Ce n'est pas suffisant car l'AJA accuse un déficit structurel de 4 à 5 millions par an qu'il faut combler soit par des recettes nouvelles (ventes de joueurs dans un marché déprimé), soit par de nouvelles réductions de dépenses drastiques. Le déficit prévu de l'exercice 2014-2015 sera comblé par la trésorerie, qui sera épuisée. Le problème de fond demeure. L'exercice 2015-2016 s'annonce critique, dixit Emmanuel Limido.

Le nouveau bâtiment du Centre de Formation (il en existe deux autres)  financé aux trois quarts par les collectivités (région, département, ville) pour 10 millions d'euros paraît surdimensionné et coûte cher en frais de fonctionnement évalué selon les estimations entre 4 et 6 millions d'euros par an. Ce poste pèse lourd sur le budget et laisse peu de marges de manoeuvre.

Emmanuel Limido et Guy Cotret, son président délégué à la SAOS AJA, raclent les fonds de tiroir et utilisent tous les outils et astuces comptables pour équilibrer les comptes et tenter de réduire ce fameux déficit structurel qui pèse sur la vie du club et menace sa pérennité.

C'est pourquoi ils ont initié une offensive en direction de l'association AJA, l'actionnaire minoritaire (40%) qui est propriétaire, gobalement, de la marque AJA, de la licence fédérale, d'une bonne partie du foncier et du bâti. Un cas unique en France qui traduit l'action des bâtisseurs pendant une siècle : Abbé-Deschamps, familles du patro, Jean-Pierre Soisson, Jean-Claude Hamel, Guy Roux ... Un patrimoine accumulé.

En somme Emmanuel Limido a acheté une coquille vide ou à moitié vide.

 

Récupérer les bijoux de famille

1/ Emmanuel Limido et Guy Cotret entendent récupérer auprès de l'association AJA, le montant de l'intégration fiscale, une dette de 5,5 millions d'euro, après la rupture en avril 2013 suite à l'arrivée du racheteur. Soit en gros le tiers de la perte de l'exercice 2013 de l'ordre de 16 millionds d'euros. Une créance enregistrée et approuvée par les comptables des deux structures, l'association AJA et la SAOS. C'est le traitement de cette créance qui pose problème.

Une somme réelle, exigible mais pas exigeable car l'association n'a pas d'argent d'une part, et d'autre part, il faut un accord entre les parties pour que l'opération puisse se faire. C'est la loi. Cela dit, les deux entités sont emmêlées car leur destin est commun.

En outre et enfin, la convention d'intégration fiscale qui date de 2002 entre l'association AJA (mère) et la SAOS (fille) précise que la "sortie" ne peut en aucun cas mettre en péril l'association AJA.

Dans une note détaillée de sept feuillets adressée le 25 août, aux membres du bureau de l'association AJA, ainsi qu'aux principaux élus des collectivités, Guy Cotret, président de la SAOS et Emmanuel Limido, administrateur, expliquent la nécessité impérieuse de l'opération qui, si elle ne se fait pas, pourrait entraîner la chute du club. 

2/ Emmanuel Limido et Guy Cotret veulent récupérer le foncier et le bâti, déjà hypothéqués en bonne partie (le centre de formation est hypothéqué par les banques, le terrain appartient à l'association, le bâti à la SAOS), afin d'avoir une meilleure assiette et envergure face aux investisseurs éventuels. Car là serait le levier annoncé. Or Michel Parmentier président de l'association AJA, Jean-Claude Hamel et Guy Roux pour ne citer qu'eux, sont formellement opposés à la cession des bijoux de famille.

Pour tenter de remonter en Ligue 1 incomparablement plus juteuse que la Ligue 2, l'actionnaire majoritaire de l'AJA essaie en effet de trouver des investisseurs, en extrême-orient et dans le golfe persique, en s’appuyant sur la renommée du centre de formation d’Auxerre. 

Le club icaunais aimerait notamment exporter son savoir faire à l'étranger soutient Emmaunnuel Limido qui affirme oeuvrer dans ce sens. Après avoir licencié ou s'être séparé des éducateurs qui ont fait la fortune sportive du club.

