Beaucoup de prétendants au Palais du Luxembourg, la chambre haute (DR)

 

Depuis l'adoption de la loi no 2003-697 du 30 juillet 2003, le mandat des sénateurs est de six ans, et le renouvellement s'effectue par moitié, tous les trois ans depuis 2011.Les sénateurs sont élus au suffrage indirect par 150 000 grands électeurs (élus et délégués de collectivités locales). Le scrutin est proportionnel ou uninominal à deux tours. Dans l'Yonne il est uninominal à deux tours. C'est-à-dire que l'on vote pour un candidat (flanqué d'un suppléant) et un seul. Les "tickets" ne sont que des alliances circonstantielles.

Le 28 septembre prochain, les deux sièges de l'Yonne sont soumis à renouvellement. Les deux sénateurs UMP sortants, Henri de Raincourt et Pierre Bordier se représentent aux suffrages des grands électeurs.

Si l'ancien ministre et homme fort du département de l'Yonne qu'il présida de 1992 à 2008, est en piste depuis 1986 incarnant le nord du département, il n'en est pas de même pour Pierre Bordier qui n'envisageait d'ailleurs pas se représenter.

Ces deux seules données ouvrent le champ à la problématique actuelle à droite et au centre dans l'Yonne.

D'une part, le renouvellement des générations est en cours, d'autre part, la difficulté d'unir et de rassembler à droite pour diriger le département, se manifeste de manière criante.

Le contexte national compliqué et incertain vient ajouter aux difficultés. Les affaires Bygmalion (17 millions d'euros de surfacturation et/ou fausses factures pour la campagne de Nicolas Sarkozy enquête judiciaire en cours) notamment, menacent de faire imploser l'UMP qui choisira son nouveau président au mois de novembre. Les appétits sont aiguisés et les couteaux tirés, tous les coups étant permis dans la lutte pour le pouvoir. En course, dans le rôle des pères la vertu, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon qui assurent une présidence collégiale intérimaire, Jean-François Copé contraint à la démission mais qui n'entend pas en rester là et Nicolas Sarkozy qui voit une occasion unique offerte d'effectuer son retour en vue de l'élection présidentielle de 2017. C'est novembre ou jamais. Et gageons que si c'était les militants qui devaient aujourd'hui désigner le nouveau président, l'ancien président de la République  arriverait en tête.

 

Fillonistes, Copéistes et Sarkosystes ...

Si le sénateur (depuis 1986) Henri de Raincourt, ancien ministre, président d'un département qu'il présida de 1992 à 2009 successeur de Jean Chamant ; se représente naturellement ; il n'en est pas de même pour Pierre Bordier qui avait exprimé à plusieurs reprises en public sa non candidature pour un second mandat. Pierre Bordier est un fidèle de Henri de Raincourt dont il fut, pendant de longues années, le premier vice-président au conseil général. Homme intègre et droit, il est tout sauf un politique. S'il a changé d'avis c'est que ses amis ont dû le prier et le convaincre dans l'intérêt du parti, afin de résoudre les problèmes plutôt que les multiplier.

Pour comprendre ce qui se joue et comment se joue l'élection dans l'Yonne compte tenu de ce contexte, il faut savoir qu'Henri de Raincourt est un filloniste, ce qui n'est pas le cas de son jeune collègue de l'UMP issu du même canton de Chéroy, Jean-Baptiste Lemoyne, que l'ancien ministre a mis en selle au conseil général. Le jeune UMP du nord est, lui, copéiste.

Pour couronner le tout, le patron de l'UMP dans le département est le député UMP Guillaume Larrivé, sarkozyste et copéiste. Le député de l'Yonne a été chargé par Jean-François Copé de diriger la campagne de son parti pour les élections européennes. Âgé de 37 ans, l'ancien conseiller juridique de Nicolas Sarkozy à l'Élysée et ancien directeur adjoint au cabinet de Brice Hortefeux à Beauvau, a été candidat malheureux à la mairie d'Auxerre, où sa liste a échoué de peu face à celle de Guy Férez (PS).

On voit très nettement la fracture générationnelle et les sensibilités politiques pour le moins contrastées.

Or Guillaume Larrivé, président de l'UMP de l'Yonne a validé le ticket Raincourt-Bordier, ce qui ne mange pas de pain, car rien n'est joué comme on va le voir, dans l'attente des investitures nationales.

Il est une autre donnée à prendre en considération, celle du cas André Villiers (UDI), ancien suppléant du sénateur de Raincourt et actuel président du conseil général de l'Yonne qui a profité du désamour de l'ex-député UMP Jean-Marie Rolland pour lui ravir la charge. Plus  généralement il y a le cas d'espèce du centre dans l'Yonne qui s'est divisé aux élections municipales, l'UDI se rangeant derrière Larrivé, Villiers en tête, et Pascal Henriat le président du Modem 89 ralliant le maire socialiste d'Auxerre.

