Les vacances, les journées de soleil. Et de terribles orages. La chaleur s’enthousiasme et monte aux cieux, comme saint Joseph de Cupertino, mais plus impertinente, et s’y métamorphose en fureur d’eau et de lueurs, matraquant fleurs et murs, pleurant des rigoles boueuses.


Quiétude de la campagne - Photo AuxerreTV (D.R.)

Ces journées que l’on a remplies de trop de projets, ces mille choses que l’on fera « pendant les vacances » : bricolage, réparation, aménagements divers. Pour ceux qui ont des jardins, ils semblent aussi turbulents que les enfants : l’herbe ne cesse de pousser, les rosiers supplient qu’on les libère des fleurs mortes, les haies sont échevelées, les cerisiers ont été pillés par les merles qui parfois ont laissé, ironiques, un noyau au bout de sa queue.

Capricieux rosiers - Photo AuxerreTV (D.R.)

On voudrait paresser, et n’en a pas le temps, à moins d’y être farouchement déterminé. Oh ! Ne rien faire d’autre que se faire plaisir. Manger tomates, salades, poulet froid, fruits, jambon… une tranche de pain à la croûte croquante dont la mie, souple et aérée, est tapissée de bon beurre. Lire ou sommeiller. Dire à tous « je ne suis pas là, vous ne me voyez pas… Non, je ne suis pas là ». Laisser le monde se débrouiller sans nous une heure, une après-midi, une journée, une semaine. Lui revenir autour d’une table joyeuse, caressée par le vent du soir et apprêtée de vie : verres propres où l’on verra trembler l’eau ou le vin, plats ronds, ovales ou creux offrant goûts, couleurs et fumets. Léger remue-ménage doux comme le chant de la Lorelei. Et toutes ces mains, menues et potelées, décorées de petits pansements ridicules, ou grandes et baguées, soignées et fraîches, et ces autres parfois déjà tavelées, usées, survivantes de tant de coupures, brûlures, accidents, piqûres, gerçures. Tous les timbres de voix, des gazouillements aux sons rauques et fatigués, les rires et les patientes réprimandes.

Fraicheur et quiétude - Photo AuxerreTV (D.R.)

Et puis les promenades cent fois faites et commentées déjà, où reste attachée la mémoire des anecdotes qui les illustrèrent : chutes dans le ruisseau, fuite devant une vache furieuse, l’oncle Jean qui avait trop bu au pique-nique, l’invasion de fourmis lors du même pique-nique à moins que ce ne soit celui de l’année avant, l’endroit où la petite voisine s’est pris le pied dans une taupinière, la vigne qui a donné mal au ventre au petit dernier après qu’il se soit gavé de raisins verts… l’arbre derrière lequel on vit s’embrasser papa et maman.

Déjeuner sur l'herbe - Monet

Les vraies « vacances » aussi, déplacements dans d’autres paysages, climats, idiomes, saveurs, après des heures d’hébétude en avion, train, voiture ou vélo. On prend un peu de vie « des gens de là-bas », croit-on, et on regrette que ça sera tellement éphémère. Puis le bonheur de retrouver… son lit au retour, le silence particulier de « sa » chambre, le murmure inimitable de « son » logis.

Ces visites éclair que l’on trouve encore parfois un peu longues, de parents de passage, d’amis que l’on a tant envie de voir mais voilà… ils viennent tous pendant « les vacances »… qui s’émiettent si rapidement. On est contents mais on s’en veut, en secret, de ne pas être aussi contents qu’on l’affirme. Et puis… autour de cette table, autel de tant de messes d’amitié, l’inconfortable sensation s’envole comme la volute qui monte des bougies à la citronnelle. Bonheur. C’est simple, finalement.

Iris d'eau - Photo AuxerreTV (D.R.)

Profitons-en bien, une minute à la fois. Emplissons-nous le cœur et les poumons de toute cette vie qu’enfin, nous avons le temps de sentir battre au bout de nos doigts.

 

                                                       Suzanne DEJAER