Philippe Chabert, conservateur en chef du Patrimoine. En tant que Directeur du Musée d’Art Moderne de Troyes, il a réalisé deux expositions Raymond Humbert - en 1995 et en 2000 - et il lui a consacré plusieurs écrits.

Connu essentiellement pour son travail d'ethnologue, Raymond Humbert n'aura de cesse d'oeuvrer pour la sauvegarde et la collecte d'objets d'artisanat voués à disparaître. Une quête qui aboutira en 1986 à l'ouverture du musée des arts populaires de Laduz.

Raymond Humbert est en effet, avec Jacqueline, le créateur du Musée de Laduz en Puisaye.

Il était peintre, collectionneur et auteur de livres sur les outils des artisans et sur l'art.

La peinture et l'art populaire étaient ses deux passions.

Le couple aidé de ses trois enfants a rénové et construit une vingtaine de salles consacrées aux vieux outils, aux jouets populaires, à la marine avec des maquettes de bateaux, aux objets de la vie quotidienne de nos campagnes.

Jacqueline expose les oeuvres réalisées par son mari pour mieux faire connaître cette face cachée de l'artiste.

La peinture de Raymond Humbert (1932-1990) est une chose, sa technique en est une autre. En effet, contrairement à la grande majorité des peintres, celui-ci a choisi de délaisser le chevalet traditionnel au profit de la terre ferme. À première vue cela paraît étrange et peu compréhensible mais Raymond Humbert est un peintre de la nature et il s'en approche au point de peindre là où elle lui est le plus accessible : à ses côtés. Cette technique à la fois peu commune et totalement primaire consiste à peindre au ras du sol, été comme hiver, agenouillé sur une fine planche de bois, face à du papier ''Ingres'' dont il assemble chaque morceau au fur et à mesure que la composition avance.

Sa formation fut parisienne, les Arts décoratifs, puis les Beaux-arts. En 1954, il obtenait le Premier Second Prix de Rome, une année où le Premier Grand Prix ne fut pas décerné, mais qui lui fut attribué en 1958 et lui valut d’être nommé pensionnaire de l’Académie de France à Rome. A son retour, nommé professeur à l’Ecole des Beaux-arts d’Orléans, Raymond Humbert se consacre à l’enseignement et à une pédagogie active qu’il poursuivra à l’Ecole des beaux-arts d’Auxerre qu’il crée et dont il deviendra le directeur.

Il continue de porter toute son attention à la collecte de l’art populaire qu’il engrange, étudie et dont il tire une réflexion qu’il livrera ensuite à travers ses nombreux livres. Probablement songe-t-il déjà à la création d’un musée, un musée consacré à la mémoire des artisans et des paysans qu’il bâtira de ses propres mains, avec le soutien de sa famille, et qu’il ouvrira au public en 1986. Comme l’a souligné Marie-José Drogou : "Il mettait l’art populaire sur le même plan que le grand art."

Assurément ce n’est pas dans ses premières oeuvres qu’il faut rechercher le véritable Raymond Humbert. C’est au delà de la figure humaine qu’il se situe. La présence de l’homme il la recherche à travers ces objets témoins d’un passé révolu, riches des sens qu’il souhaite sauver et qu’il rassemblera sa vie durant. Dans les années 1970, la nature devient son sujet de prédilection, en contrepoint de sa quête de l’objet. Il dessine et peint sur le motif, agenouillé devant sa feuille de papier, annulant ainsi la distance avec le sujet, immergé par tous les temps dans son paysage.

Sa connivence avec l’art populaire rejoignait celle de Gauguin, des Nabis, de Derain... mais aussi de Kandisky. Son obsession à combler le vide permet d’évoquer son admiration pour les compositions nabies, pour leur effet décoratif et aussi pour leur format parfois oblongs. Chez Raymont Humbert, le trait est vif, assuré. Ce "fou du dessin" comme Hokusaï qu’il admirait, dessinait la mer, mais aussi la grêve, les déplacements du sable sous l’effet du vent, l’accumulation des galets répartis au gré des courants marins. Sa peinture elle-même n’était que dessin.

Le peintre Raymond Humbert, homme de culture, par ailleurs révolté, avait retrouvé la naïveté et le bon sens de l’homme simple qui est proche de la nature et reste à l’écoute de la moindre de ses vibrations.

 

Une soixantaine d'oeuvres

Cet été, une nouvelle exposition est consacrée à l'oeuvre de Raymond Humbert *. Une soixantaine d'oeuvres - essentiellement des grands formats - peints à Porspoder dans le Finistère et qui traduisent les variations de la mer, composent cette exposition visible tout l'été à l'Abbaye St-Germain.

"Avide de paysages, soucieux de remplir à chaque moment les feuilles blanches, l'artiste était agenouillé sur les rochers à saisir les variations de la mer, les flux et les reflux, la différence de luminosté sur les cailloux".

Du mercredi au dimanche, 10 à 12 heures et 14 heures à 18 h 30. Entrée libre.

* créateur et directeur de l'Ecole des Beaux-Arts d'Auxerre et fondateur du musée de Laduz.

Jusqu'au 30 septembre, Abbaye St-Germain.