Le premier constat est une fois de plus relatif à la réelle difficulté des sondeurs d’apprécier correctement les évolutions du vote en faveur du Front National, hier pour le père, aujourd’hui pour la fille. Si pour les deux finalistes désignés, les erreurs ont été minimes ou dans la normalité des marges d’erreur admises, il n’en est pas de même pour la représentante du FN que certains affirmaient même menacée par Jean-Luc Mélenchon pour la 3ème place. Mais l’important n’est pas là. Ce qui est beaucoup plus étonnant réside dans les différents commentaires enregistrés ici ou là et sur toutes les travées « politiques » institutionnelles. Rappelez-vous 2002 et le véritable tsunami politique qu’avait suscité le score de Jean-Marie Le Pen. Bien sûr, il avait perturbé plus profondément l’élection proprement dite, éliminant le candidat du PS, le privant d’un second tour.

Pourtant lorsque l’on reprend, non pas les pourcentages mais les bulletins dans les urnes, la fille fait beaucoup mieux. Marine Le Pen engrange quelques 1 million de suffrages supplémentaires par rapport à son père et il n’y a pas de tsunami médiatico-politique. Au contraire, à droite comme à gauche, il y a de doctes diagnostics : « il s’agit de pauvres gens, de gens qui souffrent, de gens auxquels il faut apporter des réponses etc. » La xénophobie a disparu, tout comme le racisme rampant, autrefois vilipendés. François Hollande dans son premier déplacement breton se précipite à la pêche des électeurs du FN, de « ces gens qui souffrent » Sarkozy fait de même et les commentateurs se répandent sur la « dédiabolisation » réussie par Marine Le Pen. Le statut du FN aurait donc tout à coup changé, d'infréquentable il devient institutionnel.

Une conclusion semble s’imposer à tous, les voix du FN ne sont plus détestables et malodorantes, mais au contraire courtisées et ouvertement recherchées.  En regardant de très près les chiffres de ce premier tour, il est évident que quel que soit le prochain élu, il le sera avec « les voix du Front National » Une mobilisation d'abstentionnistes surestimés par les sondeurs au premier tour, ne pourra pas venir au secours des explications les plus filandreuses : en aucun cas elle ne pourra expliquer le comblement du différentiel.

Jean-Louis Hussonnois