La tribune et le buffet de l'orgue gothique de l'abbatiale de Pontigny, photographié, lundi à 14h30 (DR)

 



 

L'Orgue de l'abbatiale de Pontigny dans l'Yonne est silencieux depuis trente ans.

Construit en 1645 provenant de l'abbaye Saint Pierre de Châlons-en-Champagne.

Grâce à l'action énergique de l'association Orgue de Pontigny, cet orgue classé par les monuments historiques, va être restauré pour revivre dans l'édifice insigne connu dans le monde entier.

Le 900ème anniversaire de l'abbatiale Notre-Dame de Pontigny, qui est aussi la cathédrale de la Mission de France, ancien monastère de l'ordre cistercien fondée en 1114, fut l'étincelle de l'entreprise. Elle est la seconde des "quatre premières filles" de Cîteaux. Pontigny est aujourd'hui, la plus grande église cistércienne du monde (*)

Le prêtre de la Mission Jean-Marie Ploux en témoigne, complètement investi dans le plan d'action aux côtés de Serge Scapol, président de l'association Orgue de Pontigny.

 

Lumières de janvier suivant la course du soleil (DR)

 

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(*) Le domaine abbatial fut racheté par Paul Desjardins en 1906 ; il y organisa les célèbres Décades de Pontigny, rencontres d’écrivains, de philosophes et d’intellectuels français et européens, auxquelles participèrent, entre 1910 et 1939, des intellectuels comme André Gide, Roger Martin du Gard, André Maurois, Jacques Rivière, ou encore Jean Tardieu parmi de nombreux autres personnages. En 1986, François Mitterrand président de la République vint se promener dans les jardins empruntant notamment l'allée des charmilles.

À partir de 1947, les pères de la Congrégation de Saint Edme, qui s’était développée aux États-Unis, revinrent dans les locaux de l'ancienne abbaye et y dirigèrent pendant sept ans un collège franco-américain.

En 1954, la Mission de France installa son séminaire dans le domaine, après que le pape Pie XII eut érigé la paroisse de Pontigny comme prélature territoriale113. Si la formation de ses prêtres s’effectue depuis 1968 en région parisienne, son statut canonique constitue de fait l'ancienne église abbatiale comme cathédrale de la Mission de France.

Entre 1968 et 2006, les anciens bâtiments accueillirent un des centres de formation de l’ADAPT où furent accueillis de nombreux stagiaires.

Acquis en 2003 par le Conseil Régional de Bourgogne, le domaine de l’abbaye a été rendu en partie accessible au public.

Il attend une mise en valeur pour une destination culturelle qui soit cohérente avec son prestigieux passé cistercien dont l’année 2014 a fêté les 900 ans.

 

 

 


 

Depuis un an, Serge Scapol, enfant de Pontigny et d'un immigré Italien, ancien entrepreneur dans les travaux publics, président de l'association Orgue de Pontigny, y passe ses journées. Les études préalables devraient s'achever à la fin de l'année. Il espère que l'appel d'offres sera lancé au début de 2017. Il faut compter deux années de restauration de l'orgue qui sera complètement démonté (DR)

 

 

 

L'esprit de Pontigny

 

«Il faut cultiver notre jardin », recommandait Candide. Paul Desjardins (1859-1940) n'avait pas que le patronyme en adéquation avec le conseil de Voltaire. Normalien, brillant helléniste, professeur aux écoles normales de Saint-Cloud et de Sèvres, l'homme a le goût des idées et des personnes. En 1910, il invente à Pontigny, un petit village de Bourgogne, des rencontres restées célèbres dans l'histoire intellectuelle du XXe siècle : les « décades » de Pontigny.

L'idée est simple, mais audacieuse : réunir dans un même lieu, à l'écart de la ville, des intellectuels pour réfléchir pendant dix jours sur un thème choisi.

Quelques années plus tôt, après la loi de séparation des Églises et de l'État, Paul Desjardins et sa femme ont fait l'acquisition de l'abbaye de Pontigny. Ce cadre chargé d'histoire sera l'écrin de son projet : « Appliquer (...) le régime cénobitique éprouvé efficace à l'entretien de la plus pure, de la plus vivace liberté de l'esprit. » Humaniste laïc, Paul Desjardins a vu la France s'effondrer face à l'Allemagne en 1870. La reconstruction morale du pays le préoccupe, les questions politiques et sociales, celles de la démocratie, de la paix et de l'éducation l'intéressent vivement.

En 1892, il s'est déjà illustré en créant l'Union pour l'action morale, un « ordre militant et laïc » qui fait appel « à tous les hommes, de quelque pays que ce soit, qui s'appuyant sur n'importe quelle religion ou philosophie, consentent à subordonner leurs intérêts particuliers à l'accomplissement de ce qu'ils croient juste, bon, vrai. » Desjardins s'illustrera aussi par sa défense vigoureuse de Dreyfus, puis de Loisy lors de la crise moderniste.

Jusqu'à sa mort en 1940, Paul Desjardins organisera plus de soixante-dix décades, brièvement interrompues par la Première Guerre mondiale. Très vite, Pontigny va bénéficier du soutien de la toute jeune « Nouvelle Revue française », et en particulier d'André Gide. Le rayonnement du lieu est intense, il dépasse les frontières de l'Hexagone. S'y côtoient François Mauriac, André Malraux, Léon Brunschvicg, Jean Wahl, Vladimir Jankélévitch, Gabriel Marcel, mais aussi Nicolas Berdiaeff, José Ortega y Gasset, Martin Buber... « Durant l'entre-deux guerres, Pontigny est une sorte de miracle du dialogue », note Claire Paulhan, éditrice et historienne. « Il y a un brassage intellectuel, politique, religieux, tout à fait impressionnant. »

Sous la charmille, on discute et on se détend. La jeunesse étudiante prometteuse est de la partie, adoubée par les plus anciens.

Au centre se tient Paul Desjardins, maître des lieux, fin débatteur, sage socratique qui fait accoucher les pensées. Un homme énigmatique, dont Roger Martin du Gard évoquera, dans son journal, le « caractère indéfinissable, mélange d'orgueil et d'humilité mystique, sincérité profonde et cabotinage flagrant, utopiste impénitent, religieux comme un moine ».