Retrouvez en bas de la page les VIDEOS de l'entretien

L'écrivain et homme politique espagnol Jorge Semprun est décédé à Paris à l'âge de 87 ans, rapportent les médias espagnols, citant sa famille.

Espagnol à Paris, Français à Madrid, l'écrivain était l'archétype de l'Européen né entre les deux guerres. Pour ce fils d'ancien diplomate du Front populaire espagnol, issu de la bourgeoisie madrilène, les convictions européennes furent une constante familiale. Question d'éducation…

Car l'Espagne du début du XXe siècle, contrairement à ce que l'on peut imaginer parfois, n'était pas enfermée dans un nombrilisme péninsulaire. Au contraire, la culture française y tint toujours une large place, au même titre que la culture allemande dont l'intrusion remonte au XIXe siècle. Les grands penseurs allemands, abondamment traduits en Espagne ont certainement influencé la pensée de l'intelligentsia madrilène… Sans oublier le nec plus ultra : les inoubliables gouvernantes allemandes, longtemps jugées indispensables à l'éducation des petits espagnols de la haute société !

Jorge Semprun a grandi dans cette ambiance entre un père cultivé, lecteur assidu de la revue française Esprit, et une gouvernante germanique qui lui inculqua ses premières notions d'allemand, à l'heure où il commençait à peine à s'exprimer en espagnol.

Né en 1923 à Madrid, Semprun a quitté l'Espagne en 1936, sa famille s'exilant au début de la guerre civile espagnole. Pendant la guerre, il s'engage dans la résistance française et adhère au Parti communiste espagnol. Arrêté par les Allemands, il est envoyé au camp de Buchenwald où il survit jusqu'à sa libération par les troupes américaines.

 Après la guerre, Jorge Semprun milite contre le régime de Franco, en tant que militant communiste, mais il est exclu du parti dans les années 60.

 Un homme «d'une grande humanité», pour Costa-Gravras

S'il se consacre par la suite en grande partie à l'écriture, il ne renonce pas pour autant à la politique et accepte d'être ministre de la Culture de 1988 à 1991, dans le cabinet du président du gouvernement socialiste Felipe Gonzalez.

Couronné en France pour son oeuvre écrite en grande partie en français, il a reçu le prix Fémina en 1969 pour La deuxième mort de Ramon Mercader. Il avait rejoint l'Académie Goncourt en 1996. Semprun a aussi travaillé pour le cinéma, écrivant le scénario de films d'Alain Resnais, Joseph Losey ou Costa-Gavras.

 «Je garde le souvenir d'un homme d'une grande humanité, d'un grand talent d'écrivain, et d'une connaissance de la politique parfaite. Il était d'une grande simplicité», a dit la Costa-Gavras sur i-Télé. Dans les années 60 et 70, Semprun a écrit pour le réalisateur d'origine grecque les scénarios de Z, L'Aveu et Section spéciale.

 

En 1985, invité de l'émission "Apostrophes" de Bernard Pivot, il expliquait pourquoi, lui, espagnol, avait fait le choix d'écrire en français.

 



Dans ce premier volet de l'entretien accordé par Jorge Semprun à Antoine Perraud et Sylvain Bourmeau pour Mediapart, l'écrivain évoque le vertige de l'ultime témoin, et revient sur la polémique entre Yannick Haenel et Claude Lanzmann à propos de Jan Karski.

 



Cette deuxième séquence de l'entretien procède du camp. «Les multiples visages de l'intolérance mortifère au long des décennies passées doit-elle nous amener à qualifier le XXe siècle comme celui des camps de concentration et des génocides?», se demande Jorge Semprún dans Une tombe au creux des nuages. Essais sur l'Europe d'hier et d'aujourd'hui (Climats, 328 p., 19€).



Dans le camp de Buchenwald, le dimanche, jour en partie de repos, il y a ceux qui reconstituent leurs forces et il y a ceux dont le corps cale face à «l'obstacle de la vie». Il y a également une infime minorité qui ne renonce pas à un bien du domaine de l'esprit: la conversation.