Henri de Raincourt, dimanche matin, avant la proclamation des résultats du premier tour des élections sénatoriales (DR)

 

Avant la proclamation des résultats du premier tour par le président du Tribunal de grande instance d'Auxerre, Éric Ruelle, Henri de Raincourt, en dépit de sa longue expérience politique - et pour cause sommes-nous tentés d'écrire - n'en menait pas large.

Assis, le visage crispé, introverti (pour une fois), comme immobile, il savait en son for intérieur, que ce ne serait pas facile... Mais où placer le curseur ? Là était la question.

Le souvenir de l'éjection du roi Jean, Jean Chamant, par les grands électeurs de l'Yonne, en 1995, le combat de trop, l'élection de trop, devait être bien présent dans son esprit. Comme celle de Serge Franchis en 2004 dont il fut l'artisan. Face au scrutin démocratique, qui peut savoir à quelle sauce il va être mangé ou porté sur un piedestal ?

H2R est un fin connaisseur de la vie publique. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy en a vu de toutes les couleurs au cours de sa longue carrière. Il a joué et abattu une carte qu'il savait risquée et incertaine. Celle de sa conception de la loyauté et de l'amitié. Au risque assumé de faire une grosse bêtise, lui si susceptible.

Voilà longtemps qu'Henri de Raincourt a quitté les responsabilités départementales à l'assemblée du même nom.

2008 ?

Nombre de nouveaux maires expliquaient, dimanche au Palais de Justice, qu'ils ne le connaissaient pas, Raincourt le sénateur du nord de l'Yonne.

Réélu sénateur, dès le premier tour, en 2004, dix années se sont écoulées.

L'usure du temps, l'épuisement de l'énergie, comme la pensée qu'à un moment donné, on n'est plus tout à fait sûr de comprendre le temps qui passe, et ce qui se passe, H2R en a parfaitement conscience.

Dimanche, sur le coup de 18 heures, à l'issue du deuxième tour de scrutin, l'homme a choisi de demeurer silencieux, ne conversant, du bout des lèvres, qu'avec les proches, vrais et courtisans, en descendant les marches du Palais. Désabusé. Écoeuré.

Certes il accusait le coup, il prenait acte, il assumait. Non il ne serait plus le premier, le chef de file, le leader de la droite dans l'Yonne, statut injouable de tout temps, tellement la diversité est consubstantielle à cette droite, ou ce centre droit, qui cherche sa gravité, sans jamais la vraiment trouver.

Mais il, restait lui.

Laissant son épouse, la fille de Jacques Piot, ancien député de l'Yonne, fidèle, sa première supportrice, répondre aux appels nombreux sur le téléphone portable de son homme.

L'homme et le politique - il n'est pas dupe - a vécu le résultat comme un affront, une humiliation. Il est tombé de haut. Il le savait avant. Mais de le vivre et de l'expérimenter, est autre chose. Une autre histoire.

Jean Chamant, en 1995, avait commenté sa défaite aussitôt consommée, avec grande élegance et surtout une extrême lucidité. Froidement. Chirugicalement. Expliquant les raisons de sa défaite. 

H2R a réagit autrement, se réfugiant dans le silence, sans doute pour se protéger lui-même de propos qui dépasseraient sa pensée.

Il reste qu'il est arrivé en tête - de deux voix certes - au premier tour de scrutin mais deux voix quand même et personne ne peut les lui enlever.

Il reste qu'il a terminé deuxième, avec un tassement des voix à l'issue du deuxième tour. Et il est réélu sénateur pour la quatrième fois depuis 1986.

Il a objectivement résisté à la dévastation.

C'est tout à son honneur. Il sait désormais qu'il ne fera pas le combat de trop.


Pierre-Jules GAYE