Ah combien son visage racontait ce qu’elle a elle-même raconté : cette fusion avec sa mère, ce plaisir du tactile, de la chair, du confort des genoux et bras maternels. Ça, c’était dans la douceur du sourire, un sourire qui se refermait, heureux, sur ce trésor : les souvenirs tendres. Et le deuil jamais fait de ces  souvenirs tendres aussi… Et puis il y avait ce regard posé loin, loin, comme pour déceler la silhouette du père, cet homme élégant et raffiné, ce père dont elle ne sut jamais ce qu’il était devenu… Tout comme le frère qui, du haut de ses dix-huit ans immortels, lui a laissé l’empreinte de ses derniers regards et le son des derniers mots…

 

Simone Veil (D.R.)

Et la vigueur de son apostolat : vivre et transmettre ! Cet apostolat qui l’a nimbée d’une beauté pure comme le lait qui coule, la source qui court, le vent qui fait tanguer le monde. Beauté qui fit que l’on choisit de l’aider, de lui ouvrir les portes – même si pas toujours avec le sourire - parce qu’elle était rare et contenait un trésor qui devait encore éclore.

Une femme qui aime sa mère, qui aime ses amies, qui aime les femmes. Qui gardera toujours son élégance un peu distante, bourgeoise, sans audace, alors qu’elle, dans ses tailleurs, c’est une paisible rebelle. Paisible et déterminée. Les femmes l’ont aidée, sauvée, et elle s’activera à en sauver d’autres. Inlassable, infatigable, comme si la vie qui lui avait été rendue devait être deux fois plus remplie, et était en tout cas deux fois plus précieuse. De la femme, elle a fait une grande personne. De l’être féminin elle a fait un être avec des droits. Dans un monde d’hommes, où elle avait trouvé sa place sans minauderies ou retraits dans l’ombre.

Farewell Madame Veil, nous avons eu de la chance que vous soyez venue et restée assez longtemps…

 

                                                                             Suzanne DEJAER