Raymond François Le Bris, ancien prefet, ancien directeur de l'ENA, a remis officiellement la légion d'honneur à Jean-Marc Brocard, le vendredi 22 octobre

La famille, les amis, tous sont venus nombreux (environ 270 personnes) pour feliciter Jean-Marc Brocard.

JMB, avec humilité, a fait un discours qui restera dans les annales.

Personne n'oubliera la première benne. La sienne. La JMB.

Femme, fils et fille (DR)

Patriat, Le Bris, Claudine Brocard et JM, Soisson, Rolland, Gendraud, Schaller, du beau monde au caveau où sont passés, le prince de Galles, Chirac, Mitterrand, Hidalgo, Platini et bien d'autres...  (DR)


Claudine, JM et les sept petits enfants (DR)

JPS le fondateur de l'UDF dont JMB fit l'affiche (DR)

Raymond François Le Bris, ancien prefet, ancien directeur de l'ENA, a épinglé la poitrine de Jean-Marc Brocard (DR)

Le discours de Raymond-François le Bris

Prononcé le vendredi 22 octobre à Préhy, à 18 heures à l'occasion de la remise des insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur à Monsieur Jean-Marc Brocard, viticulteur.
 
 
     Mon cher Jean-Marc ma chère Claudine.
   Quand je considère cette vaste assemblée où je retrouve des responsables politiques, beaucoup de vos amis, de vos confrères, de vos clients, réunis autour de vous et de Claudine dans ce haut-lieu de la Bourgogne je mesure mieux encore l'amitié qui vous a inspiré en me demandant à moi qui ne suis ;
 
  ni bourguignon,
  ni viticulteur,
  ni chasseur,
  ni entrepreneur,
 

mais ;
 un breton engagé depuis près de 50 ans dans le service de l'État, au surplus ancien directeur de l'ENA ;
 de vous remettre la Légion d'honneur!!
 
  Il est vrai qu'en accueillant Frédéric le mari de Céline, dans votre famille, ici en Bourgogne, vous avez pu mesurer que par beaucoup de leur héritage culturel, bretons et bourguignons sont assez proches.
 
  Il est vrai aussi qu'avant de vous rencontrer, la Bourgogne ne m’était pas totalement inconnue;        Directeur de cabinet d'un ministre bourguignon, ici présent ce soir ; M. Jean-Pierre Soisson ; j'avais eu avec lui l'occasion de découvrir cette région, et notamment les bords de la cure où nous allions marcher.
 Nous y trouvions loin de Paris, le calme nécessaire à des échanges sur des questions universitaires, qui constituaient notre pain quotidien ; l'autonomie des universités, la réforme des études médicales, l'achèvement de la mise en place des diplômes nationaux…
 Tout cela avait créer des liens ,qui d' une certaine façon, s’accomplissent ici ce soir.
 
 Notre rencontre est née sous les auspices de l'ENA.   Directeur de cette école de 1995 à 2001 ;j'avais dès mon installation, souhaiter donner aux élèves en stage,  une culture de terrain, plus qu'une formation d'état-major. De là ma décision de recenser sur le territoire national entre 200 et 250 entreprises moyennes et exportatrices, dont le dirigeant, identifiable ,pourrait accueillir pendant six mois de stage, un élève de l'ENA en formation.
Vous avez été mon cher Jean-Marc l'un de ces chefs d'entreprises.
Notre ancien stagiaire Jean-Maffart, ici présent ce soir, pourrait attester que ce stage lui fût fort utile.
 
 Depuis lors nous nous sommes souvent rencontrés. Une amitié est née car nous avons beaucoup de choses en partage:; mêmes valeurs, même respect de la terre et des gens, goût de l'entreprise .
 
