Emmanuel Limido foule la pelouse du stade Abbé-Deschamps quelques minutes après la victoire de l'AJA contre Sochaux. Solitude et humilité dans le stade vide (DR)

 

Vous avez affirmé sur une radio locale que dans un délai très court (quelques semaines), un nouvel actionnaire (Chinois ou d'Arabie Saoudite ou ...) allait entrer au capital de la SAOS AJA, à hauteur de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros.
Quel est l'intérêt du nouvel actionnaire d'abonder au capital s'il n'est pas majoritaire ? Quel serait le sens de ce concours ?
Comment cette augmentation de capital peut-elle se traduire juridiquement ? L'hypothèse d'une  gouvernance à trois sans véritable actionnaire majoritaire est-elle sérieusement envisageable et raisonnable ?


Emmanuel Limido.- Je ne suis pas sûr de l’interprétation qui a pu être faite de mes propos, mais à toute fin utile je suis très content de pouvoir vous répondre, dans une certaine mesure.
 
Le contexte était une discussion à bâtons rompus entre le journaliste, Pierre Lescure et moi-même. Nous parlions du rôle de Pierre à mes côtés et on disait qu’il était aussi – entre autres – un facilitateur pour établir certains contacts.
 
Je n’ai rien indiqué de précis sur les modalités de coopération en cours de discussion avec un certain nombre de contreparties (participation au capital ou autre type d’accord). Je n’ai simplement rien voulu exclure et une participation au capital est une possibilité. Rien de nouveau sous le soleil : on parle de cela depuis le début et vous vous souvenez qu’une négociation presque aboutie a échoué il y a un an avec les malaisiens de QPR.
 
Par ailleurs, j’avais évoqué un délai de quelques semaines ou quelques mois au journaliste – il a retenu le délai en semaines, sachant que beaucoup de semaines font des mois…. En précisant bien qu’il n’y avait rien d’imminent. Cela peut s’accélérer ou pas. Mais dans tous les cas si il y a quelque chose de sérieux ce n’est pas par voie de presse et avant que cela soit bouclé que cela sera annoncé. Vous imaginez bien que la confidentialité est un élément clef de ce type de discussion.
 
Donc on est toujours dans la même optique et philosophie :
 

  • Accueillir un partenaire minoritaire, dans l’AJA SAOS ou dans AJA XXL
  • Qui souscrive entièrement à notre projet qui est plus particulièrement axé sur la valorisation à l’international du savoir-faire en matière de formation. Le projet est maintenant prêt, est très convaincant et séduit beaucoup d’interlocuteurs publics et privés dans de nombreux pays. Il est fortement soutenu par nos autorités politiques et sportives.
  • Partenaire qui s’inscrive à nos côtés sur le long terme si possible
  • Minoritaire dans le club mais vrai partenaire engagé et actif dans le développement international

  
Faire de cette initiative autour de la formation un pôle de développement pour le club, la ville, les collectivités et le football français est la motivation d’origine de notre investissement dans le club et reste notre ligne directrice.
 
La réussite de cette initiative passe par une remontée en L1 tôt ou tard, si possible plutôt tôt que tard.


Actuellement la SAOS AJA est détenue par vous même actionnaire majoritaire à hauteur de 60%, au travers d'AJA XXL filiale de Paris-Luxembourg-Participations la holding qui vous appartient ;  et par l'association AJA à hauteur de 40 %. Comment allez-vous procéder compte tenu de la minorité de blocage dont dispose statutairement l'association AJA, l'actionnaire minoritaire, qui se considère comme le dépositaire objectif de l'histoire du club et des valeurs du patro ?
L'association AJA oppose un refus à votre proposition de l'an dernier, de réunir les actifs fonciers et immobiliers afin de pouvoir obtenir un emprunt bancaire substantiel et abonder au fonctionnement de l'AJA. Avez-vous affiné votre proposition et les choses avancent-elles ? Liée à cette question, celle de l'intégration fiscale à hauteur de 5 millions d'euros réclamée à l'association AJA par la SAOS. Deux cabinets d'avocat anglo-saxons spécialisés en droit fiscal entre autres, ont été saisis par les parties. Décision a été d'emprunter la voie de l'arbitrage par une structure indépendante. Quand le jugement sera-t-il rendu (*1) s'il ne l'a déjà été ... ?