Pour cela, il compte sur Fabrice Hérrault directeur général reconverti à l'international depuis le mois de septembre 2013, sur l'aide de Basile Boli, 47 ans, ancien joueur emblématique de l'équipe bourguignonne (1983-1990). Il a un rôle de conseiller "au développement international des activités de formation". Et il a fait entrer au conseil d'administration de la SAOS AJA au titre de AJA XXL - la filiale de Paris Luxembourg Participations, elle-même filiale de Centuria Capital holding luxembourgeoise détenue par Emmanuel Limido - Pierre Lescure, un des fondateurs de Canal Plus, aujourd'hui président du Festival de Cannes. Pour remplacer Guy Alvès, patron de la société Bygmalionn objet d'une instruction judiciaire dans l'affaire des fausses factures de l'UMP.

 

La SAOS exige de l'association le paiement de la dette

Au-delà de ces nombreuses contradictions internes, la donne a changé au cours de ces dernières années. De nouveaux centres ont fleuri partout dans l'hexagone et  font concurrence à l'AJA reléguée en Ligue 2 après 31 saisons passées dans l'élite.

En attendant la signature de premiers contrats de prestations pour le centre de formation qui constitueraient des recettes nouvelles pour le club, la stratégie de l'actionnaire principal consiste à prévoir et assurer l'avenir, en consolidant avant tout la situation financière.

Sachant que l'association AJA dont le budget annuel est de l'ordre de 1,5 million d'euros, n'a pas d'argent, il propose d'explorer les voies suivantes.

Il veut récupérer la dette de 5,5 millions que lui doit l'association AJA (montant de l'intégration fiscale).

Une petite moitié serait convertie en actions en vue de les annuler, ce qui ramènerait la participation de l'association dans la SAOS de 40% à 10% sans toucher à ses prérogatives non plus qu'à sa représentation. AJA XXL passerait de 60 à 90% au sein de l'SAOS

Le solde de la dette, soit 3 milions d'euros, serait honoré par une quote-part des actifs immobiliers détenus par  l'association AJA, qui reviendrait à la SAOS.

Une évaluation récente datant de septembre 2013, établie par le cabinet indépendant CBRE, indiquerait que la SAOS disposerait (source Cotret Limido) en valeur de 54%  du patrimoine immobilier contre 46% à l'association, pour une valeur estimée à 23,458 millions d'euros.

Ce qui amènent Guy Cotret et Emmanuel Limido à assurer que l'ajustement de 3 millions représentant le solde de l'endettement de l'association AJA, représenterait une répartition modifiée de 46% à 34% pour l'association. En contrepartie l'association n'aurait plus de dette envers la SAOS.

Et les patrons de l'AJA de proposer la rédaction d'une charte d'engagement entre les deux entités afin de confirmer les valeurs fondatrices du club, d'identifier les objectifs prioritaires ainsi que la feullle de march pour les années à venir, charte à laquelle serait conviées les collectivités parties prenantes de lédifice humain et bâti centre de formation de l'AJA.

Sur le papier, tout cela semble relativement raisonnable  dans l'intérêt bien compris du club.

Pourquoi alors les membres de l'association, Michel Parmentier le président, Jean-Claude Hamel et Guy Roux en tête, sont-ils opposés à ce plan ? Peur de l'inconnu, impression d'être injustement dépouillé par un "étranger" ... position dogmatique, peur de l'avenir ... ?

Le fond de l'affaire nous semble-t-il, modestement, est ailleurs.

C'est l'absence de confiance dans l'équipe au pouvoir, le mode de gouvernance, les hommes, la compétence sportive, en somme le manque de foi dans l'avenir sportif avec les personnes en place.

Les erreurs d'hommes, les dégâts sur le plan humain, le cortège de conflits encore en cours, le cruel manque de communication à tous les niveaux depuis le 13 avril 2013, le "bal des faux culs", n'y sont sans doute pas étrangers.

Il faut du temps pour construire et faut-il rappeler que la confiance ne se décrète pas ? Pour y croire, il faut un bon produit. Et des hommes dans lesquels on croit et qu'on est prêt à suivre envers et contre tout.

 

Pierre-Jules GAYE