Vacances… congés payés… repos…

La détente du travailleur, le développement de l’industrie touristique, les frontières qui se traversent, les pays qui se découvrent enfin …

Les toutou – touristes, les caravanes, charters, clubs, dragueurs, amours de vacances, les bronzettes rôtissoires, les adeptes des villes d’Art, les guides du routard, les itinéraires bison futé, les embouteillages, les aoûtiens, l’Italie fermée du nord au sud au mois d’août, les souvenirs (made in Taiwan), le budget, les attrape-nigauds…

Autrefois ne voyageaient que les riches. Des hordes de vieilles dames anglaises sillonnaient les églises italiennes, leur Baedeker à la main. De gros bourgeois d’un peu partout faisaient des voyages de plusieurs journées en voiture, le coffre débordant de tenues et chaussures pour toutes les occasions, et découvraient Venise, Paris, Lisbonne… On ramenait des objets déjà faits pour le tourisme mais nantis de la grâce de ceux qui en avait inspiré la copie. On faisait des photos, minuscules et entourées d’une dentelure glacée. On vivait sur l’excitation des souvenirs pendant des mois. Et les aventures mésaventures ne devaient pas manquer, entre la cuisine locale qui s’alignait aux goûts des habitants – ah ! l’huile d’olive aux teintes opaques qui prenait à la gorge, les abats inquiétants, le vin rustique qui ne voulait pas redescendre de la tête… - , les indications routières inexistantes ou presque, les troupeaux ovins, bovins ou caprins méditant devant la calandre, les caprices d’un climat méconnu…

 

 

 

 

Certains « pauvres » voyageaient aussi, les poètes maudits qui aimaient cette aura désespérée et partaient à la recherche d’une autre vie. Ils la trouvaient, l’autre vie… Comme Mary et Percy Shelley – alors encore marié avec une autre femme qui se suicidera plus tard - qui parcourent en 1814 la France toujours ravagée par la guerre  à dos d’âne, de mule ou en carriole, ou Rimbaud qui en 1875 traverse le Saint Gothard à pied faute d’argent.

Et puis les congés payés apparurent peu à peu, donnant aux travailleurs du temps pour eux. Rien que pour eux… Tout aurait commencé par 4 jours de congés payés pour les employés de banque d’Angleterre, Galles et Irlande votés par Sir John Lubbock (1834-1913). Puis la France donna le vrai coup d’envoi avec deux semaines en 1936 – mettant enfin en vigueur un décret de loi proposé en 1925 ! L’Italie fasciste avait commencé elle aussi à accorder un repos rétribué en 1927 pour ceux qui avaient la Carte de Travail, et proclama 1936 «  L’an Un de la félicité » en instituant un billet de train populaire pour les congés payés d’une durée de 15 jours concentrés en été.  Qu’on se le dise pourtant : la première loi sur les congés payés aux Etats-Unis a été proposée en 2009 en Floride par Alan Grayson, membre du Congrès, demandant au moins une semaine de congés payés. Et pas encore acceptée.

                                                                                                                                                        Suzanne Dejaer