Quel est l’apport de l’AJA au patrimoine de la ville, si toutefois on peut considérer qu’il y a un apport ?

On dit «  l’AJA cent ans déjà ». Elle fait partie du patrimoine culturel et sportif  d’Auxerre. Un sport qui n’était pas du tout populaire à l’époque.  Je me souviens qu’au lycée  Jacques Amyot les meilleurs entraient à l’AJA… c’était  déjà la compétition. Je pense que c’est quelque chose qui est inclus dans les générations qui constituent le tissu auxerrois. Que les gens aient 80 ans,  60, 40, 20 ou 10, tous à un degré ou à un autre, ont eu un copain ou un frère qui a fréquenté l’AJA.

La réussite de la division football fait que ça a pris une dimension régionale,  avec les célèbres matchs contre Gueugnon, contre Montceau-les-Mines,  puis nationale avec l’accession à la 2ème division, puis pratiquement dans la foulée à la 1ère division où on tient le haut du pavé en termes de durée.

Gérard Bourgoin, président du conseil d'administration de la SAOS AJA football ( Photo AJA Football- Stéphanie Grossetête)

 

Pourquoi l’AJA est-elle un patrimoine ?

Parce que c’est une possession de l’Yonne : 33 ans de participation parmi l’élite. Nous sommes les recordmans de toutes les villes de France, hors Paris et Saint-Germain-en-Laye, deux villes associées un peu plus anciennes. Quand un club adverse nous reçoit, il dit qu’il reçoit Auxerre et non l’AJA.  Donc l’AJA est associée à Auxerre. C’est pourquoi on fait partie du patrimoine.



La notoriété pour vous, fait partie du patrimoine ?

Bien sûr. Et c’est très important pour développer le tissu économique. Quand on veut faire des repérages, on a forcément entendu parler d’Auxerre donc ce n’est pas une inconnue.  C’est culturellement facile de vendre Auxerre.

La notion de patrimoine est généralement associée  aux biens juridiques immobiliers et mobiliers. Auxerre est propriétaire de ses installations foncières et immobilières, fussent-elles sur des terrains inondables.  C’est rare en France un tel patrimoine, c’est même une exception de taille dans le paysage de la Ligue 1 …

Ce sont surtout des terrains qui ont été offerts par donation. L’Abbé Deschamps a beaucoup plaidé la générosité, beaucoup fait savoir qu’il tendait la main. Le système du patronage a fait qu’à un moment donné l’AJA est venue vers les familles pour essayer de donner une occupation à leurs enfants, de les éduquer, et en réciprocité il y a eu des legs, des dons. Ce n’est pas le fruit d’une négociation commerciale affairiste.

Les terrains ont-ils été données parce qu’ils étaient inondables, je ne sais pas, mais ils ont été donnés autour de l’île, ce qui fait qu’aujourd’hui, l’association mère de l’AJA possède un certain nombre de terrains.

Vous voulez parler de l’association La Familiale ?

Oui et je ne connais pas bien les détails mais les terrains ne sont pas aussi nombreux qu’on veut bien le dire. En outre ils sont de temps en temps occupés par la ville à titre de parkings, et puis à titre de réciprocité, l’AJA a construit sur des terrains municipaux avec des baux amphithéotiques,. C’est d’ailleurs une nébuleuse. Il faudrait qu’on clarifie ça et que l’on sache ce qui appartient aux uns et aux autres.

Il y a l’association AJA composée de 40 membres cooptés, il y a l’association La Familiale, propriétaire  des installations et du foncier et puis il y a la SAOS (société anonyme à objet sportif) qui gère la section professionnelle. Or l’association AJA est propriétaire de la SAOS… La complexité de l’organisation juridique de l’AJA fait-elle parie du patrimoine ?

La loi Buffet a contraint les clubs qui employaient des salariés à créer la SAOS. Normal. La Familiale n’est pas partie prenante dans la SAOS. Elle est parallèle.  Il y a de gros efforts de faits par l’abbé Rignault pour rapprocher toutes ces associations, omnisports compris, club verts, chalet en Savoie etc., cousines germaines assez lointaines. Beaucoup d’associations portent l’emblème AJA : c’est l’héritage de l’Abbé-Deschamps.

