Michel Villerey, Bac et Propédeutique Lettres classiques Jacques-Amyot (51-61), instituteur, directeur d'école, militant, homme de culture engagé, une vie de combat, menée jusqu'au bout. Un boutefeu (DR)

 

 

C'était un petit homme par la taille mais un grand homme de coeur de combat pour l'autre.

Il était de toutes les manifestations avec son regard perçant, sa barbe qui soulignait des traits volontaires. Il n'hésitait pas à intervenir et son propos était toujours carré. Homme de transmission et de partage. Homme de conviction, de foi en l'homme.

Le bonhomme était attachant et son regard lorsqu'on lui parlait et qu'il vous écoutait, respirait la tendresse. Le bougre avait de l'humour, un humour dont il ne se départissait jamais. Cela ne l'empêchait pas d'être cinglant.

Il racontait en juillet 2014.

Votée le 9 décembre 1905, la Loi de Séparation marque une étape décisive dans l’histoire de la République. Pierre angulaire de la Démocratie, elle est une loi de Paix civile que « tous ceux qui veulent faire tourner la roue de l’Histoire à l’envers, en un mot : les réactionnaires » ne cessent de combattre.
Voilà pourquoi, tous les démocrates dont je fais partie, se doivent de poursuivre le combat pour la défense de la Laïcité institutionnelle et son strict respect, contre toutes les lois anti-laïques en particulier la Loi Debré de 1969, mère de toutes les lois anti-laïques, qui a institutionnalisé le financement public des écoles et établissements confessionnelles catholiques
Avec mes camarades de Libre Pensée et d’autres laïques, je mène ce combat laïque...parmi d’autres.

"On m'a traité d’ « Obélix » (un secrétaire général syndical), le mangeur de sangliers de la BD bien connue. C’est un peu ça mon cheminement politique, syndical, libre-penseur : j’ai du tomber dans la marmite quand j’étais petit !

Dès la mort de notre père à 41 ans, notre famille a été confrontée, sinon à la misère, tout au moins au mal vivre. Ma mère a du travailler pour respecter une sorte de serment implicite qui voulait que tous les enfants « aillent jusqu’au bac ». Cinq gosses à nourrir, à habiller... C’était, dans les années cinquante, très dur. Pour aider, les enfants trouvaient quelques petits boulots. Pour ma part, j’ai vendu des journaux à la criée, débardé des caisses de fruits et de légumes chez Pomona, j’ai fait la plonge dans les bars et les restaurants, je fus pompiste... et même, décorateur sur céramique à Accolay.

Bref, malgré la « culture » chrétienne que j’avais reçue et qui vous prie d’accepter l’inacceptable, j’ai très vite compris que le monde tel qu’il était devait être changé d’autant que, lorsqu’on a la culotte courte en drap dans un lycée où même en 6è les fils de bourgeois ont des pantalons, on a de manière brûlante la morgue des nantis. Il fallait donc changer le monde !!!

C’est ainsi que, dès 1956, à 16 ans, j’ai adhéré au JC (Jeunesse Communiste) puis au PCF. 1956 ! Adhérer au PCF au moment que les chars soviétiques écrasaient la révolte des Conseils en Hongrie...

 

Tête de lard exclu

 

En septembre 1961, je suis devenu normalien 4è année. C’était mon bâton de maréchal ! J’ai donc été syndiqué au SNI (Syndicat National des Instituteurs-trices) et à la FEN (Fédération de l’Education Nationale). Je dis « j’ai été » car l’adhésion au SNI était quasi automatique de même qu’à la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) et à la MAIF (Mutuelle Assurance des Instituteurs-trices).

En 1961, c’était encore la guerre en Algérie. Mon sursis fut résilié et je suis allé de l’autre côté de la mer. L’armée n’était pas ma tasse de thé : j’ai été viré de EOR (Elève officier de réserve) suite à mon passé communiste... Et souvent puni... Une tête de lard somme toute. Mais j’en suis revenu en 1963.

C’est cette année là que ma carrière au PCF a pris fin. J’en fus exclu pour « tendances gauchistes et anarchistes ».

