"Il n'existe pas de forteresse imprenable. Il n'y a que des attaques mal menées" VAUBAN

« Ville assiégée par Vauban, ville prise, ville défendue par Vauban, ville imprenable »

 

Mai 1633 – mars 1707.

Il est né, en 1633, à Saint-Léger-de-Foucherets dans l´Yonne, de hobereaux désargentés. Fils d’Urbain Le Preste de Vauban et d’Edmée Carmignolle. Et son père, dont les talents de greffeur d’arbres fruitiers sont reconnus, l’éduque au respect absolu des autres, quelles que soient leurs origines. A vingt-deux ans il reçoit son brevet d’ingénieur. Entre trente et trente-six ans il participe à quatorze sièges et récolte plusieurs blessures mais surtout des guides de réflexion sur le procédé de l’attaque des places. Il ne fait pas que participer, il réfléchit, décompose et analyse les raisons de difficultés ou d’échec. Voit les lacunes et comment y remédier. Il est aussi d’un courage tel qu’il est toujours en première ligne, malgré la demande expresse de son Roi à ses généraux de le tenir à l’œil. C’était devant qu’il voulait être et devant qu’il se trouvait ! A trente-deux ans il devient ingénieur ordinaire de Louis XIV et onze ans plus tard Colbert lui demande de s’occuper des travaux de fortification de près de la moitié de la France. Et c’est à une cinquantaine de sièges qu’il aura participé en fin de vie avec toute son audace. Il remania près de 300 places fortes et en ajouta quarante nouvelles. Il déposa également son savoir dans le canal de Saint Omer, les jetées d’Honfleur, l’aqueduc de Maintenon et d’autres travaux civils.

 

Bien ou mal, tout le monde connaît ou croit connaître Vauban, le génie militaire. Son nom est synonyme de forteresses, de fortifications, de sièges fructueux.

Il est né noble et avec des appuis  - quoique sans argent car il fera lui-même sa fortune - mais il voit les pauvres, les misérables, les humbles, ceux qui n’ont pas sa chance. Et il pense à eux. Il pense à tout, cet homme. Comment protéger la France par des fortifications si bonnes qu’elles épuiseront les forces de l’adversaire en économisant les pertes humaines ;  comment alléger la vie de ses soldats en leur offrant pipes et tabac ; comment nourrir les pauvres, honteusement exploités par les riches au moyen de tailles, de gabelles, de péages de toutes sortes par un étrange mémoire : Cochonnerie, ou le calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la production d'une truie pendant dix années de temps. Il y calcule toute la descendance qu’une truie peut produire en dix générations dans le but de sauver les pauvres de la disette. Il avait, après tout, grandi dans le sauvage Morvan, avec des enfants de la campagne, plus conscients des pluies ou vents à venir et mauvaises récoltes que des meilleurs marchands de dentelle… Il tentera aussi de convaincre le Roi de rétablir l’édit de Nantes, rendant leurs droits aux protestants.

Oh, il a beau n’être, pour Saint-Simon, qu’un petit gentilhomme bourguignon, cet homme explose d’intelligence, d’idées, de réformes imaginées pour un monde meilleur. Saint-Simon cependant s’étend sur ses qualités de modestie, vérité, simplicité. Respectueux mais pas poli. Physiquement, il est trapu, de taille moyenne, d’aspect extérieur peu avenant semble-t-il.Et pourtant, ce regard...

Mais c’est surtout sa personnalité, profonde, franche, honnête qui a marqué son temps, tout autant que son génie. Un visionnaire au regard serein. Un humaniste qui pense au bien de tous. Son visage exprime une paisible vérité toute nue. Ces yeux clairs n’auront regardé avec amabilité que ce qui leur était vraiment aimable, et si sa langue aura parfois tourné sept fois dans sa bouche avant de parler, ce ne fut que pour déshabiller la vérité d’une certaine dureté, peut-être. Il est exigeant, mais ne se ménage pas.