Emmanuel Limido.- Sur les relations avec l’Association, rien de nouveau non plus. Ils n’ont pas accepté les propositions de dialogue que nous avons faites dans le passé – faire une charte, etc…. Ils ont peut-être pensé que nous subirions un échec au plan sportif et qu’ils ramasseraient les débris. Cela ne semble pas être le cas. Pour l’instant en tout cas.
 
L’équipe de direction du club, sous l’autorité de Guy Cotret, gère au mieux et dans des conditions très difficiles la situation financière et sportive du club, dans un contexte du football professionnel français calamiteux.
 
La position inflexible et que je trouve déraisonnable de l’Association sur la mise en commun des actifs immobiliers, qui pourrait permettre de dégager un peu d’auto-financement, va contraindre à des mesures de réduction de coûts encore plus drastiques que ce qui aurait été nécessaire dans le cadre de nos propositions.
 

Le déficit structurel de l'AJA est de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros par an. Votre stratégie consiste-t-elle à vous efforcer d'effacer ce déficit récurrent depuis des décennies, gommé par des ventes de joueurs dont la valeur (à l'époque Ndlr) n'était pas consignée dans l'actif du bilan ; ou bien allez-vous poursuivre en comblant, bon an mal an, ce déficit par de nouvelles coupes claires sous forme de baisse de charges tous azimut, ou encore une opportunité de vente de joueur sur un marché des transferts atone, qui n'est plus ce qu'il était autrefois ?

Emmanuel Limido.- En tout état de cause, le déficit structurel de l’AJA ne devra plus être de 4 à 5 M€ par an : on tentera de le réduire par la baisse des charges, la hausse des produits (espérée à terme par une remontée en L1 et une valorisation de notre formation à l’international) et en continuant à réaliser des mutations tout le temps nécessaire.
 
Sachant que si on vend les bons joueurs, on ne les a plus…. Et donc il faudrait ne pas avoir le couteau sur la gorge, pour bien faire. Peut-être que la qualité incontestable du travail accompli contribuera à convaincre l’Association de l’efficacité du management et de nos bonnes intentions.
 
En attendant, il faut donc réduire les coûts encore plus.

Le projet envisagé par le président Guy Cotret de réintégrer au sein de l'Éducation Nationale les jeunes du centre de formation qui jusqu'ici bénéficient de cours adaptés aux heures d'entraînement, constitue-t-il une priorité ?
L'économie serait de l'ordre de 800 000 euros par an, ce qui correspond pour moitié au manque à gagner en recettes annuelles de la taxe d'apprentissage, dans le cas où la dérogation accordée par la préfecture de région ne serait pas prolongée l'an prochain (
Ndlr : la nouvelle loi sur les modalités de collecte et d'égibilité de la taxe d'apprentissage exclut désormais les associations du privé. Or l'École privée du Moulin de Preuilly (* 2) qui gère les études à l'AJA est une association qui relève du statut de l'école privée ).
Ne pensez-vous pas que cela pourrait marquer un recul dans la formation et l'ADN de l'AJA et nuire à sa notoriété dans la mesure où les jeunes issus du centre, obtiennent quasiment tous leur baccalauréat, ce qui constitue une garantie et une voie d'avenir s'ils ne deviennent pas joueur professionnel (8 sur 10), et est un sacré argument auprès des parents dans le processus de détection et de recrutement de jeunes talents ?

Emmanuel Limido.- Le projet du Club de réintégrer la scolarité dans l’Education Nationale est de mon point de vue plus une obligation qu’une priorité. Conséquence en partie de ce qui précède (impossibilité de valoriser des actifs immobiliers stériles) et en partie qui va dans le sens de l’histoire et du bon sens. Les décisions devront toujours être prises exclusivement en fonction des contraintes et de l’intérêt général du club, dont la situation financière très tendue ne permet aucune marge d’erreur. Un bon ADN ne sert qu’à un organisme vivant. Par ailleurs, la réintégration dans l’Education Nationale ne serait pas nécessairement annonciateur d’une régression. Des avis contraires circulent à ce propos.

