Les nostalgiques de Mai 68 viennent de perdre une icône. François Cavanna était certainement le plus brillant des auteurs iconoclastes qui ont fait leurs armes à Charlie Hebdo et Hara-Kiri. Cet immigré italien revendiqué écrivit en 1978 une autobiographie, Les Ritals, qui fut saluée par ses plus farouches contempteurs. Avec sa disparition, la langue française perd aussi l'un de ses plus farouches défenseurs.

François Cavanna est le fils d'un Italien et d'une Française. Ce n'est pas anodin. Toute sa vie, il défendra avec âpreté sa double origine. Son père quitte l'Italie fasciste en 1939. Le petit François, né en 1923, est alors âgé de seize ans. À l'école, il montre déjà un goût prononcé pour la lecture. Il réussit son certificat d'études, ce qui, à l'époque pour un fils d'ouvrier, est une belle réussite.

Dans Cavanna raconte Cavanna, le préambule de ce livre illustre à merveille sa démarche littéraire. Il écrivait: «Quand j'étais enfant, tout en vivant ma vie je me la racontais. J'ai grandi. Un peu. Pas tellement. Et tout s'est mis à aller si vite que je n'arrivais pas à me raconter les choses au fur et à mesure. Alors, je les mettais de côté. Pour me les raconter plus tard, quand le tourbillon aurait pris une allure plus pépère. Ça n'est jamais arrivé. Alors j'ai raconté d'une main tout en me souvenant de l'autre. Finalement, je me suis bien amusé. À vivre. À me raconter vivre. Je vous en souhaite autant.»

Pierre Desproges, qui collabora à Charlie Hebdo en 1981-1982, admirait tant la plume de François Cavanna qu'il le comparait à un Rabelais moderne. «Seule la virulence de mon hétérosexualité m'a empêché à ce jour de demander Cavanna en mariage», plaisantait-il dans son réquisitoire.