Il y avait curieusement, comme une infinie tristesse, chez Gide, jeudi à Paris, pour le closing du contrat de cession de l'AJA, d'un actionnaire majoritaire à l'autre.

Comme une fin de représentation. Où on constate qu'il n'y a plus de rôles à jouer. Et où l'on a la nostalgie de certaines cours de récréation en forme de disputes. Comme les vieux couples. Qui sont dans l'incertitude du lendemain.

Guy Roux était égal à lui-même comme toujours en dignité devant les médias. Mais il était comme plongé en apnée, groggy, s'échappant dans un ailleurs. Un rendez-vous salvateur.

Le plus touché en apparence, était Guy Cotret.

Déjà naturellement, il fait la gueule. Alors imaginez ce que cela pouvait donner. La gueule contrite du banquier provincial ainsi qualifié le matin même par l'Équipe, très injustement, car c'est tout le contraire.

Les Chinois étaient bien là, en nombre discrets, femmes et hommes, jeunes, scrutant les scènes chez Gide. Mais personne ne savait qui était qui. Ni qui avait été élu. C'était d'autant plus difficile que se mêlaient les Chinois de chez Gide et ceux de chez Org, bien involontairement, aux Français cravatés du plus grand cabinet d'avocats français (600).

Les sortants, Corinne Limido éclatante d'une beauté qui absorbait la lumière, était émue mais contente car elle a abouti. Se libérer de l'emprise de feu son mari que lui a pris l'AJA et transmettre en de bonnes mains l'objet d'une passion éphémère mais totale.

Jean-Luc Michaud, l'administreur sortant ami et conseil d'Emmanuel Limido, avocat d'affaires à la retraite, était lui aussi tourneboulé, au point que ce grand sportif, qui glissa avoir sauté 6,06 m en hauteur à la faveur de quelques bulles de champagne bienfaisantes, explique son désarroi son émotion de l'instant.

D'un coup, s'en va ce qui était essentiel et que l'on croyait accessoire.

Non. Plus rien ne sera désormais comme avant, quel que soit l'avant. Celui des uns ou des autres.

C'était indicible mais palpable.

Comme un malaise profond.

Et c'est comme si personne, encore, ne s'en rendait vraiment compte.

Ainsi va la vie ... celle qui compte. Demain.

Quelle humilité. Quelle dignité. Quelle discrétion. Ces Chinois. Quel respect pour l'AJA et son oeuvre. Loin des rumeurs et fureurs du terrain. De la hauteur.


PIerre-Jules GAYE