1.043 années… Et pourtant il y a peu de différence entre l’homme d’alors et celui d’aujourd’hui. L’évolution se remarque plus dans les modes et inventions que dans l’âme et le cœur humain. L’amour reste l’amour, tout comme la haine et la jalousie, l’esprit du gain ou de la conquête ont la même force dévastatrice d’alors. Un 29 décembre 1170, le sang de Thomas Becket éclaboussa l’histoire d’Angleterre.

 

Ses parents sont des marchands originaires de Mondeville (Calvados) en Normandie. Il naît près de Londres, à Cheapside, le 21 décembre 1117. Il a beaucoup de chance car il bénéficie d’une éducation prestigieuse : la cathédrale de Cantorbéry, la théologie à Oxford, puis le droit à Bologne et Auxerre. Il est beau, adroit, courageux, amant des plaisirs. Fort de la pratique des langues de la péninsule, il se voit rapidement chargé par l’archevêque de Cantorbéry de missions importantes à Rome, et bientôt nommé archidiacre de Cantorbéry et prévôt de Beverley. Puis, lorsqu’un poste de chancelier se libère, il est présenté au roi Henri II Plantagenêt, un roi qui n’avait pas hésité à supprimer les privilèges du clergé anglais dont il voulait désentraver son autorité souveraine. Henri II est tout de suite séduit par  le caractère gai et porté sur les plaisirs de Becket, et lui accorde toute sa confiance. Ils partagent leur goût pour le faste et la bonne vie, et Becket n’hésite pas à taxer les abbayes pour couvrir les besoins de la cour. Ensemble aussi, ils participent aux combats en Aquitaine. Lorsque l’archevêque de Cantorbéry, Thibaud du Bec, meurt, Henri II tout naturellement propose Becket  pour lui succéder, malgré l’opposition du chapitre.

 

C’’est alors que Thomas se métamorphose radicalement. Finies les fredaines et l’insouciance, le voilà qui a découvert le sérieux de la foi. Il s’habille en moine, porte un cilice, lave les pieds des pauvres, leur donne de l’argent, les nourrit, devient strict et très très sérieux. Il se déclare pour le pape Alexandre III qui, face au schisme de l’Eglise a la même position que lui, et entreprend de faire abolir les limitations royales envers le clergé, qu’il avait pourtant lui-même soutenues autrefois.

Le roi n’est pas content du tout de cette fulgurante- et malvenue ! - transformation, et comprend que cette manœuvre rendra l’Eglise exempte de toute juridiction civile. Le 11 octobre 1163 il convoque donc le clergé à Westminster, et  demande l’abrogation de toute demande d’exemption des juridictions civiles, ainsi que la reconnaissance d’égalité de tous les sujets devant la loi, propositions que le haut-clergé est prêt à accepter, sauf Thomas Becket. On se met d’accord sur un vague compromis qui laisse le gros du problème en suspens pour quelques mois.

En janvier 1164 le roi revient à la charge, avec les constitutions de Clarendon, qui suivent une codification écrite et plus contraignante qu’autrefois, et surtout insistent sur le même pied d’égalité judiciaire pour tous les sujets du roi devant les tribunaux royaux, qui donc, en cas de condamnation, doivent payer des amendes. Becket refuse de signer.

Le roi cherche alors à s’en débarrasser légalement en octobre de la même année, le convoquant devant un grand conseil pour répondre de l'accusation de contestation de l'autorité royale et malfaisance dans son emploi de chancelier. Becket part alors en exil volontaire, décidant que sa vie est trop importante pour l’Eglise, et arrive à Sens par un bateau de pêche, Sens où il retrouve le pape Alexandre III qui s’y est lui aussi réfugié et lui accorde son soutien. Il passe alors presque six ans en France, dont deux à l’abbaye cistercienne de Pontigny, de 1164 – 1166, puis se rend à nouveau à Sens à l’abbaye Sainte-Colombe de Saint-Denis-lès-Sens.

Henri II fulmine et envoie décret sur décret en France, mais Louis VII de France n’est pas du tout empressé puisque cette dispute lui donne un excellent moyen d’affaiblir son vassal Plantagenêt.

Lorsqu’en 1170 le Pape Alexandre III menace d’excommunier Henri II, celui-ci s’inquiète malgré tout et permet à Thomas Becket de revenir en Angleterre et d’y poursuivre son ministère. Le 22 juillet 1170, le roi et l’archevêque concluent la paix en France, à Fréteval, et en décembre Thomas débarque à nouveau en Angleterre et revient à Cantorbéry.

Mais la paix n’est qu’une paix de plume d’oie, encre et parchemin, car le roi se refuse à rendre les biens ecclésiastiques confisqués. L’inimitié et la rancœur ne s’atténuent pas et ne pourront trouver leur soupape que dans un acte extrême. Répondant au soupir d’exaspération du roi « N'y aura-t-il donc personne pour me débarrasser de ce clerc outrecuidant ? », quatre chevaliers anglo-normands ourdissent et mettent à exécution le célèbre meurtre le 29 décembre 1170, au pied de l’autel de la cathédrale de Cantorbéry.

 

 

Meurtre de Thomas Becket

Henri II, frappé d’interdit, décida de faire pénitence pour obtenir l’absolution, et revint sur les accords de Clarendon. Le 21 février 1173, Thomas Becket est canonisé.

 

Châsse de Thomas Becket conservée au Victoria and Albert Museum de Londres

 

W. J. Williams a suggéré que l'histoire du meurtre de Thomas a pu inspirer la légende maçonnique de la mort d’Hiram. Cette théorie comprend la référence à un groupe de maçons dans la ville de Londres faisant une procession à la chapelle de Thomas le jour du saint. Il suggère qu'il pouvait y avoir une pièce emblématique.

 

                                                                                           Suzanne DEJAER