Contesté jusque dans ses terres du sud de l'Yonne, André Villiers doit faire face à des vents contraires ainsi qu'à une position politique fragile au sein de la majorité départementale dont une fraction n'a toujours pas digéré la manière dont fut évincé Jean-Marie Rolland médecin de Vermenton, de sa charge de président du conseil général et de son mandat de député, battu de très peu par le socialiste maire d'Avallon Jean-Yves Caullet.

En outre, entre juin 2009 et mai 2012, le sénateur Henri de Raincourt, alors ministre, avait été remplacé au Sénat par son suppléant André Villiers. La loi empêcherait, aujourd’hui, ce dernier de se présenter contre l’ancien ministre aux élections sénatoriales, mais l’autoriserait à faire campagne à ses côtés.

L'ambition légitime d'André Villiers est de retrouver son siège au Palais du Luxembourg. Président du conseil général il est positionné et a rallié le soutien d'une bonne centaine de maires et délégués dans le département, misant sur un "ticket" avec Herni de Raincourt, qui eut représenté une belle alliance à droite. Mais H2R n'a pas trouvé correcte la manière dont André Villiers et ses centristes ont pris le pouvoir : l'ancien ministre ne s'en est jamais caché, usant parfois de mots assez durs pour qualifier l'opération. Évidemment on peut comprendre car les cocus dans l'histoire, ce sont les élus UMP et l'UMP.

 

Villiers en embuscade

C'est ainsi que Pierre Bordier non partant, est soudain apparu sur la grille de départ casque bleu, comme partant finalement en binôme avec Henri de Raincourt avec l'absolution de Guillaume Larrivé. On aurait pu croire l'affaire pliée mais c'eût été méconnaître les arcanes de la politique et du jeu des influences. Voici désomais en piste au autre UMP, jeune et brillant, Jean-Baptiste Lemoyne, conseiller général du canton de Chéroy où il a succédé à Henri de Raincourt, qu'il n'hésite pas à affronter comme un fils qui tuerait le père.

De surcroît, un UDI est sorti du rang, Patrick Gendraud, conseiller général maire de Chablis, premier vice-président du conseil général, les instances de l'UDI devant désigner une seconde candidature, prochainement.

À ce jeu de poker, les cartes s'abattent sur la table et on commence à voir plus clair. Il reste que des cartes n'ont pas encore été distribuées, les dernières, la dernière, décisive, pour rafler la mise.

La clé des élections sénatoriales dans l'Yonne se trouve à Paris, au sein des instances nationales des partis en course et notamment à l'UMP et à l'UDI qui se cherche une figure de proue pour succéder au charismatique Jean-Louis Borloo. Nul doute que des négociations âpres et serrées auront lieu pour les investitures. Ce sera le jeu de la négociation nationale, je te donne un siège ici et tu m'en donnes un autre là, on se partage le territoire.

Un sacré tour de bonneteau ou ... nouvelle donne ?

André Villiers n'a sans doute pas dit son dernier mot. On ne peut exclure qu'il fasse tandem avec Henri de Raincourt. La politique a ses raisons.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

 

Les candidats déclarés

- Le président de la communauté de communes Cœur de Puisaye Jean-Philippe Saulnier-Arrighi, sans-étiquette (ex UMP exclu en 2007)

- Le sénateur sortant Henri de Raincourt (UMP), sénateur de l'Yonne depuis 1986, ancien conseiller général du canton de Chéroy, ancien ministre

- Le sénateur Pierre Bordier (UMP) conseiller général et maire de Saint-Fargeau.

-  Didier Hamelin ( Debout la République), candidat aux élections européennes.

- Jean-Baptiste Lemoyne (UMP), maire et conseiller général du canton de Chéroy

- Patrick Gendreau (UDI), vice-président du conseil général, maire de Chablis

- Y ... Un second candidat UDI doit être désigné par les instances

- Les deux candidats du Parti socialiste, du Front de gauche voire du FN, n'ont pas encore été désignés qui devront être investis par les instances de leur parti.

 

 

Le scrutin de 2004 : sénateurs sortants, Henri de Raincourt (UDF puis UMP) et Serge Franchis (UDF puis UMP)

Les nouveaux représentants sont élus pour une législature de 10 ans au suffrage universel indirect par les 1067 grands électeurs du département. Dans l'Yonne, les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire à deux tours. Leur nombre reste inchangé, 2 sénateurs sont à élire. Ils sont 11 candidats dans le département, chacun avec un suppléant.

 

ÉLUS HENRI DE RAINCOURT ET PIERRE BORDIER, DEUX UMP