Dépouillement, simplicité et communion d'êtres ont marqué une cérémonie à l'image de celle à laquelle hommage était rendu. Une personne effacée, discrète, d'humeur égale, généreuse, un médecin, à l'écoute des autres, une femme d'exception.

L'abbé Lechien d'abord, a évoqué l'espérance de la mort. Le fils, Philippe, ensuite, s'est exprimé avec une dignité et une sérénité contagieuses. Pour dire avec quelques mots la maman toujours disponible.

Puis le Dr Evelyne Quiniou, celle que le Dr Scherrer choisit pour lui succéder à la tête de l'hôpital psychiatrique, aujourd'hui retraitée, évoqua avec sensibilité et pudeur le parcours professionnel de Nadine Dessens arrivée à Auxerre en 1969 avec son mari Rolland et leur fils Philippe avant de mettre au monde leur fille Emmanuelle. (...)

C'est à l'hôpital psychiatrique d'Auxerre que Nadine Dessens effectua la majeure partie de sa carrière. C'était l'après 68 et l'orientation humaniste mobilisait avec des thérapies plus épanouissantes. Nommée médecin-chef responsable du secteur regroupant l'Auxerrois, le Tonnerrois et l'Avallonnais, elle a donné toute sa mesure travaillant aussi à créer des liens et des ouvertures suscitant des avancées dans la reconnaissance de la personne malade. Entre autres, elle a soutenu des projets visant à améliorer les prises en charge, comme la création du Foyer de Foucault à Toucy. (...)

Elle pensait qu'il fallait donner du temps au patient en l'aidant à se restructurer et à trouver des repères dans la vie pour lui permettre de se réinsérer. Nadine Dessens a présidé plusieurs structures associatives de ce type. Pendant 40 ans, elle a également assuré la prise en charge de patients handicapés des IME (institut médico-éducatif) et CAT (centre d'aide par le travail) d'Auxerre et surtout de Tonnerre où elle soutenait les équipes soignantes. Sa passion avec pour fil conducteur la compréhension de l'être humain et la recherche de son bonheur, trouva sa pleine mesure dans l'étude de l'ethnologie et la l'ethnopsychiatrie dont elle est devenue une spécialiste reconnue. (...)

Administrateur, membre de la commission médicale d'établissement, Nadine Dessens a notamment participé à l'élaboration du projet du nouvel hôpital qui donne la satisfaction espérée pour l'accueil des patients. Elle aurait pu faire valoir ses droits à la retraite en 2004 mais vu le manque de praticiens hospitaliers, elle accepta de poursuivre ses fonctions jusqu'à 68 ans. Et même en retraite, depuis trois ans, elle continuait à mener une vie active au service des autres en oeuvrant à la clinique de Régennes à Appoigny (...)

"L'humanisme profond qui l'animait, allié à son charme souriant, son humeur égale sa bienveillante simplicité, son sens du contact et sa compréhension rassuraient. Femme de coeur et d'une grande sensibilité qu'elle savait masquer par une discrète ironie, elle affectionnait l'art sous toutes ses formes, aimait la nature et les voyages dont elle profita. Touchée par la maladie en 2007, elle l'a combattue silencieusement, dans la dignité. (...)

Au fur et à mesure de l'évolution de son mal dont elle connaissait l'issue, elle a été très aidée par le soutien de ses enfants, mais c'est souvent elle qui parvenait à alléger l'angoisse de ses proches. Nadine Dessens s'en est allée discrètement, comme elle l'a souhaité mais courageuse, forte, admirable. Elle a voulu rendre la vie aux autres aussi sereine que l'image qu'elle nous laisse." (...)

Dr Evelyne Quiniou

La photo de Nadine Dessens sur l'autel de la crypte de la cathédrale Saint-Etienne à Auxerre, lundi 8 novembre 2010 (DR)

Enfin, le Dr Joël Laporte rendit un ultime hommage à une collaboratrice et amie.

"Nadine,

"Parler de toi qui plus est en public, être sur le devant de la scène, tu n’aurais pas aimé, une moue tempérée d’un sourire ou d’un éclat de rire nous l’aurait fait comprendre, mais je sais aussi la place que tu donnais à la parole qui libère, à l’écoute attentive et bienveillante, à l’empathie réconfortante. Je vais donc m’autoriser à te demander d’être encore et toujours thérapeute pour nous tous qui sommes venus aujourd’hui continuer à vivre avec toi et dire aussi à Emmanuelle et Philippe qu’ils sont les enfants d’une grande famille.

Cette famille où je ne te connais pas d’ennemi car pour chacun tu trouvais des circonstances atténuantes à nos gros petits défauts qui te faisaient conclure que finalement nous n’étions pas si mal.

Tu désamorçais les conflits, retricotais les liens, dédramatisais les situations, prônais  la tolérance avec la force de l’amour et de l’humour.

Tu mettais ta beauté et ton intelligence dans l’ombre. Les jeux de rivalité et de séduction n’avaient pas court. En toute légitimité tu prenais place et la gardais en toute loyauté avec tact par bons et mauvais temps.

Les derniers mois dans ces moments de vérité tu as forcé notre admiration dans ta capacité à rester la même avec ta philosophie de vie faite d’alliance paradoxale, de stoïcisme et d’épicurisme, de courage de vivre et de plaisir de vivre.

Tu avais mis ton corps malade en dépôt à Dijon auprès d’un Cancérologue au cœur lyophilisé ayant mis son affect en jachère. Ta souffrance était dans un ailleurs non interactif. Tu as pu t’efforcer de jouir le plus possible et souffrir le moins possible dans le plaisir de cet effort qui est la vie ; avec la satisfaction de participer à la vie de tes petits enfants – enfants – mère – patients – amis sans l’ombre portée par eux de la maladie longtemps restée secrète

Puis le temps est venu de l’accompagnement dans la vérité de ce qui se joue, dans un cheminement apaisé avec tes proches… avec toutefois toujours présente, une lueur d’espoir, entre regard, silence et caresse.

Une pensée pour Roland dont tu nous parlais souvent et que tu aurais pu faire attendre encore plus longtemps.

Nous t’embrassons."

Dr Joël LAPORTE

La cérémonie prit fin avec deux musiques présentées par son fils, qu'aimait Nadine Dessens.

L'Ave Maria chanté par La Callas et Georgia on my mind de Ray Charles