A la suite de l'article publié dans la chronique d'abonnés sous le titre "La France peut-elle aller vers un régime totalitaire?", un membre de la communauté réagit et se demande : "Etre vigilant qu'est-ce ? Voter, être syndiqué, s'inquiéter de sa commune, suivre les débats à l'assemblée, parler aux voisins."

Parmi les actions suggérées, la dernière doit retenir particulièrement notre attention ; oui, "parler aux voisins" de ce qui nous préoccupe en tant que citoyen est un engagement intéressant, je dis cela pour l'avoir, il y a quelques années déjà, vérifié dans le cadre de mes activités mutualistes, j'y reviendrai plus loin.

Voter, bien sûr, il faut user de ce droit d'expression chèrement acquis ; être syndiqué, je crains malheureusement que dans notre pays, dont le taux de syndicalisation atteint à peine 9% (5% dans le privé), cette forme d'action ait perdu toute influence, socialement et politiquement, d'autant qu'à défaut du nombre, les syndicats représentatifs agissent dans la division. S'informer, de ce qui se passe dans sa commune en assistant aux réunions de quartier par exemple, quand il y en a, ou mieux encore, faire partie du conseil municipal, tout cela est bien. S'informer également par médias interposés me semble de la plus grande importance car c'est la seule façon d'appréhender et de comprendre, avec pertinence, la vie démocratique du pays.

Mais à vrai dire, cela est insuffisant, surtout lorsqu'on aborde la question politique dans son sens le plus large. Pour espérer faire échec à l'exploitation de l'homme par le système économique et financier mondial, pour obtenir des responsables politiques une véritable écoute des attentes citoyennes et leur prise en compte lors des choix stratégiques fondamentaux, il faut faire plus, il faut une pression permanente et forte de l'opinion publique, laquelle doit être capable de dénoncer les abus, les engagements non tenus, les compromissions et de proposer. Cela peut se faire en dehors de toute organisation, institutionnelle ou autre ; je reviens à l'idée de "l'échange entre voisins".

Il suffit de réunir, pendant une courte durée (une heure maximum), un petit groupe de personnes (dix au plus) ; de convenir d'une méthode de fonctionnement qui permette à chacun(e) de s'exprimer en toute liberté sans nuire à celle des autres, dans un esprit de tolérance réciproque, en écartant toute intention prosélytique. Ceci fait, chacun des membres du groupe est invité à proposer un thème de débat, s'il le souhaite. Un vote désigne alors le sujet soumis à la discussion et celle ci peut commencer sous la conduite d'un modérateur. L'heure écoulée, inutile de s'efforcer de tirer des conclusions ou d'élaborer une quelconque synthèse, chacun repart chez soi, nourri du dialogue, avec ses idées, qu'elles soient restées en l'état, ou qu'elles aient évoluées en fonction des arguments glanés ici et là.

Je suis à même d'affirmer, pour avoir participé à de tels échanges, que l'on en ressort différent, car au delà de ses convictions personnelles, le fait d'avoir donné de soi et reçu de l'autre ouvre des portes et fait apparaître des solutions, là où l'horizon était sans visibilité. L'on s'efforcera d'associer le plus possible des participants jeunes, ouvriers, lycéens, étudiants, pour lesquels de telles activités constitueront la meilleure des instructions civiques.

Il est possible, sans avoir besoin d'une organisation et d'une logistique lourde, de multiplier de tels "rassemblements de citoyenneté" par delà les villages, les villes et les régions de France. Un appartement, une arrière salle de café, la salle de réunion du club ou de l'association sont autant de lieux disponibles.

Qui sait ce que peut engendrer de pareilles rencontres ? Pourquoi ne verraient elles pas naître des vocations, voire des idées nouvelles pour une alternative politique ? Est-il nécessaire d'avoir fait Sciences Po et l'ENA pour participer activement et concrètement à la gestion du pays ?

Jacques Millereau

retraité de la Mutualité