 Si j'avais à résumer vos qualités, et faire apparaître en même temps ce que justifie cette distinction, que je vais vous remettre dans quelques instants, je dirais mon cher Jean-Marc que vous êtes:
 
un passeur
un inventeur
un entrepreneur
 
un passeur tout d'abord ;
Plusieurs personnes ont marqué votre vie professionnelle au départ;
 votre beau-père Émilie Petit .
 votre ami Louis Petit qui fut votre maître,
 «  regardes, tais toi et apprends, »
 Je gage que si le même Louis Petit s' adressait en des termes identiques à des jeunes en formation aujourd'hui ; ces préceptes seraient accueillis avec des nuances diverses !!!
 mais à l'époque cela ne choquait pas et cela était même utile : ‘la preuve’
 
  Le maître vous a appris la patience, le respect, les leçons du sol, comment faire parler la terre.
 Cette de Bourgogne dont la mère fut il y a 150 millions d'années, le premier berceau?
En se retirant la mer a légué un paysages, en vidant les lieux ,elle les a aussi remplis de milliards de coquillages qui donnent aux vins de chablis sa spécificité,
 C'est en écoutant cette terre, que Jean-Marc se comporte comme un passeur, c'est ici à partir de ces débris ensevelis d'espèces disparues  que sont  nés l'Oxfordien, le Kimméridgien , le portlandien, qui chacun pour ce qui le concerne porte une forme spécifique de minéralité.
Jean-Marc est passeur aussi ; par son souci de transmettre à Stéphane à Julien à Céline et à Frédéric ce qu'il a lui-même appris sur cette terre de Bourgogne, sur la façon de la faire vivre et de l'exalter.
 
mais c'est aussi;
    l'inventeur, que cette décoration veut honorer , un inventeur Jean-Marc Brocard le fût dès son premier emploi.
  pendant les trois années  que le jeune diplômé va passer chez Fruehauf, il va affiner sa maîtrise technologique, et, origines bourguignonnes obligent ;concevoir une benne à vendanges  sur  tracteur enjambeur, qui reçoit la médaille d'or au salon mondial des inventions de Bruxelles en 1973.
 Cet appareil simple et robuste ,comme il est décrit, est destiné, à permettre l'évacuation des vendanges en dehors des vignes. Il anticipe déjà tout ce que quelques années plus tard Jean-Marc imaginera.
Inventeur de nouvelles méthodes de cultures, promoteurs, avec son fils,Julien, résoluement adepte de l'agriculture biologique .
Avec ,à ce jour ,plus de la moitié de la superficie du vignoble exploité selon cette exigence.
 Jean-Marc se situe dans une orientation moderne écologique et responsable.
Mais ses ambitions et celles  de ses enfants en la matière ne se limitent pas à cela: comment passer d'une consommation de fioul à une alimentation carburant issu d'une production d' huile de tournesol pour alimenter les tracteurs de l'exploitation ?
comment développer l'oenotourisme ? notamment en réhabilitant des maisons bourguignonnes typiques aménagées en gîte comme à Chablis à Saint-Cyr les colons ou à Chaudenay le château, autant de réalisations ou de projets qui ne concerne plus simplement l'inventeur, mais dressent aussi le portraits des entrepreneurs.
à présent l'entrepreneur, Jean-Marc l’est au plus profond de lui, l'histoire se lit en quelques dates et en quelques chiffres ;
 10 juillet 1946 naissance de Jean-Marc à Chaudenay  le château.
 28 mai 1971 mariage de Jean marc  et de Claudine  petit à St. Bris le vineux
 1970 chef du département matériel spécialisé,au bureau d’études, chez Fruehauf.
 1973 retour à la vigne chez son beau-père  Emile petit.
 1975 encouragé par Louis petit, son maître, Jean-Marc Brocard reprend 1,5 ha à PREHY ;en métayage .
1980 Jean-Marc exploitent 15 ha et développe une activité de négoce
1990: 60 ha de vignes , 500 000 bouteilles ,
2000: 2 millions de bouteilles
.2010, 200 ha ,3,5 millions de bouteilles, 100 salariés, 65 % de ventes à l' export ,35 % des ventes sur le marché national.
Les vins Brocard ont bénéficié de nombreuses distinctions; Gault et Millaut, le Figaro, le guide Hachette des vins, la revue du vin, les confidences de Jean-Pierre Coffe.
les mentions abondent.
A cet ensemble manquaient une reconnaissance : celle de la République, pour le président-fondateur de cette entreprise;
Jean-Marc Brocard, l'instant de l'exprimer officiellement est désormais venu.
"Jean-Marc Brocard ,au nom du Président de la République, et en vertu du pouvoir qui nous sont conférés nous vous faisons Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur."

