zemmour

L’auteur y démasque la comédie hexagonale, européenne et internationale, depuis la campagne des présidentielles jusqu’au premier Noël de la gouvernance Hollande. Ca fuse et ça chauffe. Sur le « bûcher » du polémiste brûlent non seulement les « vanités », mais aussi les mensonges, calculs, aveuglements ou candeurs d’une classe politique qui conduit la France au désastre.

On ne s’étonnera pas que la gauche ait la part belle dans la distribution des claques, et dès la page d’introduction : « Ils ont gagné. Ils sont le bien, le juste, le bon. La victoire du peuple sur la bourgeoisie, même s’ils sont les nouveaux bourgeois que le peuple a abandonnés depuis longtemps. Ils ont gagné et la réalité n’a qu’à bien se tenir. »

Au premier rang, François Hollande. Ce parfait mime de Mitterrand comme candidat tonne chez nous contre l’argent roi, mais court à Londres rassurer la Finance, s’inscrivant sans le dire dans la continuité de Delors et de Béregovoy. Surtout il n’oublie pas de privilégier « le sociétal » : c’est de la gauche qui ne coûte pas cher et « flatte l’ego des minorités médiatisées ». Puis voici le président élu des premières mesures, « Hollande light », « Flanby sans sucre », qui réussit « le prodige de faire le tournant de 1983 sans avoir fait la rupture de Mai 81 ».

Autour de lui gravitent des figures d’impuissance, de dogme ou de rouerie. Montebourg : « Quémander. Vitupérer. Echouer. Une humiliation permanente. » Valls : on l’attendait « dur avec le crime et les causes du crime. En quelques phrases et quelques postures Taubira et Duflot sonnent le retour de la gauche pétard et de la gauche angélique. » Les Verts, sermoneurs et arrivistes, sous la houlette du « madré et retors » Placé, réussissent l’alchimie de transformer les 2% d’Eva Joly à la présidentielle en groupe parlementaire autonome aux législatives : « Même bio, la soupe est la soupe », « François Hollande peut dormir tranquille, les Verts digèrent leur plat de lentilles. »

A la marge frondeuse, Mélenchon tente « par le verbe de ressusciter la dignité et la fureur d’un peuple révolutionnaire, alors qu’on n’est même plus sûr qu’il y ait un peuple français ». Il promet « d’étrangler les banquiers » mais « il ne touche pas un cheveu de leur cher euro » et dégringole dans l’opinion dès qu’il évoque « ses frères du Magherb » : « L’électorat populaire lui a signifié qu’on ne pouvait pas à la fois tenir un discours ouvriériste et un discours antiraciste ».

Voilà tout ce beau monde habillé pour l’hiver ! Mais la droite n’est guère plus épargnée, et au premier rang Nicolas Sarkozy, droitisant à contretemps sa campagne : « Il lance contre la gauche la bataille culturelle qu’il n’a jamais menée pendant cinq ans ». Et Zemmour de rappeler cursivement un quinquennat « de renoncements, d’incohérences, voire de trahisons ». Selon l’auteur, les deux péchés originels du quinquennat Sarkozy, autrement plus graves que les plouqueries du Fouquet’s et du yatch Bolloré, ce sont l’ouverture de son gouvernement aux ministres de gauche, fruit incongru de la griserie de soi-même, et le traité de Lisbonne, tour de passe-passe pour faire ratifier par le parlement une nouvelle soumission à l’Europe que le peuple avait refusée par référendum. Sarkozy matant les cités tordues ? Sarkozy sauvant les usines vendues ? Sarkozy bravant l’Angela têtue ? Des mots. Un faux dur, « le fils politique qu’aurait eu Chirac et Balladur, un roi du compromis et de la demi-mesure ». Et de rappeler que « l’UMP fut fondée sur le déplacement idéologique de la droite vers le centre », « une UDF dirigée par des RPR », mais par des RPR oublieux du gaullisme pour sacrifier au culte européiste et à la liturgie du vivre-ensemble. Parfaite jeune pousse de ce terreau, NKM, « bonne petite élève du politiquement correct ».

