Mon voisin est mort voilà un an, pas chez lui, au mois d'août finissant. Son linge pend toujours au fil. No comment.

Ou plutôt si. On ne connaît pas toujours ses voisins surtout dans les quartiers où les habitations sont entourées de murs et les maisons de ville se tournent le dos. À l'exemple du quartier Saint-Amâtre du nom d'un évêque d'Auxerre.

Ce voisin était un vieux monsieur. On le voyait rarement. Il voyageait beaucoup autour du monde. Depuis qu'après une vie de labeur, il avait fait valoir ses droits à la retraite.

Lorsqu'il revenait chez lui à Auxerre quartier Haute Moquette en face du cimetière des Capucins (Dunand) où il vivait seul, il ouvrait parfois une fenêtre à l'étage. La musique classique en sortait allègrement et c'était agréable à entendre. Rarement, peut-être trois fois en 30 ans, il a taillé une bavette dans l'encadrement de sa fenêtre, ou à la porte du 24 Août pour venir rendre les ballons égarés dans son jardin. Un grand sourire aux lèvres. Alors qu'on s'attendait à une engueulade.

Ce fut le cas peu avant sa mort. Jules, mon petit-fils, jouait au ballon avec mon gendre Chams, bruyamment.

Mon voisin souriait et riait du haut de sa fenêtre, à entendre les cris de goal et le bonheur irradiant qui peut jallir du rire d'un enfant. Il descendait d'un étage et renvoyait le ballon par dessus le mur sans contester.

Il est parti discrètement, à la fin de l'été dernier. Sans prévenir évidemment.

Mais il est toujours là. Je l'ai découvert à la faveur d'un effort vertical, échelle en mains, pour empêcher la végétation de déborder en explosant les tuiles qui protègent le haut des murs. Au sommet de l'ascension, ma petite tête put embrasser le jardin luxuriant du voisin et le fil à linge.

La maison est intacte, les fruitiers et le lierre gagnent du terrain partout y compris par dessus tous les murs d'enceinte. Devant l'entrée, un amoncellement d'objets hétéroclites attend preneur. Ou un feu de la Saint-Jean mais c'est raté pour cette année.

Un ballon est perché dans la gouttière d'un toit. En attente.

Le linge, son linge - chaussettes, caleçons, maillot de corps - pend toujours à un fil.

La musique de Mozart, Brahms et Vivaldi  monte en moi, irrésistiblement.


Pierre-Jules GAYE