Ce n’est pas le visage d’un courtisan, d’un flagorneur, d’un soumis qui prend les teintes en vogue.

C’est un homme dont on ne sait pas tout. Sauf l’essentiel dirons-nous. Mais il y a l’essentiel pour soi et l’essentiel pour les autres, et les zones d’ombre ne mettent que plus en évidence celles de lumière. Il est d’ailleurs parfois considéré comme le précurseur des Lumières. Il s’est marié, oui. A 27 ans, avec sa cousine, la fille du Baron d’Epiry, un petit village du Morvan, Jeanne d’Osnay, avec laquelle il aura une relation épisodique parce qu’il va de siège en études. Deux filles nées de ce mariage arriveront à l’âge adulte. Il était si peu chez lui qu’il n’aurait fait la connaissance de l’aînée qu’alors qu’elle avait six ans déjà. Il ne s’agissait donc pas d’un mariage d’amour. Il savait d’ailleurs avoir eu des enfants illégitimes ça et là et ajouta un codicille à son testament prévoyant un don de deux mille livres à cinq femmes qui pouvaient avoir eu un enfant de lui si elles se manifestaient. L’amour de Monsieur de Vauban fut la sœur du Cardinal de Tencin, Madame de Ferriol et épouse d’un mari qui savait regarder ailleurs. «Je vous aime et vénère et tout ce qui peut s'imaginer au-delà» lui écrivit-il un jour.

 

Le dernier siège qu’il dirigea, à près de 60 ans, fut celui de Namur par les troupes françaises. Depuis l’achat du Comté de Namur par Philippe le Bon – un autre Bourguignon – Namur était la position-clé de la vallée mosane. C’était alors une des plus puissantes fortifications des Pays-Bas espagnols tournée contre la France qui voulait s’étendre. En homme que le terrain et le visu instruiraient mieux que tous les plans du monde, habillé en simple bourgeois il vint « incognito » repérer les lieux mais se fit arrêter puis relâcher dans le doute.

Il faisait aussi beaucoup de plans en relief et, au sujet de cette citadelle de Namur, écrivit à Louvois « Il y a un Relief de Namur dans les Tuileries, je vous demanderay d'avoir la complaisance de le venir voir avec moy. Je vous feray toucher au doigt et à l'œil les deffauts de cette place qui sont en bon nombre et à mesme temps apercevoir de quelle manière se pourroit corriger celuy qu'on m'impute ». Une fois en possession de la place après un siège fructueux, il se mit à l’améliorer et, si les alliés anglo-hollandais reprirent la ville trois ans plus tard, il avait eu le temps de refaire l’Arsenal, une partie des souterrains de la citadelle, la ligne de défense – « le mur Vauban » - et des forts détachés.

 


Arsenal de Namur - Photo Eric B. Lauwers

 

Peu avant sa mort, tiraillé depuis longtemps entre son devoir de loyauté envers le Roi et l’impulsion de travailler au bien de tous, il se mit à rédiger un projet de réforme fiscale qui aurait remplacé le système d’impôts existant en le remplaçant par un impôt unique de 10% calculé sur les revenus qui n’aurait exclu personne, pas même le Roi… L’ouvrage fut naturellement confisqué par le Parlement et il encourut une semi-disgrâce, affrontant alors une douloureuse fin de vie.

Après le siège de Maastricht – qui verra la mort du vrai d’Artagnan ! - il avait pu s’acheter la seigneurie et le château de Bazoches dont il rebâtit le chœur de l’église quelques années plus tard. Il y prépara son caveau, où il fut inhumé le 16 avril 1707 après son décès survenu à Paris, suite à une pneumonie. La furie de la révolution ne s’y arrêta pas, respectant le sommeil de ce grand homme, ce paisible guerrier.


Château de Bazoches - photo patrick89

 

                                                                                                              Suzanne Dejaer