D'un côté, l'association AJA avec à sa tête Michel Parmentier épaulé par Guy Roux, Michel Chauffournais, Jean-Claude Hamel, Claude Laguillaumie, Alain Gehin, Daniel Rolland et de nombreux autres.

De l'autre, Guy Cotret le président de la SAOS AJA et Emmanuel Limido, l'actionnaire majoritaire, administrateur à la SAOS AJA, l'homme qui a sauvé le club du dépôt de bilan au mois d'avril 2013 en devenant l'actionnaire principal par l'injection de 5 millions d'euros, somme exigée par la DNCG (direction nationale de contrôle de gestion) pour pouvoir poursuivre l'aventure sportive la saison 2013-2014.

Pour l'association AJA pas question de payer cette dette de 5,5 millions d'euros qui la mettrait en péril. La loi ne l'y oblige pas, car ll faut un accord des deux parties. La dette représente le montant de l'intégration fiscale sur l'exercice déficitaire de plus de 16 millions d'euros en 2013. Autrement dit, avant l'arrivée du nouvel actionnaire principal, l'association (mère) qui était fiscalisée, intégrait  et déduisait une partie des pertes de la SAOS (fille) ce qui lui permettait de payer moins d'impôt. Ce système fonctionnait depuis 2002.

L'arrivée du nouvel actionnaire majoritaire (60%) a du coup rompu la convention d'intégration fiscale, celle-ci ne pouvant fonctionner que si la mère (association) détenait au moins 95% du capital de la fille (SAOS). C'est tout naturellement que les experts comptables et commissaires aux comptes ont acté la dette en question dans le compte d'exploitation et le bilan qui ont été dûment validés à la fois par l'association et par la SAOS.

Aujourd'hui, le président délégué Guy Cotret, qui a un statut de bénévole, demande à l'association de s'acquitter de la dette de 5,5 millions d'euros. La somme est substantielle, d'autant plus que l'association ne la possède pas, puisqu'elle en a déjà profité au titre de l'intégration fiscale. Il lui est donc impossible d'assurer le service d'un tel engagement financier à partir de ses revenus. Cela aurait d'autant moins de sens qu'une part significative de ses revenus lui sont précisément versés par la SAOS. Une autre solution doit donc être trouvée.

La mise en commun d'actifs immobiliers et fonciers de la SAOS et de l'association AJA, évalués par un cabinet indépendant CBRE datant de septembre 2013, à 25,438 millions d'euros, est proposée par Emmanuel Limido. Une solution qui permettrait à l'association AJA d'honorer sa dette dans le cadre d'une charte à écrire en commun avec toutes les parties prenantes.

 

Emmanuel Limido en conversation avec André Villiers, président du conseil général de l'Yonne lors de l'inauguration du nouveau bâtiment centre de formation de l'AJA (DR)

 

"Porter le centre de formation à l'international"

Emmanuel Limido, le président propriétaire de la holding PLP (Paris Luxembourg Participations) dont l'AJA XXL est une filiale parmi d'autres tel Centuria Capital une société d'investissements, est donc monté au créneau.

L'homme d'affaires a adressé deux courriers, au mois de juillet et le 25 août, aux membres du bureau de l'association AJA ainsi qu'aux élus des principales collectivités territoriales, pour expliquer, développer sa stratégie pour l'AJA et réitérer son engagement dans le club en proposant un projet d'avenir axé sur la remontée en Ligue 1. Confronté à un déficit structurel annuel conséquent de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros, il s'agit d'une part de poursuivre la réduction des charges mais aussi de trouver de nouvelles ressources.

Ces dernières seraient des prestations de formation de joueurs  et de cadres venant de pays du Golfe Persique et de Chine, principalement. Emmanuel Limido oeuvre depuis un an dans ce sens. L'ancien directeur général Fabrice Hérrault remercié par Guy Cotret, a été recadré dans la société d'Emmanuel Limido avec une mission à l'international depuis le mois d'octobre 2013. Plus récemment, Basile Boli joueur emblématique, a été recruté pour renforcer l'image de ces actions de prospection ainsi que Pierre Lescure, le nouveau président du Festival de Cannes qui a en outre été nommé administrateur d'AJA XXL à la SAOS, en remplacement de Guy Alvès, co-fondateur de Bygmalion, (*) aujourd'hui mis en examen, dont PLP d'Emmanuel Limido était l'actionnaire principal sans être majoritaire.

Pour Emmanuel Limido, implanter chez les partenaires des AJA Academies, accueillir un ou deux joueurs étrangers d'exception dans les équipes pros ou semi-pros sont les principaux axes de cette initiative. Cela permettrait également de donner aux professionnels du football français - entraîneurs, formateurs, soigneurs, etc... - des débouchés nouveaux et participants au développement export de notre savoir-faire national. "Mon entreprise est de perpétuer ce qui pourra l'être, dans un monde en crise, qui a changé et s'est globalisé. Est-ce qu'un nouveau Guy Roux pourrait encore réussir aujourd'hui ? En tout cas on n'en voit nulle part."

