Pascal Perrineau évoque la carrière du radical paysan centriste Jean-Pierre Soisson. Le professeur de Science Po, spécialiste politique notamment de l'extrême droite ("La France au Front, essai sur l'avenir du FN" éditions Fayard"), répond aux questions de Marion Bordier et explique l'ascension du Front national sur la scène nationale (DR)

 

VIDEO l'intégrale de la table ronde



 

Une scène légèrement surélevée, des fauteuils et une table basse. Au centre Jean-Pierre Soisson en pull bleu marine. Dans la salle, une assistance attentive, d'un bout à l'autre, pendant près de deux heures.

Il y a le livre, ce qui est écrit et que raconte son auteur, au gré des questions auxquelles il répond comme il l'entend, tantôt esquivant, tantôt en prenant les devants. C'est du Soisson du bon Soisson dans le texte. Il est en forme et connaît son sujet sur le bout des doigts. Même s'il ne voulait pas écrire ce livre, dit-il, car écrire le mot fin signifierait qu'il serait au bord de la tombe. Mais il l'a fait. S'efforçant de bien écrire, comme Françoise Sagan son modèle : sujet verbe complément, en phrases courtes, loin de la prosopopée de Marcel Proust.

L'homme n'est pas un animal politique au sens où l'entendrait Aristote, mais plutôt un artiste. Il est écrivain désormais. Qui après cinquante années de vie politique, s'efforce de naître, de vivre, chaque jour, dès que la lumière chasse les ténèbresVaste programme pour quelqu'un qui a mordu dans la vie à pleines dents avec bonheur, ce bonheur de l'instant, d'une vie sur laquelle  il n'a cessé de jeter un regard amoureux car n'exsiterait rien d'autre.

Il avoue avoir couru parfois sans savoir où il allait, sans savoir aussi très bien ce dont il avait vraiment besoin : ce fut écrit-il une "fringale légère" citant Saint-Exupéry dans Courrier Sud.

 

Deux grands moments

À aucun moment, l'homme Soisson n'apparut nu tel le roi. Mais il fut mis à nu. À aucun moment il ne se livra. Mais l'homme a vacillé en son for intérieur, touché au fond de l'être. Il avait les yeux mouillés et la voix émue. Ce fut à peine perceptible mais suffisamment pour irradier et transmettre un ineffable, un indicible. Gêné car décortiqué par les poseurs de questions ? Gêné par pudeur contenue ? 

Il y eut deux grands moments. L'analyse de Pascal Perrineau qui en quelques phrases fit jaillir les traits saillants d'une vie politique du Girondin et du Jacobin, déjà une tension, non une contradiction, d'un artiste qui côtoya cinq présidents de la République et la cinquième. Il fut l'homme qui incarna l'ouverture avec Rocard qui y croyait d'autant plus qu'il avait absolument besoin de ces voix du centre de France Unie afin d'obtenir une majorité sans les voix communistes, et Mitterrand qui usa de l'ouverture de manière ambigüe.

Mitterrand, Pompidou, Soisson hommes de lettres, hommes de culture, curieux de tout, et du beau. Pierlot le potier de Ratilly ce n'est pas rien, qui réussit à organiser une exposition d'oeuvres du rare Balthus qui fut voisin à Chassy dans la Nièvre dans les années cinquante.

Touché mais pas coulé. JPS déshabillé avec élégance par Perrineau. Tout peut être dit, tout est dans la manière. Ce n'est pas donné à tout le monde. Puis, avec douceur et respect, Willem Van de Kraats l'atteignit au coeur d'une tendre banderille en interrogeant sa vie spirituelle, intime, sur le pourquoi de cette pudeur qui fait barrage envers et contre tout, un mur de Planck qu'on ne franchit pas, chez Soisson, allez savoir pourquoi... Limite d'un univers enfermé dans un cône d'espace-temps sans sens, étrange.

La blessure du sous lieutenant en Algérie, la blessure fondatrice ? L'Algérie où il n'a jamais pu remettre les pieds. Refouler le sol serait au-dessus des forces de cet homme sur la scène, qui a ému l'auditoire, mardi soir, sans artifice aucun.

 P-J. G.

 

Jean-Pierre Soisson était interrogé, mardi soir Rive droite, par le politologue Pascal Perrineau (à droite) et par deux représentants de la presse locale, Willem Van de Kraats (l'Yonne républicaine) et Pierre-Jules Gaye (Auxerre TV). Une table ronde animée par Hervé Couteille, président du Cercle Condorcet d'Auxerre (DR) 

 

Jean-Pierre Soisson (DR)

 

Pascal Perrineau, politologue à Science Po et consultant (DR)