Retranscrire en toute liberté, mais aussi en toute simplicité le parcours, durant quatre saisons, du vin issu du domaine de la Romanée-Conti. Un vin si prestigieux que seule une petite poignée de terriens auront, ne serait-ce qu’une seule fois dans leur existence, l’occasion d’y tremper leur lèvres. Le domaine ne produit que quelques milliers de bouteilles par an. Des bouteilles qui s’échangeront entre 5000 et 18 000 euros. Un vin tellement rare que même les plus riches sont trop nombreux par rapport à la production totale, une anecdote expliquée dans le film.

Mais, ce documentaire, réalisé par Thomas Bravo-Maza et son équipe, ne réduit pas la Romanée-Conti qu’au prix de son vin. Et réussit avec talents un vrai tour de force : dépasser justement l’anecdote pour faire pénétrer le spectateur dans les coulisses, en retranscrivant la simplicité, voire une certaine austérité, qui caractérise le domaine le plus luxueux du monde. Mais, surtout, grâce à un gros travail de fond, le réalisateur a réussi l’exploit de « faire parler » Aubert de Villaine, le propriétaire des lieux. Un homme qui se confie peu. Encore moins « face caméra ».

« On pensait que c’était impossible »


Premier étonné de l’apparition dans le film, Alain Suguenot, le députe-maire de Beaune. Après avoir « tiré son chapeau au réalisateur », celui-ci s’est interrogé : « comment avez-vous fait pour convaincre Aubert ? ». « On pensait que c’était impossible, compte tenu de sa modestie », a-t-il souligné. Avant de rendre hommage à un nom de domaine « qui fait rêver dans le monde entier ».

Jean-Pierre Benechet, le directeur de France-Télévision Nord Est, mais aussi fin connaisseur de la région et des ses vignobles a lui désamorcé toute polémique, non sans humour, quant au choix de Beaune pour cette avant-première. Beaune se situant dans la Côte de Beaune, alors que le domaine de la Romanée-Conti, lui, est localisé dans la Côte-de-Nuit. « Mais, la candidature des climats de Bourgogne au patrimoine de l’Unesco fait que nous sommes pardonnés d’être à Beaune pour fêter la Romanée ».
Reprenant son sérieux, il a expliqué, revenant au documentaire : « France 3 est dans sa mission. Pénétrer dans un endroit où personne ne pénètre. C’est ce qui est merveilleux avec la télévision. Ce film n’est pas destiné à un petit public, mais à la grande masse des gens ». Autre avantage de la télévision, sa mémoire : « Le patrimoine, aujourd’hui, est aussi audiovisuel. Et il le restera toujours ».

« Une aventure démarrée il y a 7 ans »


Il en fallu, de la patience, à Thomas Bravo-Maza. Le plus dur aura sans doute été d’inciter Aubert de Villaine de participer pleinement à son projet. Comme il l’a raconté, après la projection, très ému : « C’est une aventure qui a démarré il y a 7 ans. Il a fallu plusieurs années pour convaincre Aubert de Villaine. Au début, il ne voulait pas de caméra ». Il lui a fallu batailler pour faire passer le message : ce film participait aussi au patrimoine français. Avant de glisser : « le message d’Aubert de Villaine, dans ce film, c’est aussi un message de résistance. Le message d’une Bourgogne qui résiste, une Bourgogne à la fois forte. Et à la fois fragile… ».

Bruno LEDION
et Alain BOLLERY

                                                                                                                                 Creusot-Infos

Diffusion : Le documentaire est à voir ou revoir le 8 février à 8h45 sur France 3 Bourgogne, Franche-Comté, Nod Pas de Calais, Picardie, Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.

La morale de la Romanée-Conti :
« La fortune n’ouvre pas toutes portes »

Quels secrets révèle ce documentaire ? Quelques uns. Mais pas tous. Le domaine garde jalousement certains détails. Qui en font le vin, certes le plus, cher, mais, surtout le plus mystérieux du monde. Et c’est sans doute ce mystère qui en fait sa légende. Comme le décrit la voix-off, en ouverture : « le vin le plus rare et le plus secret au monde ». Où, comme le glisse avec gourmandise Bernard Pivot : « quand on trempe ses lèvres dans un verre de Romanée-Conti, on boit de la géographie, on boit de l’histoire. Et on boit aussi et surtout de la mythologie ». Une mythologie qui démarre, comme le raconte le film, en 1760, par le rachat du domaine par le prince Louis François de Bourbon-Conti, plus connu sous le nom du « prince de Conti ». Et que se poursuit encore aujourd’hui…
On a également l’occasion d’en découvrir un peu plus sur Aubert de Villaine, son propriétaire. Comme cette scène, où tenant une photo de son père et évoquant sa famille, il explique : « la force de cette famille, c’est d’avoir conscience de ce qu’elle avait en charge, quelque chose qui la dépasse ».
Mais, on découvre aussi « la morale de l’histoire » de la Romanée. On a beau être riche, puissant et influent, cela ne donne pas forcément le droit d’acquérir ce vin. Il faut aussi être en bonne place, car la liste d’attente est aussi longue que le prestige du breuvage est grand : « l’argent ne suffit pas. La fortune n’ouvre pas toutes les portes ».
A méditer…


Réactions
John Capuano, vigneron à Santenay
«C'est un film qui donne envie, car il restitue parfaitement ce qu'est à la fois le terroir de la Bourgogne et sa richesse viticole. C'est un film émouvant. En tant que vigneron j'ai été ému, par la vérité et la sincérité du travail accompli dans le domaine de Romanée-Conti. Je pense que les professionnels de la vigne vont se reconnaître dans ce film, car il montre très bien toute la richesse de notre métier, quand celui-ci est pratiqué avec des règles fondamentales».

Jean-Pierre Bennechet
«La perfection, telle qu'elle est dans la Domaine de la Romanée-Conti n'est pas accessible à tout le monde. Et c'est toute la richesse de ce documentaire de montrer l'exemplarité du travail. C'est une approche qui donne envie, qui ne peut qu'inspirer tous les gens qui ont envie de faire du bon vin. Je trouve qu'il y a beaucoup de pédagogie dans ce film. Une bonne pédagogie que chacun peut comprendre et s'approprier».