Au centre canal historique, Bayrou passe maître en autodestruction : « Le politique le trouve fou, l’esthète le trouve noble ». Lui au moins a du panache, « mais il arrive que le panache soit mortel ». Marine, elle, à la droite de Jeanne, se porte assez bien, « bourgeois gentilhomme de l’économie » se posant en « grande républicaine à l’ancienne », ardente à dédiaboliser le parti de papa en faisant du Chevènement.

Selon Eric Zemmour, l’alternance est un jeu de rôles et de dupes. Hollande et Sarkozy appliquent « les mêmes solutions libérales et libre-échangistes consciencieusement mises en œuvre depuis vingt ans par Bruxelles », et l’UMP comme le PS se sont inclinés. Triste illusion des pleins pouvoirs d’une gauche détenant désormais tous les leviers, Elysée, Assemblée, Sénat, régions, mais pour doter le pays d’un président-monarque impuissant dans son royaume, et de ministres réduits à la rodomontade, pauvres « Gulliver enchaînés ». Le toujours-plus-d’Europe nous ôte la maîtrise de notre industrie et de nos flux migratoires, tandis que la politique monétaire se décide à Francfort », consacrant le retour du « vieux rêve pangermanique par la monnaie à la place des armes ». Vanité aussi des grands machins, tous les sommets, G20 et autres congratulations de nantis sur le déclin, qui se flattent de sauver le monde alors que le cours des choses dépend du vouloir de nouveaux géants économiques et démographiques. Vanité encore de nos incantations à la démocratie devant les printemps arabes : l’Islam, « ce communisme avec Dieu », de Lybie en Tunisie, d’Egypte en Syrie pousse les pions d’une formidable géostratégie, pendant que « les idiots utiles, comme disait Lénine, commentent avec subtilité les progrès de l’ Islam modéré. »

Dans ce réquisitoire tout aiguillonné d’ironie, court aussi le fil lyrique de l’amour déçu, de la tendresse inquiète pour le « cher et vieux pays » si mal assuré de son avenir. L’auteur de Mélancolie française passe en revue les crises qui secouent la France sur ses bases. Crise de l’école, que « l’alliance de la droite libérale et de la gauche égalitariste » a transformée en « garderie géante ». Crise de la langue (« une langue c’est politique »), à laquelle s’attaquent même les féministes furieuses que le masculin l’emporte, alors que la langue française est « une œuvre d’art à toucher les mains tremblantes de respect ». Crise du travail, dès lors que le salarié n’est plus qu’un coût, et le meilleur patron le meilleur « tueur de coût » dans un marché sans frontières : « En mettant en concurrence les salariés du monde entier, le capitalisme a gagné haut la main la lutte des classes ». Crise de la famille, entraînant celle du logement, par le divorce de masse, voire la polygamie autorisée « par on ne sait quelle aberrante tolérance ». Crise de la foi fondatrice, et Zemmour de citer Chateaubriand : « Détruisez le christianisme et vous aurez l’islam ». Crise de la fierté nationale, sans cesse poussée à la repentance dans le devoir de mémoire, jusqu’au déni d’appartenance quand s’agitent gaiement à la Bastille, au soir de la victoire de Hollande, les drapeaux étrangers au lieu du tricolore, ou même quand s’étale sur les écrans la morgue de nos footballers riches et las : « Ils portent le maillot de la France mais ils s’en moquent comme de leur dernière Ferrari ».

Un tel abaissement fait bien sûr l’affaire de l’élite cosmopolite et mercantile pour qui les frontières et les peuples sont des vieilleries et des freins. Leur rêve ? « Une France terrain vague, au milieu d’un plus grand terrain vague : l’Europe, petit coin perdu au sein d’une planète qui sert de patrie. »

Je ne sais pas si Eric Zemmour avec ce livre fera hurler la bien-pensance, tout de même un peu sonnée ces temps-ci. Je me demande si le MRAP, la LICRA et autres comités Théodule, nos grands inquisiteurs modernes, saisiront une fois de plus la justice pour récidive dans l’emploi bénin du mot « race ». Je ne sais même pas si notre vaillant chroniqueur, par son verbe de résistance, contribuera encore à susciter comme un sursaut gaullien dans l’âme d’un vieux peuple déboussolé. Parlant récemment à la télévision de ce Bûcher des vaniteux 2, Eric Zemmour s’est dit plutôt désespéré. On aimerait être plus optimiste que lui.

ARION