 

Les bijoux de famille

Cette politique stratégique nécessite des moyens financiers complémentaires à ceux disponibles aujourd'hui. Selon Emmanuel Limido, ces moyens financiers complémentaires peuvent se trouver de deux manières et les deux doivent être envisagées. 

La première est en interne, en valorisant par un refinancement bancaire les actifs immobiliers du club qui sont actuellement co-détenus, selon lui, par la SAOS (environ 55% en valeur) et l'Association (45% donc). À condition de mettre en commun ces actifs, de nouvelles ressources propres pourraient être dégagées pour améliorer les chances d'accession à la L1.

La deuxième est en faisant appel à un ou plusieurs partenaires extérieurs qui interviendraient par augmentation de capital. Au-delà des étrangers, les partenaires Icaunais et Français qui souhaitent s’associer au projet du club seraient les bienvenus.

Emmannuel Limido affirme à AUXERRE TV que lui-même et Guy Cotret souhaitent se séparer de la partie de l'immobilier qu'ils détiennent dans la SAOS en l'apportant à une structure commune avec l'association AJA qui y apporterait aussi sa partie. Et peut-être aussi que la ville d'Auxerre pourrait y apporter sa part du stade (la tribune d'honneur).
En conséquence les actifs se retrouveraient dans une structure commune (par exemple une SCI), gérée en commun.

 

Une charte ... ou un constat de désaccord

Bref, pour l'actionnaire principal de l'ex club du patro, c'est tout le contraire d'une mainmise sur les actifs du club, attitude qui ne correspond pas à sa démarche mais qu'on lui prêterait à l'en croire, avec un peu de mauvaise foi. "C'est plutôt l'occasion de donner un peu de valeur à des actifs qui pour l'instant n'en ont pas et de les gérer ensemble dans l'intérêt du club", soutient ce dernier.
Il est vrai que les actifs seraient de toute façon compromis en cas de défaillance de la SAOS
(*3)

‎Dans ce cas de figure Emmanuel Limido aurait déjà perdu toute sa mise (l'association aussi). Un état de fait qui reste vrai, que les actifs soient comme ils sont aujourd'hui ou qu'ils soient placés dans une structure commune. Mais c'est ici que le manque de confiance réciproque dépasse le rationnel. Et construire la confiance demande du temps car elle ne se décrète pas. Or le temps fait défaut.
Emmanuel Limido espère que l'idée d'une charte ‎permettra d'accélérer le mouvement - et d'éviter un conflit, sachant que tout conflit entraînerait de nouvelles turbulences graves pour le club.

C'est pourquoi le propriétaire principal de l'AJA propose, dès que les agendas le permettront, d'organiser une première réunion entre l'Association AJA, la SAOS et les collectivités (*4). Cette réunion pourrait déjà évoquer et lister l'ensemble des thèmes qui devraient être l'objet de la charte. L'idée étant que l'accord sur la charte permette le refinancement de l'immobilier. Ensuite, très rapidement un premier projet pourrait être rédigé comme base de concertation entre les parties, explique Emmanuel Limido.

Cela dans le meilleur des cas, en cas de concertation débouchant sur un accord. En cas de constat de désaccord, le pire est envisageable.

À savoir la revente des parts de l'actionnaire principal ou son retrait pur et simple.  Ce ne sont pas 5 millions d'euros de perdus (s'ils son effectivementt perdus) qui devraient changer la vie de l'actionnaire principal. Quant à l'association, il existe une petite musique persistante qui dit qu'elle est prête à repartir de zéro en CFA.



Fabrice Hérrault  (à gauche) chargé de 'linternational auprès de Emmanuel Limido (DR)

 

Il faudra trouver 10 millions d'euros en 2015-2016

Dès la signature du rachat de l'AJA, les choses semblaient pourtant claires : le destin de l'association et d'AJA XXL étaient indissolublement liés car constituant l'avers et le revers de la médaille AJA et de son identité profonde, la formation. Contraignant les deux structures, amateur et professionnelle, à travailler la main dans la main.

Force est de constater qu'après un an et demi, la situation a évolué. Le club est menacé d'implosion, de sission, si chacun retire ses billes et si les deux logiques qui s'affrontent ne débouchent pas sur une troisième option fédératrice, un compromis. Or cela n'en prend pas le chemin.

Allons à l'essentiel. Le nouveau gestionnaire gère le club selon les normes qui sont les siennes après la gestion financière calamiteuse de l'ancienne équipe (*2) pour employer un terme général, qui a conduit l'AJA au bord du précipice. Dégraissage, réduction des effectifs cadres et professionnels, réduction drastique de la masse salariale, réorganisation des services, définition de nouveaux protocoles, changement d'entraîneurs, révision des contrats, licenciements, séparations, tant au sein du club pro qu'au centre de formation.

