Oh bien sûr que les Rroms ont, comme toute communauté à respecter, leurs maraudeurs et durs à cuire. Et puis, ces Apaches ou Comanches de notre continent sont de tous temps précédés, accompagnés et puis suivis de toute la panoplie de légendes dont on les colore et accuse. Voleurs de poules, de chevaux, de vélos, d’enfants, de portefeuilles, de linge séchant au soleil. De tout. Peut-être pas de femmes car ils ne sont pas fous, les leurs leur suffisent.

 


On verse des larmes de bon ton sur les films d’indiens – oh ces pauvres nomades qui de mangeurs de bisons sont passés à mangeurs de vaches et buveurs de poudre à fusil ! On soupire en imaginant le morcellement de leur belle grande prairie et la perte de leur mode de vie. Mais on ne rêve que d’emprisonner nos nomades sous prétexte qu’ils volent, ont des nationalités pas plus claires que leurs peaux, et ne vivent pas comme nous.


Parce que nous, naturellement, nous sommes parfaitement heureux et personne ne vole dans notre environnement sédentaire de père en fils et de mère en fille.

 


Il est sans doute téméraire de croire ceux qui les défendent aveuglément ou ceux qui se déchainent contre eux. Les statistiques disent blanc ou noir selon la façon dont on leur pose la question. Ce qui est vrai cependant, c’est qu’à part les nuées de « diseuses de bonne aventure » qui volètent autour d’une victime à 5 ou 6 le temps de trouver la place du portefeuille, jamais je n’ai connu qui que ce soit qui ait été sérieusement importuné. Et j’ai pourtant été parfois en contact rapproché avec eux. Mais n’en ayant jamais eu « peur » (je tiens mon sac un peu plus serré dans certaines circonstances, comme je le ferai dans certains quartiers, question de bon sens) je ne les vois pas nimbés de légende. Ni celle du voleur de poules ni celle du séduisant tsigane enveloppé de mystère et entouré de femmes aux hanches sinueuses.


J’aime le Rrom qui joue de l’accordéon depuis quelques mois non loin de chez moi. Je lui donne souvent une petite pièce puisqu’il m’offre un plaisir que je n’attendais pas : sa musique. J’aimais le Gitan qui chantait, dans mes années de jeunesse, dans un petit restaurant qui ne payait pas de mine. Il m’aimait bien parce que je l’aimais bien, et me chantait toujours ma chanson favorite. Hypolite, chef d’une tribu gitane à Carcassone et éboueur, savait tenir « ses » têtes brûlées avec autorité.


Rencontrer leurs yeux, c’est rencontrer un semblable dissemblable et rien d’autre.


Il y a des problèmes, oui. Des inconvénients, pour nous et pour eux, oui. Des choses à faire, et des choses à simplement supporter. Mais si seulement les chiens se taisaient quand passe la caravane…

 

                                                                                    Suzanne Dejaer

 

Djelem Djelem est l'hymne national des Rroms