 
 Le discours de Jean-Marc Brocard

Remise de l’insigne de chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur à JMB
Monsieur le Ministre et Président du Conseil Régional Fanfan Patriat et cher  ami.
Monsieur le Ministre Jean-Pierre Soisson et Cher Ami
Monsieur le Président du conseil Général Jean-Marie Rolland et cher ami,
Monsieur le Préfet Raymond François Lebris et cher ami,
Messieurs  les Maires de Chablis et Préhy  et Chers Amis , Patrick et Marc
Messieurs les Commandants de brigade de la Gendarmerie
Mesdames et Messieurs distingués dans l’ordre de la légion d’honneur,
Chères amies, Chers Amis,
 
    Monsieur Raymond François Lebris, vous venez de m’élever au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, Merci de tout cœur, j’y associe Gilles Duffeigneux.
 
   Cette reconnaissance est tellement importante que je ne peux la porter seul ; permettez moi de la partager avec toutes celles et ceux, qui depuis mes origines, m’ont accompagné, fréquenté, ou ont partagé un bout de chemin avec moi ;
   D’abord Andrée et Camille mes parents, nobles petits paysans de la Cote d’Or et mes Grands parents, dont les grands pères semblables aux vôtres ont honorés leur patrie, Tous seraient fiers de cet hommage. Je n’oublie pas ma sœur Marie-Odile fonctionnaire en poste à Ryad.
   Merci à Claudine mon épouse, fille d’Emile et Marie-Louise, par qui je suis arrivé à la vigne, ces derniers ne voulaient pas me tendre l’échelle qui gravite à ce merveilleux métier, considérant que mon avenir était plus prometteur chez Fruehauf.      
  Merci à mes enfants : Stéphane, Julien, Céline, leurs épouses, Marilyne et Laurence, et mon gendre Frédéric.
Je ne célébrerai jamais assez le plaisir de nous avoir offert sept petites étoiles flamboyantes dans cette galaxie familiale.
 
    Remercier un à un tous les proches, amis, parents qui ont œuvrés avec moi à la construction de l’édifice serait une bien longue énumération, cependant je n’oublie pas Louis Petit, mon Maitre jusqu’à son dernier souffle, Gaston Sauvageot  le bienveillant. Philippe Séguin l’aristocrate qui m’a confié en métayage le premier hectare de chablis en 1975.tous m’ont choyés, sans toutefois me faire de gratuités, c’était cela les valeurs.
   Toutes celles et ceux que je ne cite pas se reconnaitront, mon cœur est près d’eux.
 
      La vigne et le vin sont au centre de cette fabuleuse aventure, qui n’est autre que celle de tout le monde, rien de plus, celle d’un collectif, dans notre cas celui du Chablisien où je me suis faufilé Je n’ai rien fait seul.
 
  Je crois davantage aux rencontres qu’aux hasards. Rencontres avec ce milieu et le bonheur de s’y exprimer parce que d’autres nous ont laissé des espaces naturels ,comme des terres vierges confiées à long termes moyennant fermages ,et des droits de plantations largement attribués ici à Chablis qui sont l’œuvre particulière de Jean Durup.
  Après ces prises de positions sur le terrain, restait l’essentiel : l’opérationnel comme vous dites, c’est à dire la rencontre avec, la plante, le climat, et mes semblables.     
  Ainsi je remercie ces vieux baroudeurs de l’argilo-calcaire, occupants des lieux bien avant moi, fiers d’être un exemple en me montrant à retrousser les manches et à cracher dans la paume de la main, avant de faire voltiger la pioche afin qu’elle  pénètre comme un vît dans cette matrice de terre féconde !
 
  Si nous, hommes nous accommodons des gros travaux du sol et aussi de cette fameuse liane venue d’orient, fort accaparante qui vous enserre et vous implore de toutes attentions : nous  reconnaîssons que les femmes plus compréhensives et agiles ont une meilleur exécution des tâches sur ce végétal ; d’ailleurs ne dit on pas en parlant des travaux manuels de la vigne ; «  les façons femmes ».
  Oui les femmes occupent, les postes de première importance chez Brocard, elles sont venues renforcer  les hommes dans tous ces maillons solides, harmonieux et variés de la chaine professionnelle entre la nature et le divin breuvage. La nécessité de la rencontre avec l’autre s’impose, encore faut il la chercher lorsque vous en avez besoin ou la recevoir lorsque vous suscitez une curiosité ou lorsque l’autre à besoin de vous,
     Merci à chacun, proches, voisins qui m’ont apportés soutient encouragements et confiance.
 
