feydeau) sera présent, jeudi soir, pour présenter le film. Il participera au débat à l'issue de la projection avec Roxane - Jeanne (Lucie Boujenah) et Edmond (Thomas Soliveres).

Décembre 1897, Paris. Le jeune Edmond Rostand a 29 ans. Il a écrit des pièces qui n'obtiennent pas de succès. Depuis deux ans, il n'a rien écrit et ne parvient pas à écrire. Il doit payer le loyer qui permet d'abriter sa femme et ses deux enfants.

Le film imagine les folles journées durant lesquelles le jeune Rostand a composé Cyrano de Bergerac en un temps record, puisque la première est prévue le 27 décembre 1897.

Cyrano est né de manière pragmatique parce qu'il fallait écrire une pièce en 5 actes et signer un succès glorieux et triomphant avant la fin de l'année, bref en moins d'un mois : ainsi en avait décidé - d'une seule tirade -  le grand comédien Constant Coquelin qui a évalué Edmond en quelques répliques créées à la demande en arpentant les couloirs du théâtre. En désespoir de cause, Edmond avait proposé à Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque, en vers, en alexandrins, pour les fêtes. Un pari fou, un défi insurmontable à une époque qui ne s'y prêtait pas.

 

Des flux d'énergie

 

Ce film est traversé de bout en bout par des flux d'énergies et de vies, de personnages multiples, de désirs dans un monde d'artistes. On ne lâche pas, on est emporté, porté d'un bout à l'autre vers un final en forme d'apothéose où demeure le panache, ce panache à la française qui caractérise l'imaginaire collectif de tout un peuple et une forme de réconciliation générale qui gomme les malentendus.

Le making of de la pièce dans le film montre qu'elle est élaborée à partir de petits faits de la vie quotidienne, quelques répliques, des mots, et l'attente d'une femme, ses rêves secrets aux antipodes de la vulgarité : elle veut qu'un homme lui parle bien en exprimant son ressenti en vers, en poésie, alexandrins ou pas, qui changent la donne et la condition humaine en la faisant grandir en quelque sorte.

C'est un formidable patchwork que tisse petit à petit, au fur et à mesure, laborieusement, Edmond, qui réussit à relier les fils et les couleurs pour développer et allonger une histoire de trois à cinq actes, en deux jours et deux nuits, avant la première.

Est-ce du génie, de la magie ... toujours est-il que cela peut donner des idées.

Celle de Alexis Michalik, de raconter par l'imaginaire en quelque sorte l'envers du décor de la pièce de Edmond Rostand, est féconde et révélatrice des vraies attentes et de l'intelligence populaire.

L'auteur réalisateur est en prise avec une France profonde qui entend et comprend la poésie, les alexandrins, les récits, les valeurs de sincérité, de courage, de partage, d'honneur. Sans oublier le panache, la dernière chose qu'emportera Cyranno au pied du vieil arbre. N'est-ce pas le rôle de la communauté des artistes, ces éclaireurs en marge de la société qui peuvent être des têtes de pont à l'image de l’illustre acteur Coquelin ?

« C’est si facile pour moi de jouer. Mais c’est si dur de faire un succès ». Allez au café Honoré et demandez à Jean-Michel Martial, un grand comédien, l'espérance au fond de la boîte vide de Pandore.

 

Pierre-Jules GAYE