Comme chaque année, une cérémonie discrète a eu lieu au cimetière Dunant dans la section la plus ancienne des Capucins, tout en haut, en face du mur d'enceinte.

Outre le maire, diverses personnes ont rendu hommage à cette figure auxerroise d'exception, dont le monument funéraire a été sculpté par Bartholdi, celui-là même qui sculpta la statue de la Liberté à New-York. Un prix Paul Bert a été créé par l'agence spatiale américaine et la Société américaine de physiologie récompensant ses travaux dans le domaine de la physiologie de l'espace.

Le philosophe Patrice Decormeille, membre du comité scientifique des Entretiens d'Auxerre, du Cercle Condorcet et de  la Société Paul-Bert (sapere aude) prit la parole devant le monument.

"A vous, chers amis, qui venez régulièrement ici honorer la mémoire de Paul Bert, je voudrais d’abord adresser mes remerciements, mais aussi vous demander d’accepter que je sacrifie une fois de plus à mon goût pour la  prosopopée. (Faire parler les morts). 

"Puisque les Entretiens d’Auxerre viennent de traiter de la justice, j’ai en effet voulu convoquer Paul Bert sur cette question de la justice pour qu’il nous fasse entendre sa voix. S’il avait dû intervenir dans nos Entretiens, il nous aurait certainement dit que la  justice, entendue comme institution judiciaire, pour être tout à fait honnête, ne l’intéressait pas beaucoup, bien qu’il fut docteur en droit, … parce que son père l’y avait contraint ; mais qu’en revanche, il avait toujours été guidé dans son action politique par un sens élevé et une exigence permanente de justice.

"La plus fondamentale des justices, nous aurait-il dit, c’est l’égalité des droits et j’ai apporté ma pierre à l’édifice.

"Et en effet, si la Révolution avait bien  érigé le principe de l’égalité, on restait loin du compte pour son application à l’époque de Paul Bert. En particulier, dans le domaine essentiel de l’éducation, l’accès à l’instruction restait à la fin du XIXe très inégalitaire. Il fallait pour instituer une égalité de fait dans ce domaine que l’instruction fut gratuite, mais surtout qu’elle fut obligatoire. Or c’était un sujet de friction entre Paul Bert et Jules Ferry qui était hostile à l’idée de l’obligation car l’usage voulait, dans les milieux ruraux, que les enfants participent aux travaux de la ferme et des champs."

On doit à son obstination l'école obligatoire

"C’est à l’obstination de Paul Bert qu’on doit que l’école fut obligatoire, assurant par là une véritable égalité des droits face à l’instruction, au moins au niveau élémentaire. Une autre inégalité criante concernait les différences de traitement entre les garçons et les filles en matière d’instruction. Là encore, Paul Bert a fini par obtenir que l’enseignement secondaire fût ouvert aux filles. On lui doit la création dès 1882 des lycées de filles et  d’écoles normales d’institutrices. Dans le même esprit il s’est battu pour obtenir qu’une jeune femme puisse, pour la première fois en France, s’inscrire au concours de l’internat de médecine.

"A Saigon, on raconte qu’il laissait pénétrer jusqu’à lui tous ceux qui avaient quelque réclamation à lui présenter  et qu’il avait laissé au Tonkin le souvenir d’un homme d’une grande équité. Ainsi en témoigne cette anecdote rapportée par un de ses biographes qui rapporte ce geste touchant d’un Annamite qui, plusieurs années après le décès de Paul Bert, et ayant perdu contre toute attente un procès, indigné par ce qu’il considérait comme une injustice criante, était allé déposer au pied de la statue de Paul Bert toutes les pièces de son procès, comme pour en appeler à une justice supérieure.

J’inviterais volontiers tous les justiciables, insatisfaits des jugements rendus par le tribunal d’Auxerre, à en faire autant, en déposant leur dossier au pied de ce monument : je ne garantis pas l’efficacité de la procédure mais, au moins, ce serait un bel hommage rendu au sens de la justice de Paul Bert."

 

Sur sa stèle funéraire « Science » et « Patrie » pour affirmer son ultime conviction de la science contre la religion. Il était libre-penseur et positiviste, fidèle à la devise « Ni Dieu, ni maître, à bas la calotte et vive la Sociale » Les funérailles nationales civiles de Paul Bert ont provoqué un scandale chez les catholiques (DR)

 

EN SAVOIR PLUS

 

Etudes et articles sur Paul Bert


William ROSTENE, Paul Bert, précurseur de la médecine des mers et des airs, in Pour la Science, n° 349, Août 2006.

Paul Louis SERVETTAZ, Actualité de Paul Bert, in Revue de Physiologie Subaquatique et Médecine Hyperbare, Oct.Nov.Déc. 1968, n° 2.

Paul Louis SERVETTAZ, Paul Bert, un génie de caractère, in Océans, vol. 156, 1986.

Patrice DECORMEILLE, Paul Bert, race et culture, in Peut-on encore chanter la douce France ? sous la dir. de Michel Wieviorka, éditions de l'Aube, 2007

Patrice DECORMEILLE, Paul Bert et l'expérimentation sur les suppliciés, in Disposer de la vie, disposer de la mort, sous la dir. de Michel Wieviorka, éditions de l'Aube, 2006
 
Stéphane KOTOVTCHIKHINE, La libre-pensée de Paul Bert, in Les républicains atypiques du XIXè siècle, Paris, Editions maçonniques de France, 2003, p.37-47.
 
Stéphane KOTOVTCHIKHINE, Les rapports de l'Eglise et de l'Etat selon Paul Bert laïcité et séparation, La Tour d'Aigues, Editions de l'Aube (essai), 2005, p.135-146.
 
Patrice DECORMEILLE, Un savant en politique, in Les Cahiers rationalistes, mars-avril 2012, n° 617.
 
William ROSTENE et Patrice DECORMEILLE, Paul Bert, l'héritage de Claude Bernard, in Les élèves de Claude Bernard, sous la direction de Pierre Corvol, éd. Hermann, Histoire des sciences, Paris 2012.


PAUL BERT SUR WIKIPEDIA

 

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