Jean-Baptiste Colbert, Reims, 29 août 1619 – Paris, 6 septembre 1683

 

C’est Nicolas Colbert, son père, receveur général et payeur des rentes de la ville de Paris, ainsi que négociant, qui joue de ses relations et de sa fortune pour lui obtenir la charge de Commissaire ordinaire des guerres. On est en 1640, il n’a que 21 ans, et se retrouve ainsi commis de François Sublet de Noyers, le Secrétaire d’Etat à la guerre. Le voici donc qui côtoie les officiers de Louis XIII, et donc la noblesse.

Cinq ans plus tard il devient secrétaire privé de Michel Le Tellier (père du Marquis de Louvois) sur recommandation de son cousin Jean-Baptiste Colbert de Saint Pouange, et c’est en 1648 qu’il épouse Marie Charron, dont il aura 9 enfants. Quelques jours avant le mariage, le jeune fiancé a reçu son brevet de conseiller d’Etat. Michel Le Tellier, ainsi tous les Colbert et les Charron assistent à la signature du contrat : la jeune fille apporte une dot de 100.000 livres et Jean-Baptiste 110.000.

En 1649 il accède à la position de Conseiller du roi, Louis XIV. Il ne faudra que deux ans à Mazarin pour se décider à lui confier la gestion de sa propre fortune.

 

 

Il n’est pourtant pas ce qu’on pourrait décrire comme une personnalité attachante. Il parle peu, et sans fioritures. Il est cassant, et Mme de Sévigné l’a surnommé « Le Nord ». Polaire. Un courant d’air froid.

Alors qu’il gère les finances de l’Etat, il rédige un rapport sur Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances, où il accuse ce dernier de tant de malversations que seuls 50 % des impôts perçus finissent dans les caisses royales. Peu avant de mourir, Mazarin insiste auprès de Louis XIV pour qu’il en fasse son intendant des finances. Cependant, lors de l’arrestation de Fouquet – définitivement tombé en disgrâce – par d’Artagnan, le roi supprime la charge de surintendant des finances et, à la suggestion de Colbert, assume lui-même cette charge avec l’aide d’un conseil formé de trois conseillers – dont Colbert bien naturellement. Le conseil royal des finances.

 

Louis XIV par Charles Le Brun

 

Détail d'un tableau d'Henri Testelin: Colbert en noir et Louis XIV

 

Le grand Colbert est un véritable visionnaire de la finance, et met son art au service de l’indépendance financière de la France, développant pour cela de nombreux projets, dont le mercantilisme. Il est bien conscient que le prestige de la France sera renforcé par la richesse de son souverain. Il incite à investir dans les manufactures et colonies françaises, conseille la création d’une marine qui importera les matières premières et exportera les produits finis, Marine qu’il dirigera d’abord officieusement pour être nommé, en 1663, Intendant de la Marine. On voit alors souvent des condamnations aux galères pour de nombreux délits, y-compris le vagabondage, assurant de la main d’œuvre. Il encadre juridiquement l’esclavage dans les Antilles. Il met en place le Tarif Colbert, le premier tarif des douanes. Il engage des ouvriers étrangers pour former des ouvriers français à leur art, il copie certaines productions des Etats voisins pour ne plus dépendre d’eux, comprend l’importance de l’octroi des monopoles. En 1664 il obtient l’accord de Louis XIV pour céder à son fils, Jean-Baptiste Colbert de Seignelay (1651-1690), la survivance de ses charges et l’y former tandis qu’il continue de solidifier le budget de la France.

 

 

Le bois, indispensable à l’énergie et à la construction (d’habitations mais aussi de bateaux et leurs mâts gigantesques), mérite sa protection attentive : une exploitation sauvage, la contrebande et une administration des forêts sans aucune rigueur ont mis le patrimoine forestier en danger. Il fait aménager les forêts avec obligation d’en conserver une partie en haute futaie, et y limite le pâturage. Cette réforme stricte et judicieuse permet de ne plus utiliser que du bois français dans la marine royale dès 1670. Elle est à l’origine du code forestier moderne de 1827.

Sans être particulièrement dévot, il se range avec le roi contre la papauté, et tente de diminuer le nombre des membres du clergé en augmentant l’âge minimum pour prononcer ses vœux.

Il s’attaque aussi aux emprunts, cherchant à juridiquement protéger les créanciers au moyen de l’édit du 21 mars 1673, l’édit de Colbert. Il facilite le commerce en ouvrant plusieurs nouvelles routes tout en consolidant la route royale, et le canal des deux mers voit le jour, reliant la Méditerranée à l’océan. Il donne de la majesté à Paris : jardin des Tuileries, rues pavées et éclairées, colonnade du Louvre, portes Saint Denis et Saint Martin, quais, places publiques…

 

 

Il espère s’emparer des comptoirs hollandais du golfe de Guinée et finit par encourager, en 1672, Louis XIV à faire la guerre aux hollandais, convaincu que ces derniers seront rapidement écrasés. Malheureusement ce ne fut pas le cas car la guerre dura 7 longues années qui affaiblirent les finances de l’Etat.

Il accuse Louvois, secrétaire d’Etat de la guerre, d’être trop prodigue des fonds publics, et Louvois gagne alors la faveur du roi.

Dès 1680, Colbert est victime de fièvres fréquentes que son médecin anglais soulage avec de la quinine. Il souffre d’avoir perdu la préférence du roi qui va jusqu’à déclarer que les constructions que Louvois a faites en Flandres surpassent de loin son travail à Versailles. C’est humilié et déçu qu’il meurt : il refuse en effet de recevoir le roi à son lit de mort. Le peuple, de son côté, n’apprécia pas l’accumulation de sa propre fortune personnelle et insulta son cercueil. En 1657 il avait acheté la baronnie de Seignelay dans l’Yonne, dont son fils portera le titre.

 

 

Tombeau de Colbert

Deux ans après sa mort les sculpteurs Antoine Coysevox et Jean-Baptiste Tuby acceptèrent de faire, sur commande de la veuve de Colbert, son tombeau sous la conduite du peintre Le Brun. Le résultat fut alors considéré comme un des plus beaux monuments de France, mais hélas il fut démantelé lors de la Révolution. Le tombeau revint en 1817 à l’église Saint-Eustache mais l’idée de Le Brun ne fut plus que partiellement respectée avec ce que la rage révolutionnaire avait laissé.