SOCIETE
Les apprentis rompent la loi du silence ...
le mardi 12 mai 2015, 20:43 - SOCIETE - Lien permanent
Au Cifa d'Auxerre, ils ne sont plus que 300 et quelques, contre 700 voilà cinq ans. La réalisatrice chercheuse CNRS politologue Anne Muxel a présenté son film documentaire au Casino, mardi soir. "Apprentis et Citoyens", suivi de deux débats
AVERTISSEMENT Les conditions d'éclairage étaient minimales dans la salle de projection du cinéma Casino. Cela explique la piètre qualité des images, ce qui n'enlève rien à la qualité du débat et à ce qui se dit, qui est le plus important.
Présentation, remerciements et 1ère table ronde avec les témoignages des apprentis qui apparaissent dans le film documentaire
Table ronde numéro 2 avec les témoignages des maîtres d'apprentissage, des apprentis et des politiques
Dans une salle de cinéma à peine éclairée, les lumières sont venues de la scène où les personnages divers ont témoigné. Sylvain Joliton, secrétaire général du Cercle Condorcet d'Auxerre puis Héloïse Lhérété, rédactrice en chef de la revue Sciences Humaines éditée à Auxerre, ont orchestré les débats. À gauche, l'auteure réalisatrice Anne Muxel (DR)
Malaise. C'est le mot, du moins le nôtre. Pour résumer à la fois le film et le débat qui s'ensuivit.
Le film documentaire projeté en avant première, mardi soir, au cinéma Casino à Auxerre, est assez terrifiant de l'état de la France jeune et rurale, si tant est que l'Yonne est un département rural. Dans cette France "périphérique" (*).
Or, cette soirée de présentation-émotion fut en vérité une ode, un hommage permament à l'apprentissage, aux apprentis et au Cifa (centre interprofessionnel de formation d'apprentis) d'Auxerre dont les effectifs s'effondrent, dans le contexte actuel, un système "vérrouillé par l'Éducation nationale" selon le président régional de Bourgogne Intérim, Patrick Tuphé, par ailleurs conseiller municipal d'Auxerre centriste dans le groupe de l'opposition.
À un point tel, que le quidam pouvait imaginer que ce film était sponsorisé par le Ministère de la Culture ...
La séquence émotion fondée sur la sincérité des apprentis vedettes d'un soir - quoiqu'on en dise - est montée en puissance tel un phénomène grégaire.
Pire, ou mieux, les deux tables rondes allèrent dans le même sens, univoques, de manière irrésistible, comme la marée montante, ou descendante.
Or rien n'est plus faux. Anne Muxel, sociologue, politologue, directrice de recherche au CNRS a ramé pour financer son deuxième film d'auteure réalisatrice. France 3 Bourgogne fut la clé. Ce film docu sera diffusé sur les antennes nationales dans les semaines à venir.
Crépusculaire
En outre, Anne Muxel, dans ses interventions, s'efforça de tempérer le mouvement en recentrant le débat, non sans finesse. La dame d'Auxerre adoptée, s'attendait peut-être à autre chose, à d'autres réactions, non ?
Le fond est que le film docu en question interpelle et met mal à l'aise. Comme ces belles images de transition, crépusculaires, montrant une campagne vide et des chemins qui ne vont nulle part.
En effet, comment donner un avenir à nos jeunes, alors que notre système politique et éducationnel est défaillant et que plus personne ne s'y fie ? Comment aider ces jeunes qui revendiquent de vivre au jour le jour, sans penser au lendemain qui stresse et sans penser au passé qui ne sert à rien ?
Il reste le film, les images et les mots, les phrases... les silences.
Le mérite d'Anne Muxel est d'avoir donné la parole à des gens, des jeunes à qui on ne la donne jamais. Aux exclus, et ils ne sont pas les seuls. Donc que personne n'entend jamais. Rien que ça c'est énorme. Et nos critiques vacillent, boursouflures insensées.
Cette partie de jeunesse est oubliée, méconnue et pourtant tellement présente partout dans nos vies quotidiennes, les gestes de tous les jours. La difficutlé c'est le décryptage, l'interprétation et au-delà, la perception des choses et des dits et non-dits au travers des dits.
La sociologue-politologue a du pain sur la planche. On ne voit pas s'esquisser une contre-société à venir ... mais les contours sont posés.
Pierre-Jules GAYE
___________________
(*) La France Périphérique (Comment on a sacrifié les classes populaires) de Christophe Guilluy, géographe, Editions Flammarion
La salle 8 du cinéma Casino s'est vidée petit à petit au fur et à mesure des débats qui se sont prolongés tard (DR)
La deuxième table ronde a vu les politiques entrer en scène (DR)
Commentaires
@Valérie Leuger... Que proposez-vous pour répondre à la question que vous posez concernant la méfiance envers la politique représentative? Et puis comment définissez-vous les gens de la "vraie vie"?
Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail, destiné aux 16-25 ans, élaboré en vue de la formation, sanctionnée par un diplôme, à un métier. Ce contrat repose sur le principe de l’alternance entre un enseignement théorique en centre de formation et une formation pratique chez l’employeur.
@ morvan89 ... il faut regarder les videos pour tout comprendre mais vrai que cela prend du temps.
Alors deux exemples : les normes et la règlementation pénalisent. Un apprenti boulanger n'a pas le droit de travailler avant 6 heures du matin. Pour la boulangerie c'est injouable car le pain se prépare bien avant.
Autre exemple : un apprenti n'a pas le droit de monter sur un toit ... embêtant pour un apprenti couvreur... Non ?
Autrement dit, l'équilibre entre la sécurité nécessaire des jeunes mineurs au travail, ne trouve pas toujours la correspondance eu égard aux nécessités du métier
Ce fut une soirée d'une intensité rare,
Un temps suspendu aux lèvres de ces jeunes qui avec leurs mots emprunts de naïveté parfois mais d'une extrême clairvoyance égrainaient des vérités quasi irréfragables ...
Deux axes de réflexion , la place et l'image de l'apprentissage dans la société française et l'image du "politique" dans les yeux de ces jeunes citoyens ...
Ce que l'on a entendu hier sur ces deux sujets , ne peut laisser sans réaction...
Il est de notre devoir à tous d'entendre cet appel à la reconnaissance de ces jeunes d'une part et de ce besoin d'être représentés par des "politiques " dans lesquels ils peuvent un peu s'identifier , des gens de la "vraie vie" ...
Nous ne pouvons plus laisser cette question être posée :
"Madame, comment choisir quelqu'un quand on n'a plus confiance en personne ..."
On aimerait comprendre pourquoi l'apprentissage s'effondre ainsi.
Quelles sont les raisons objectives de cette situation.
Un exemple qui me touche personnellement montre qu'il est difficile de trouver un maitre d'apprentissage. Est ce cela ?
J'y étais...
Remarquable article, tout est dit entre les lignes