             Dans le chapitre des rencontres, j’évoque au passage la nôtre Raymond –François ; Un jour, recommandé par notre ami Jean-Pierre Soisson, je vous ai reçu, et vous m’avez proposé pour le bien de notre petite entreprise, de prendre pendant 6 mois un stagiaire de l’ENA, vous comprendrez que je me sois esquivé la première année ! mais en bon caractère de Breton, vous m’avez livré l’année suivante, au début des vendanges ; un grand garçon ; Jean Mafart ici ce soir. Les premiers réglages furent un peu délicats, mais le sujet intelligent s’adapta très vite, les échanges enrichissants, et depuis nous le considérons comme de notre famille.
     Nous pouvons encore compter sur ces grands serviteurs de l’état, que vous êtes.
C’est-à-dire, doués d’une attention particulière pour l’écoute de ce qui est en bas comme de ce qui est en haut, comme l’inspire et l’expire de la terre, ayant compris comme le disait St Bernard,
   «Il n’y a pas de plus grand maître que la nature »
 
             La consécration des rencontres c’est bien sûr la cave, lieu calme et frais, dont la pénombre pourrait évoquer quelque sanctuaire ou grotte initiatique.
    L’eucharistie très souvent représentée par un vieux millésime permet aux invités à cette communion ,de libérer leur esprit de leur carcasse de chair trop sensible aux menaces du temps ; Combien de fois n’avons-nous pas fait de tour du monde sans bouger, aussi bien en présence de simples, amis, clients, célébrités, et, parfois ou souvent  avec vous toutes et tous ici présents, et malheureusement aussi avec les disparus. Combien de fois n’avons-nous pas assisté à la complicité du vin et de l’amour, meilleur antidote efficace à la fuite du temps. Combien d’artistes de poètes n’ont  pas trempé la plume ou le pinceau dans le breuvage !
 
             Cette courte histoire, mais trop longue narration m’amène à une citation de Rudolf Steiner : « la construction de l’univers ne doit point demeurer pour nous un simple spectacle, nous devons au contraire la considérer comme une œuvre à laquelle nous sommes invité à participer » Oui vous y avez tous participés ;d’abord vous clients le plus souvent amis, collaborateurs, banquiers, employés, artisans fournisseurs, politiques, fonctionnaires, intellectuels, artistes, que sais je ! Quel foisonnement, quelle activité fermentaire, parfois turbulente, mais ô combien enrichissante et créatrice.
 
           Les anecdotes du métier sont innombrables ; du travail de la vigne jusqu’ au vin, et à la rencontre avec le dégustateur, Ces scènes  sont infiniment plus subtiles et vivantes qu’une reconstitution cinématographique. Elles peuvent paraître insignifiantes au regard des profanes, mais combien révélatrices pour le pratiquant, ajoutez y les dictons paysans et vous vivrez en harmonie avec vous et la nature.                              
  Nous avons la chance de nous exprimer au travers de ce théâtre.
 Ce sujet  inépuisable, passionnant, cher à notre existence nous fait comprendre chaque jour au travers de nos travaux qu’il contribue à l’histoire de l’humanité. Combien de connaissance nécessaire, d’ardeur déployée durant tous les cycles ; que sont les jours, les semaines, les saisons, l’année, combien de rappel à l’humilité !   
On comprend que Voltaire ne craignit point d’affirmer «  je ne connais rien de plus sérieux, ici bas que la culture de la vigne »
   Je remercie encore tous ceux qui s’y emploient et célèbre le travail comme une réjouissance.
 
