La réalité est là. Le FN est désormais implanté partout dans l'hexagone.

Là où il était à 0 il est à 10, là où il était à 10 il est à 20, là où il était à 25 il est à 30, voire 35. Le parti dirigé par Marine Le Pen est incontournable, à tel point que son électorat est courtisé et qu'il fera sans doute la différence pour l'issue du deuxième tour de l'életcion présidentielle. Les deux candidats ne pourront en tout cas refuser les voix "impures" qui se porteront sur eux, des voix de militants d'extrême droite certes mais aussi de citoyens protestataires définitivement déçus du régime au pouvoir et aussi de citoyens qui ne considèrent pas le Front national comme un parti d'extrême droite, au contraire (Marine Le Pen ne nie pas l'impérative nécessité d'une immigration contrôlée) mais comme un parti qui défend les valeurs de la République et de la France.

Mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel c'est que le parti de Marine Le Pen, "Le rassemblement bleu marine" a l'ambition de devenir le premier parti de droite en France, se posant en alternative face à la gauche, et que ce pari, il est en situation de pouvoir le mettre en oeuvre, dans la foulée, aux élections législatives du mois de juin. Les triangulaires vont fleurir et les désistements seront comptés. Marine Le Pen veut un groupe à l'Assemblée nationale, comme les Verts qui ont scellé un accord avec le PS. Une défaite de Sarkozy pourrait par conséquent engendrer une recomposition des forces en présence à droite, faire imploser l'UMP (ce qui reste de ce mouvement ramasse-tout hétéroclite), jusqu'à pouvoir imaginer une coalition gouvernementale.

Certes, la poussée du Front national est la résultante de la crise qui frappe nos civilisations occidentales entraînant la déshumanisation des rapports sociaux et le cortège du chômage, de la pauvreté croissante, de l'exclusion, au profit de quelques uns, par l'entremise d'un système de création spéculative et de redistriibution des richesses qui n'en finit pas de gagner en injustice et en aberrations. Mais cette poussée est aussi, le fruit d'une volonté de dédiabolisation dans l'imaginaire collectif, du parti qui symbolisait jusqu'ici (et symbolise encore pour certains) l'extrême droite.

La roue est entrain de tourner, le FN va changer de nom et sans doute devenir le parti de la "Préférence nationale". Si l'objectif du FN était d'élargir son électorat en devenant crédible quitte à axer son discours autour des thèmes économiques et monétaires, faisant passer au second plan l'insécurité et l'immigration, qui peut cependant affirmer, avec force et vigueur, qu'il y a réussi ?

 

                                                                                                  Pierre-Jules GAYE