26 décembre 2011. A neuf jours de la date anniversaire de sa mort tragique sur une route de l'Yonne, il y a 52 ans, nous sommes partis sur les traces d'Albert Camus à Lourmarin qu'il aimait tant car ce village et la région lui rappelaient son Algérie natale où il coula des jours heureux auprès d'une mère illettrée. "Noces" témoigne de cette enfance et adolescence faites d'insouciance et de bonheurs. Jusqu'à ce qu'un jour, Camus s'interroge pour savoir si un homme pouvait vivre heureux alors que d'autres sont malheureux.

C'est à Lourmarin pendant ce dernier hiver, qu'il écrivit le "Premier homme", livre inachevé mais publié. Il se levait très tôt et descendait prendre son petit déjeuner chez Ollier, avant d'effectuer son tour de campagne, une longue marche dans les environs enchanteurs, puis de se mettre à écrire, debout, devant son écritoire, face aux montagnes du Lubéron, dans cette maison qu'habite, aujourd'hui, sa fille Catherine et où vient son jumeau Jean, fils d'Albert Camus.

Ce hiver-là, il devait rentrer en train à Paris. Il avait son billet en poche lorsque Michel Gallimard, le neveu de Gaston, lui proposa de le ramener en voiture dans sa Vega avec Marie son épouse. Ils prirent la route et rallièrent Sens dans l'Yonne, non loin de Paris. Ils déjeunèrent à l'Hôtel de la Poste puis reprirent la route. Peu après, sur la N 5, à Villeblevin, dans une ligne droite ; la Faca Vega s'écrasa contre un platane. Camus gisait, tué sur le coup au milieu des feuilles de son manuscrit le "Premier Homme".

Le pont à coquille

C'est à Lourmarin qu'il fut enterré et que sa dépouille repose sous une tombe végétale. Le président de la République Nicolas Sarkozy, au début de son mandat, voulut transférer les cendres de Camus au Panthéon, mais il n'obtint pas l'autorisation de sa fille Catherine non plus que de son fils Jean.Tous deux étaient partagés mais ont pensé que leur père, qui n'aimaient pas les honneurs, n'aurait pas apprécié.

Dans cette video que nous proposons aux internautes, nous avons simplement et modestement voulu restituer un peu de l'ambiance de ce village authentique et beau, où règnent les oliviers, le romarin et les cyprès dans le silence et la paix, en cette fin d'année, avec quelques unes de ses particularités, ses petites ruelles, son église perchée au sommet de la colline, son château accroché au large et ce minuscule pont à coquille, unique en France avec celui de Bonnieux un peu plus haut, qui enjambe tant bien que mal l'Aiguebrune, affluent de la Durance, capable de se déchaîner lorsqu'il est en crue, et de tout ravager sur son passage lorsqu'il gronde au pied de la combe avec ses grottes impénétrables qui stimulent les imaginaires et ouvrent la voie à tous les phantasmes. On dit que des têtes de vaches puantes étaient piquées sur des pieux et que des messes noires ne présagaient rien de bon. Ces deux ponts auraient été construits par des Vaudois. Une colonie importante venue du Piémont s’installa définitivement dans le village de Lourmarin au XVème siècle.

Mais trève de considérations, le mieux est de lire ou relire les légendes provençales et surtout de relire l'oeuvre d'Albert Camus dans le texte. L'Etranger, la Peste, L'Homme Révolté, le Mythe de Sisyphe,  l'Envers et l'Endroit, le Premier Homme oeuvre ultime... et bien d'autres.

                                                                                                                                                        P-J. G.

 

 

 

Le pont du pou (DR)
 

 

 Les obsèques d'Albert Camus

Obsèques d'ALBERT CAMUS à Lourmarin en présence de sa veuve, de son frère Lucien CAMUS et de nombreuses personnalités : Gaston GALLIMARD, Emmanuel ROBLES, Jules ROY, Jean GRENIER, René CHAR, Gabriel AUDISIO et Roger MAURICE.

Le château de Lourmarin (DR)

 

La magnanerie

A quoi sert le prix Nobel de littérature? A s'acheter une belle maison dans le Luberon. Avec son chèque suédois, Albert Camus s'offre, en 1958, une ancienne magnanerie - ferme où l'on élève les vers à soie - à Lourmarin. Elle est toujours là, habitée par sa fille, Catherine, avec ses volets verts, sa terrasse arrondie, son cyprès.

Seul le nom de la voie a changé : la grand'rue de l'Eglise a discrètement été rebaptisée rue Albert-Camus.

«Il a retrouvé ici la lumière et les couleurs de son Algérie natale», explique Michel Pichoud, initiateur enthousiaste et érudit des promenades littéraires de Lourmarin. On peut encore aujourd'hui s'asseoir à une table du restaurant Ollier, où il avait coutume de boire son apéritif.

«Un pastis pour M. Terrasse !» commandait le garçon, soucieux de garder secrète l'identité du prestigieux client.

Un peu plus loin, le stade de foot, autre passion de l'écrivain. «Il a même offert des maillots à la Jeunesse sportive lourmarinoise», raconte Michel Pichoud. Très vite, par sa simplicité, le Prix Nobel séduit le village.

«Chaque matin, de très bonne heure, je préparais son café à M. Camus et il partait faire son "tour de plaine"», se souvient Suzanne Ginoux, sa voisine, aujourd'hui âgée de 87 ans. Une promenade qui l'emmène sur la route de Cavaillon en passant par le magnifique château de Lourmarin, dans cette campagne austère, lumineuse, paisible, qui a bien peu changé en un demi-siècle. Au retour, il écrit Le Premier Homme. Debout à sa table, face au Luberon.

Ici, Camus fréquente aussi bien le forgeron du village et les brocanteurs, chez qui il adore chiner, que le poète René Char, son voisin de l'Isle-sur-la-Sorgue.

En revanche, on ne le voit jamais avec l'autre célébrité littéraire du village, Henri Bosco. L'auteur de L'Enfant et la rivière, administrateur du château, a choisi de vivre un peu à l'écart, dans un bastidon de pierres sèches entouré d'oliviers et de lavande. Son bureau n'a pas changé depuis sa mort : des porte-plumes à l'ancienne, une boussole, des photos jaunies. «C'était un homme simple, un peu sauvage. Le soir, il nous captivait par ses récits sur la terrasse», se souvient Liliane Marco, qui a illustré plusieurs de ses ouvrages.

Bosco survivra de longues années à Camus. Car c'est de Lourmarin que l'auteur de La Peste entama son ultime et funeste voyage. «Je fuis l'épidémie de grippe. A dans huit jours!» lance-t-il à la fidèle Suzanne Ginoux. On connaît la suite.

La nationale 5, le dernier repas à l'Hôtel de la Poste à Sens, la Facel Vega avec Michel Gallimard neveu de Gaston, le platane au nord de Sens à Villeblevin dans l'Yonne. Albert Camus meurt le 4 janvier 1960. Ce sont les footballeurs de Lourmarin qui portent son cercueil jusqu'au cimetière, à deux pas du château.

Sa tombe est toute simple, couverte de laurier et de romarin. A côté de celle de son épouse, identique. A deux pas, celle de Bosco. La mort les aura enfin rapprochés.

 

CAMUS A LOURMARIN// Double portrait