Êtes-vous confiant pour l'avenir ... ? Ne pensez-vous pas qu'une accession en Ligue 1, cette année, serait  prématurée pour un club et une équipe en pleine reconstruction et dont les équilibres fondamentaux ne sont pas encore assurés ? Autrement dit, monter pourrait-il s'avérer une catastrophe en cas de redescente immédiate (ex : Metz, Lens etc). Qu'en dites-vous ?

Emmanuel Limido.-
   Bien entendu que nous avons confiance quand on voit le chemin parcouru en deux ans.
 
Un centre de formation reconstitué qui était devenu un géant aux pieds d’argile.
Toutes les équipes qui marchent plutôt mieux que ce qui était raisonnablement espéré, même les U19 dont l’équipe en championnat national a été rebâtie après le succès en Gambardella de la précédente.
Un club qui retrouve un peu de sa fierté passée, que la gestion précédente avait endommagée au même titre que sa situation financière et sportive.
Un club qui a conscience des challenges immenses qui lui restent à surmonter et des risques associés mais qui fait preuve d’une solidarité exemplaire – au moins dans le périmètre de la SAOS.
 
Faut-il s’inquiéter de pouvoir remonter cette année en L1 ?
 
L’écart de 6 points avec la place d’accédant (peut-être 7 d’ailleurs en fonction du goal average) est théoriquement raisonnable à 10 matchs de la fin mais le nombre de postulants à ce niveau là (4 à rattraper) rend la perspective assez éloignée.
 
Nous devons donc tout faire pour y arriver et ainsi nous montrer à nous-mêmes que lorsque tout n’est pas perdu, tout peut être gagné.
 
Si nous y arrivions, faudrait il craindre le choc de la montée ? Certainement oui, mais peut-être ni plus ni moins que l’année prochaine. Dans cette configuration particulière il faudra, encore plus, que l’ensemble des forces vives du club soient unies et responsables.
 
Un long chemin reste à parcourir donc, à plus d’un titre.
 
En attendant je suis fier pour l’AJA, ses partenaires et ses supporters de cette place en demi-finale de la Coupe de France. Et si nous atteignons la finale, nous aurons tous ensemble la fierté d’avoir accompli un merveilleux chemin, belle étape sur le retour vers de grandes ambitions sportives, sociales et humaines.

Propos recueillis par Pierre-Jules GAYE

 

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(* 1) À la fin du mois d'avril, début mai

 

(* 2) COMMENTAIRE

 

L'École privée du Moulin de Preuilly qui assurait la direction et la gestion des études au centre de formation de l'AJA jusqu'à la rentrée 2013, où la direction du club décida d'externaliser la gestion et la direction des études à une entreprise privée basée à Paris, spécialisée dans l'enseignement par correspondance, est une exception dans l'univers du football en France. Seuls, outre l'AJA, deux clubs fonctionnent sur le même schéma. Un schéma qui représente un coût pour le club, qui tourne autour de 800 000 euros rien que pour les études.

L'idée de faire comme les autres centres de formation dont certains fonctionnent de manière satisfaisante tant du point de vue de la formation foot que de la formation études, s'est imposée aux yeux du président Cotret, le gestionnaire de l'AJA, après la nouvelle loi qui modifie les conditions de collecte  et d'égibilité de la taxe d'apprentissage. Cette dernière représentait environ de 400 à 500 000 euros de recettes annuelles. L'AJA a obtenu du préfet de région une dérogation pour cette année.

Outre que d'aucuns trouvent on ne peut plus normal et logique l'intégration dans l' Éducation nationale, l'école laïque obligatoire et gratuite pour tous, bref que les jeunes de l'AJA se mêlent aux autres jeunes de leur âge favorisant la mixité sociale et la découverte des différences ; cette solution envisagée présente un autre intérêt.

La question qui vient à l'esprit est : que deviendraient les locaux  prévus pour des classes de cours au nouveau centre de formation considéré à juste titre comme l'un sinon le plus moderne de France ?

Plusieurs hypothèses peuvent être évoquées ou imaginées.

Il en est une qui aurait une cohérence. Le rapatriement des bureaux et du personnel administratif logés sous la tribune d'honneur depuis des lustres. Cela présenterait l'avantage de permettre à l'AJA de se mettre aux normes en matière d'exigences de la FFF et de la LPF, et d'anticiper la situation consécutive à une accession en Ligue 1, ce qui imposerait de nouvelles obligations. P-J. G.