Avec ma future épouse, je me suis retrouvé à Paris où j’ai poursuivi, assidument, mon activité syndicale dans la tendance dite révolutionnaire du SNI : l’ Ecole Emancipée. Dans le cadre de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI –Lambertistes), j’ai suivi, un groupe d’études révolutionnaires (GER). C’est là que j’ai approfondi mes connaissances sur l’Histoire du Mouvement Ouvrier, compris ce qu’étaient le stalinisme, l’ampleur de ses trahisons et de ses crimes et donc la nécessité de le combattre. Pendant plusieurs mois, on étudiait les théories de Marx, Lénine, Trotski, l’économie politique, l’Histoire, ... Le tout doublé d’exercices pratiques : faire un exposé, rédiger un tract, écrire des articles, prendre la parole, prononcer un discours, participer à des diffusions de tracts et à la vente de journaux, à des collages. En région parisienne, ce genre d’exercices était souvent chaud. 

Je fus « coopté » sur les marches de la Maison de la Mutualité lors des « Evénements » de 1968.

Je suis revenu à Auxerre avec ma famille en juillet 1968. J’ai découvert presque par hasard un autre camarade de l’organisation - qui a eu des noms différents à cause de multiples dissolutions - à laquelle j’appartenais. Nous étions deux dans l’Yonne et nous avions comme tâche de « construire un parti révolutionnaire de masse largement implanté dans la classe ouvrière. ».

Avec mes camarades, j’ai mené ce combat pendant, nuit et jour, le nez dans guidon, ne comptant, ni mon temps, ni mon argent (les cotisations, pour un instit, représentait 10% de son salaire) tout en poursuivant, bien sûr, mon travail d’instit et de directeur. Au bout de 40 ans, en 2005, j’ai été exclu, sans tambour, ni trompette, avec 29 camarades du parti .

Les raisons de cette exclusion quasi collective restent, encore pour moi, un mystère qu’il faudra qu’un jour nous éclaircissions.

L’Histoire de la Libre Pensée plonge ses racines dans l’Antiquité ( Epicure), le Moyen Âge (Villon), la Réforme (1517-1540), la Renaissance (Rabelais) et, bien sûr, dans le Siècle des Lumières du XVIII ème et de la Révolution Française.
L’Histoire de la Libre Pensée est l’œuvre de toutes celles et de tous ceux qui refusèrent les vérités révélées et imposées par des autorités humaines ou spirituelles, qui osèrent, un jour, se dresser pour dire non à l’obscurantisme et l’oppression.

La Libre Pensée, en tant qu’organisation, est la plus ancienne des organisations traditionnelles se réclamant des idéaux de la Laïcité. Elle est née en 1848 par la rencontre de militants conscients du mouvement républicain et ouvrier naissant qui se fixaient comme but la laïcité de l’Ecole et de l’Etat et la lutte intransigeante contre l’oppression religieuse et cléricale.

Les plus illustres figures du XIXè et du début du XXè siècles furent Libres Penseurs : Raspail, Blanqui, V.Hugo, Littré, Paul Bert, Ferdinand Buisson, Aristide Briand, Emile Zola, Romain Rolland, Anatole France, Jean Jaurès, Bertrand Russel, Jean Rostand … Jean-Bienvenu Martin, maire d’Auxerre ...

Dès son origine, la Libre Pensée fut un creuset dans lequel toutes les tendances de la Gauche Laïque et Républicaine se retrouvaient pour agir sur des objectifs communs et en particulier la séparation des Eglises et de l’Etat.

Au moment où le Premier Ministre Vals se précipite au pied du Vatican pour la double canonisation, il est utile de rappeler que toutes les grandes lois scolaires et laïques de notre pays ont été pensées, élaborées et votées par des Libres Penseurs.

Les lignes générales de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat furent exposées par Emile Combes lors de son discours prononcé le 4 décembre 1904 à Auxerre. Elle avait été préparée, entre autres, par le directeur de cabinet de Jules Ferry, Ferdinand Buisson qui deviendra le président de l’Association Nationale des Libres Penseurs. Le rapporteur de cette loi, votée le 9 décembre 1905, était Aristide Briand, aussi libre penseur. (...)

Extraits de l'entretien  réalisé par l'Yonne Lautre le 22 juillet 2014