            Aujourd’hui , le chef de troupe du théâtre voit le crépuscule. Si des fragments de sagesse l’ont inspiré pour la réalisation de cet ouvrage, la force le quitte et le travail n’est pas terminé.
     Le développement rapide du vignoble et des volumes de vin ont connu  des grandes heures. Cependant  des faiblesses de stabilité des marchés demeurent,
    Les jeunes comédiens sont déjà là affûtés aux valeurs qui traversent les générations, ils sont  prêts à relever ces manques. Notons qu’aujourd’hui pratiquement tous les pays sont ouverts,  on y retrouve les éternelles valeurs, dans le même ordre : travail, famille et pays ;  Osez ! Osez ! La réussite sourit aux  audacieux,
 
  Si toutefois le Théâtre « Brocard » devenait une Abbaye Cistercienne, je dirais que l’abbé Julien veille au respect de la Charte, aidé du beau frère convers Frédéric, Sœur Céline développera le département d’avenir oenotouristique, Laurence la discrète veille au bon relationnel.
  Nous souhaitons beaucoup de réussite au Frère Stéphane et à Marilyne qui développent courageusement une autre obédience vineuse.
   N’oubliez pas votre but : faire du bon vin qui doit : Réjouir les hommes ! Faire briller les yeux des femmes ! Demeurer un compagnon de plaisir et de divertissement ! Et  être le complice de l’amour !
 
  J’aime à répéter la définition du vigneron par Hugues Johnson ;
  « Paysan et artiste, homme de peine et visionnaire, amoureux du plaisir autant que de l’effort, alchimiste et comptable, le vigneron conjugue toutes ces qualités depuis le déluge «
 
     Ce soir,  ne buvons pas pour oublier ! Mais buvons pour nous souvenir !
 
         Jean-Marc BROCARD
                                                                                
 
Figure libre

Le Jean-Marc


Ma première rencontre avec Jean-Marc fut au fond d’une bouteille. Un Brocard fin des années 80, un vieux cépage chardonnay de derrière les fagots comme on n’en fait plus, avec cette étiquette si spéciale ciselée dans le haut et surtout le contenu iodé, profondément minéral. C’était fort et ça ne s’oublie pas.
Ma deuxième rencontre fut en marchant sur le fairway rectiligne du trou numéro 1 au Roncemay, au début des années quatre vingt dix. Le golf est un révélateur de la personnalité. Celle de Jean-Marc est complexe, comme son swing en forme de crucifixion et ses coups de fer qui peuvent provoquer des étincelles. Ne vante-t-on pas un jeu de fer étincellant ?

Les lacets de sa gentillesse m’ont doucement piégé, à longueur d’année. Comme cette étonnante ouverture d’esprit en quête permanente, que trahit un sourire malicieux et désarmant dont il ne se dépare que rarement pour piquer une colère ou défendre le terroir. Comme aussi cette opiniâtreté, dure au mal, qui le symbolise.

Dans la Cordelle, un midi plein de solstice d’été caniculaire, au terme d’une marche de cinq heures, il ne lâcha pas prise. Rouge comme une écrevisse, dans la foulée, ce Celte généreux et partageur perclus de tâches de rousseur, nous offrit le chant sublime des Soeurs de Jérusalem sur la colline éternelle. Des pieds dans la glaise à l’ascension au ciel, avec Jean-Marc, nous ne touchions soudain plus terre.

Le jeu de cartes n’est pas son terrain de prédilection. Pourtant rebelote. Sur le chemin de Saint-Jacques, à peine parti du Puy-en-Velay, on le vit filer, seul, par des chemins de traverse. Il récidiva en Aubrac. Dans l’Aveyron, à une encablure d’Espalion dans la côte boisée interminable puis dans la montagne qui mène à Conques, il traça en solitaire dans les ascensions. Au train. JMB n’est pas un sprinteur. Il est diesel. TDI V12. Les Pyrénées, à Ronceveaux, il franchit le col dans la bourrasque sous la neige sans un mot sinon pour partager un petit coup de Vaudésir dont il a le secret.

Le col tue c’est bien connu, mais pas Jean-Marc. Allez savoir pourquoi il veut, il aspire à toujours arriver le premier au sommet ?

Pour gagner, certes, mais pour défricher simplement une forme de liberté, entraînant dans son sillage une curiosité jamais démentie mais aussi l’amitié, la fidélité et l’amour du beau, gravés dans le regard : les années n’ont pas de prise sur cet homme aux yeux bleus clairs, victime de l'appel du large.

                                                                                         Pierre-Jules Gaye