Le champagne coulait dans les rues de Rome pour saluer dans l’allégresse le départ de Silvio Berlusconi. Nous n’en sommes pas encore au croc de boucher pour un cadavre improbable et capable de toutes les résurgences, mais l’épisode mérite un arrêt sur image dépassant l’Italie.

Soyons clairs, Berlusconi n’était pas un dictateur ; il n’a pas recueilli son pouvoir en dehors des chemins démocratiques. Silvio Berlusconi a été élu par les italiens, dans des urnes, avec des bulletins de vote.

Il y aurait matière à s’interroger sur ce départ forcé, en dehors de toute sanction démocratique dans les urnes et même sous la liesse de la foule. Mario Monti, qui le remplace, rassurera-t-il les financiers, les bourses et les agences ? Voilà la seule question qui préoccupe les commentateurs. Il y a peu de personnes pour poser la question du déni démocratique. Une foule ne peut remplacer des urnes et des bulletins ou alors ce n'est plus la démocratie.

C’est pourtant bien de cela dont il s’agit, en dépit des sentiments à l’égard ici de Berlusconi mais ailleurs de Papandréou. Nous sommes en face d’une nouvelle donne représentée par l’impérialisme des financiers. Ces milieux ont besoin de confiance; le désir de l'abonder l’emporte sur toute autre considération. Ceux qui remplacent les déchus sont tous des hommes de banques, en Grèce comme en Italie. Le fait avait déjà été noté en Irlande : ainsi trois gouvernements démocratiquement élus ont été poussé à la démission au profit des banquiers pour rassurer les banquiers. En Espagne un vote se déroulera la semaine prochaine, la démocratie semblera respectée, mais Zapatero a été obligé de mettre un terme à sa carrière politique.

C’est donc bien à une forme de dictature à laquelle nous sommes confrontés, une dictature d'image. Il faut des images qui rassurent les milieux financiers. En France, notre constitution, si souvent critiquée, nous met un peu à l’abri de tels soubresauts d’humeur. Le véritable chef de l’exécutif se trouve à l’Elysée (aujourd'hui celui là peut-être demain un autre) et sa désignation ne relève pas de combinaisons partisanes, d'un lobbying parlementaire : il est élu au suffrage universel direct. Des gouvernements de type « parlementaires », résultats d’alliances variables et plus soumis aux aléas de l’immédiateté nous dirigeraient sans doute aussi vers des diktats venus d’ailleurs. Ainsi dans une distribution, un casting organisé par les nouveaux dictateurs de l'ombre François Hollande aurait-il une chance ? Certainement pas … Ce serait Jean-Claude Trichet ! Pourtant il se trouvera encore tel ou tel pour critiquer nos institutions et cette "présidentialisation" responsable de tous nos mots.

Certains posent alors une question innocente : combien de temps les peuples accepteront-ils de telles injonctions ? La réponse est simple : tant que les nouveaux Maîtres fourniront le pain et les jeux. C'est la seule équation que ces derniers ont à résoudre. Elle n'est pas mince car elle suppose de leur part certains sacrifices passagers qu'un aveuglement maladif peut leur faire ignorer ou mal apprécier. L'échec des dictatures, même en apparence sérieuses, voire désirées, signe en général le début de phases très chaotiques dont on ne discerne pas immédiatement la physionomie de sortie.

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