L’AJA en tant que PME fait-elle partie à ce titre, selon vous, du patrimoine d’Auxerre, comme  l’usine de machines à bois Guillet autrefois ?

L’AJA a connu ses heures de gloire nationales et européennes. C’est l’AJA qui symbolise le plus la ville d’Auxerre en termes de notoriété partout dans le monde. Quant à Guillet, on trouve encore des machines à bois fabriquées à Auxerre dans de nombreux pays.

Quel est l’apport de l’AJA au plan économique local ?

L’apport de la ville il est insignifiant dans la gestion de la SAOS., c’est un peu comme le poivre sur un biftek., c’est symbolique. Les politiques en charge des finances de la ville ont toujours peur de se voir reprocher par les gens qui n’aimeraient pas le football qu’ils aident, qu’ils financent et soutiennent l’AJA. Dans les villes de France les  grands clubs sont abrités par des installations et des terrains qui appartiennent  à 100% aux villes tout comme les mises à disposition.  A Auxerre ce n’est pas la coutume, on s’arrange et on passe à travers les gouttes. Il n’y a pas de honte à dire que dans une certaine mesure Auxerre est promue par Auxerre et vice-versa. L’homme de la rue considérerait comme une perte personnelle pour la cité dans laquelle il vit, s’il arrivait un accroc à l’AJA.

L’AJA arrive à la fin d’un cycle générationnel avec des dirigeants vieillissants. Et des structures à faire évoluer. Comment se pose le problème de la succession. ?

Aujourd’hui, je travaille avec la nouvelle équipe qui a pris les commandes de l’AJA pour mettre en place des structures bien ficelées avec de bons agents de maîtrise à chaque poste et afin que tout repreneur potentiel qui voudrait s’investir à  l’AJA puisse entrer comme dans une société normale. C’est bien parti pour ça, on y travaille beaucoup, avec une indépendance de la communication, une indépendance du sportif, une indépendance du comptable, une indépendance du financier, une indépendance des ressources humaines. Et si un jour la collectivité locale ne peut pas aider l’AJA, parce qu’il faudra forcément une grande solidarité, il y aura forcément un repreneur financier qui viendra un jour à l’AJA et trouvera que c’est un tel label, une telle puissance de feu, qu’il la prendra comme son moyen de communication et décidera d’investir dedans pour en faire une véritable marque. Il n’est pas impossible que nous dégustions un jour non pas du vin AJA mais des produits ou services qui porteront « the brand », la marque, le label AJA qui vaut quelque chose, aujourd’hui. La future succession ce sera forcément un groupe financier qui arrivera.

Guy Roux pense comme vous. Déjà en 2005, il évoquait la nécessaire arrivée de princes Qatari par exemple. Or c’est une rupture avec la philosophie maison de Jean-Claude Hamel, gardien des bijoux de famille et qui s’est toujours opposé à l’entrée d’un « étranger » dans la famille du patro dont il se sent gardien de l’héritage.

Donc vous pensez que l’avenir de l’AJA passe forcément par une évolution avec des capitaux extérieurs ?

Pour moi ce n’est pas une rupture. C’est une tendance lourde dans tous les pays. Si on est obligé de trouver 50 ou 100 millions d’euros sur le marché et si le marché c’est une société financière étrangère ou un groupe comme à Lyon, je pense que  les gens qui géreront l’association  AJA devront passer des accords avec des groupes puissants. Au conseil d’administration, on n’aura pas d’autres solutions que de trouver des accords avec un groupe financier puissant.

J’ai l’esprit associatif, j’ai toujours été présent dans le tissu associatif. Mais il faut savoir que pour gérer des affaires, en tant que bénévoles comme nous le faisons, ça va, parce qu’on a le temps maintenant  et qu’on a eu une réussite devant qui nous permet de perdurer, mais il est sûr que, demain, ce sera  géré par des groupes financiers importants. Il ne peut en être autrement.  Le football professionnel ne peut pas finir autrement que dans les mains de financeurs.

Demain, c’est quelle échéance ?

10 ans, peut-être avant. 

 

                                                                                                                                   Recueillis par P-J. GAYE