Guy Cotret, ancien banquier, est un gestionnaire qui entend assurer la pérennité du club, c'est sa mission. Il a pu présenter des comptes relativement équilibrés devant le gendarme financier du football français, au mois de juin, qui a donné le feu vert, levant les restrictions en matière de transferts. Bref, quitus délivré à une bonne gestion, quel qu'en soit le prix. Grâce à la vente à Rennes en janvier, d'un joueur espoir national formé à l'AJA, George N'Tep, pour 6 millions d'euros, une plus value latente, qui n'apparaissait pas au bilan lors du rachat du club.

 

Plus-values latentes

C'est cette vente, qui aurait pu être la cause directe de la relégation de l'AJA en National (cela a failli sans la victoire in extremis d'Auxerre à Arles/Avignon), qui a permis aujourd'hui d'avoir une toute relative éclaircie financière. En gros, la  trésorerie du club permettra d'éponger le déficit de 4 millions prévu à l'exercice 2014-2015. Mais après ... il faudra non seulement reconstituer la trésorerie mais aussi éponger le déficit. En somme ce ne sont pas 5 millions qu'il faudra trouver ou dégager, mais 10 millions d'euros pour l'exercice 2015-2016 (la reconstitution de la trésorerie et l'apurement du déficit structurel 2014-2015). Même s'Il n'y a pas cumul du besoin de trésorerie et de la perte comptable. En substance, en L2 le budget de l'AJA pour cet exercice 2015/16 devrait être de 12 à 13 M€.  Les revenus, hors mutations éventuelles de joueurs seraient de 8 à 9 M€. La perte serait donc de l'ordre de 4 M€ et correspondrait au montant en cash à trouver.

Une chose peut paraître surprenante : que le nouvel actionnaire principal, au moment du rachat, n'aurait pas clairement vu en déchiffrant les bilans et autres comptes d'exploitation, les gisements existants à l'AJA, ne figurant pas dans les bilans, des gisements sources de plus-values latentes. D'un mot, le club était certes pris à la gorge par les charges salariales excessives et en cessation de paiement, mais il n'était pas pauvre.

Notre argument réside dans le fait que l'AJA n'a jamais porté la valeur de ses joueurs en haut de bilan en actifs immobilisés. Autrement dit, il n'y avait pas d'amortissement sur la durée du contrat par exemple. Les achats passaient directement en charges nettes. L'AJA était le club le plus riche de France, propriétaire par surcroît des terrains et installations, un cas unique dans l'hexagone.

Il est vrai qu'à l'époque où le club était l'objet d'une gestion rigoureuse, relativement peu de joueurs étaient achetés, priorité à l'intégration des jeunes formés au club. Guy Roux faisait son marché avec parcimonie et précision chirurgicale, en fonction des besoins pour proposer une équipe complémentaire, homogène et compétitive.

Quoi qu'il en soit, l'esprit AJA doit survivre, ce club mythique qui nous dépasse et transcende toutes et tous‎. Puisse un nouveau monde naître qui s'inspire de ses valeurs éducatives et de solidarité.

 

 Pierre-Jules GAYE

 

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(*) Bygmalion est impliqué dans un trafic de surfacturation à l'UMP, le dossier est entre les mains de la Justice. Guy Alvès cofondateur, a été mis en examen. Présenté devant un juge, il a confirmé le maquillage des comptes de la campagne de Nicolas Sarkozy. Il est poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux et complicité d'escroquerie.

(*2) Paradoxalement, c'est le mode de gestion historique, généreux et désintéressé, qui a conduit le club au bord du gouffre où il se trouvait début 2013. Car la gestion du club par l'Association, qui portait, en tant qu'actionnaire unique jusque là la totalité de la responsabilité du fiasco, a progressivement été dévoyée.

(*3) Les actifs valent surtout ‎quelque chose sur le papier (d'après des expertises) car on peut difficilement imaginer un autre usage qu'un centre sportif. Donc il n'y aurait pas vraiment d'acheteur sauf les collectivités (cfr Valenciennes qui a repris le centre de formation du club). D'une part les terrains ne sont pas éligibles à des activités commerciales et, si ils le devenaient un jour, les bâtiments sont inadaptés à toute forme d'exploitation commerciale. Ce n'est pas contradictoire avec des évaluations d'expert qui prennent en compte, au-delà de la valeur marchande, le coût de construction, la valeur de remplacement, etc... Par exemple, le stade de l'Abbé Deschamps ne trouverait pas acquéreur mais vaut bien quelque chose.

(*4) AUXERRETV a interrogé les présidents et maire concernés, qui ont cofinancé le centre de formation de l'AJA (10 millions d'euros). La réponse est la même en substance : pas question de faire de l'ingérence. "Il appartient aux seules composantes de l'AJA de déterminer les orientations à donner aux propositions de M. Limido d'adosser le patrimoine foncier à la structuration financière et juridique, objet de la Charte.", écrit André Villiers président du conseil général de l'Yonne.