Tout avait pourtant parfois très bien commencé : prenons le sulfureux chat siamois, que la légende dit né des amours d’un singe et d’une lionne sélectionnés par Noé pour assurer l’avenir de la race après le déluge. Mais il ne prévoyait pas que c’est ça qu’ils feraient… C’est que 40 jours dans une arche, avec le roulis et un constant rideau de pluie…  ça a de quoi changer la vision des choses ! Le produit de cette histoire d’amour multi-raciale reçut ses yeux de ciel on ne sait de qui mais bénéficie de l’agilité paternelle et du courage maternel et en tout cas, une telle beauté le haussa au statut de gardien de temple en Thaïlande. Dans son corps splendide se réincarnait l’âme d’une personne de très haut rang social, ce qui lui conservait le droit aux honneurs reçus lors de sa vie humaine, et c’est nourri dans des assiettes en or qu’il coulait des jours heureux. Seul inconvénient : il devait surveiller les trésors et le faisait avec tant de minutie qu’il en avait un léger strabisme. Ce qui n’est pas sans charme… Mais quelle vie de patachat !


En Egypte, il ne s’appelait pas Minou ou Poupousse mais Miou. Et là aussi il était vénéré. Respecté. Bien qu’ils étaient si nombreux dans le temple de Bastet à Bubastis (est du delta du Nil) où des prêtres s’occupaient d’eux grâce aux dons des pèlerins qu’il fallait parfois se résoudre à un sacrifice périodique des chatons, que l’on bénissait ensuite avant de les embaumer et de les vendre comme reliques sacrées. Business is business. On n’a rien inventé.


Au moyen-âge, les choses tournèrent mal. Très mal même. Dans les villes l’entreposage de grains, fourrage, laine etc… attirait les souris. On eut donc recours aux chats, qui se délectèrent paresseusement pendant un certain temps. Mais toute cette bonne santé et ce repos les incita à se reproduire et se reproduire et se reproduire encore. La solution dura des siècles et fut plutôt horrible. Les chroniques de la ville d’Ypres, par exemple, mentionnent dès 1127 un lancer de chats du haut du beffroi le jour de la foire de l’ascension. En 1476 cependant les infortunés animaux eurent le droit à leur jour de terreur : le mercredi des chats !


Le chat noir quant à lui a toujours eu une aura sulfureuse. Ses yeux semblent encore plus mystérieux dans cette masse lustrée sur laquelle Lilith se mire le soir venu. Dès le XIIè siècle il est associé au démon et sorcières. Le simple fait de posséder un chat noir peut rapprocher son maître du bûcher.  Les légendes jaillissent de partout pour confirmer les pouvoirs terrifiants de l’animal : captif à Barcelone, Saint-Louis d’Anjou est attaqué par un grand chat noir. Naturellement, c’est le diable ; Gaufrid de Albusiis, l’inquisiteur de Carcassonne, est retrouvé mort sur son lit encadré de deux chats noirs ; une colombe perchée au-dessus de la cellule d’un moine agonisant est attaquée par un chat noir ; une jeune fille belge un peu trop coquette accepta la parure qu’un chat noir lui donna pour aller à une fête. Galant il la lui passa autour du cou et l’étrangla. Lors de l’enterrement, six personnes n’arrivèrent pas à soulever le cercueil tant il pesait. On l’ouvrit et un gros chat noir s’en échappa… 


En Ecosse, le rituel du taghairm consistait à offrir au diable des chats noirs qu’on embrochait pour les faire rôtir vivants. Attiré par les hurlements des malheureux, Satan apparaissait sous la forme d’un chat et donnait aux participants le pouvoir de se rendre invisible…


Au XII° jusqu’au XVII° siècle, des fêtes traditionnelles furent organisées à Metz, Melun ou Paris ; les chats noirs y étaient brûlés vifs dans des paniers jetés dans des feux. Il ne faisait pas bon être un chat noir…


Officiellement, il est encore légal de manger du chat et du chien en Suisse. On en mange ouvertement en Chine et aux Antilles. Nous ne saurons jamais si on nous en sert sous le nom de gibelotte… puisque Gustave Flaubert la déclarait toujours faite avec du chat. On devrait alors l’appeler Gibelotte de gouttière mais sur un menu ça ferait mauvais effet.


Le beau chat du Cheshire a un sourire qui ne s’efface pas, et une philosophie surréaliste bien à lui. Mais sous ses airs de folie il cache une santé d’esprit indéniable.  « Si tu ne sais pas où tu vas, n’importe quelle route peut t’y mener ». Qui dit mieux ?


Fritz the cat s’est bien vengé des sévices endurés par sa race. Né en 1965 il a partouzé autant qu’il l’a pu sous la plume de Robert Crumb, tout essayé jusqu’au baisser du rideau en 1972. Accusé de racisme, de sexisme, il s’est bien amusé avant l’ère du politically correct et c’est dans le sud de la France que son créateur s’est retiré.


 

Puis nous avons ce polisson de chat de Geluck, né en mars 1983, qui a droit au chat-pitre. Il n’a pas de prénom. Ni Poupousse, Minou, Edouard, Lamborghini, Raminagrobis… non, c’est juste « le chat ». Philosophe, zen, imperturbable, suivant sa logique de pas-chat. Il a toujours son mot à dire, son aphorisme bien à lui. Ses idioties délicieuses. Et un certain franc parler.

 

 


Nous terminerons par le blog d’un membre du comité éditorial d’AuxerreTV et videocast de talent, feu Jean-Louis Hussonnois. "A©tu bien pris tes comprimés
"?  Car il y a écrit ses articles sous le nom de « Le Chat ». Il s’agit d’un chat qui ne donne pas volontiers sa langue aux autres chats. AuxerreTV a donc demandé à Jean-Louis Hussonnois ce qui le reliait à ces élégants félins…


Je les adore sans leur prêter un quelconque pouvoir ou une faculté particulière. J'ai choisi ce pseudo en raison de mon affection pour "Marcello" le chat que nous a ramené ma fille d'un voyage dans les alpes italiennes. En fait d'ailleurs il s'agit d'une chatte, ma fille n'étant pas très douée pour départager les sexes ! Ayant été ainsi baptisé, il ne s'agissait plus ensuite de modifier une "appellation" : les conséquences psychologiques d'un tel bouleversement identitaire peuvent être considérables.

Plus sérieusement, j'aime les chats pour leur indépendance totale, le côté têtu de leur caractère et l'attachement à la maison quand ils sont vraiment domestiques. Le chat n'habite pas chez vous, il vous tolère dans votre propre maison.»

 Oui… je connais ces hésitations dangereuses sur le sexe des chats, plus trompeur parfois que celui des anges. J’ai commencé à nourrir une belle et voluptueuse Olga un jour d’hiver 2000. Sa fourrure blanche et son port de queue superbe m’avaient fait lui choisir ce nom de reine. Jusqu’au jour où, levant la queue derrière moi, elle m’a fait savoir que désormais… ce serait Olgo.


Suzanne DEJAER