SOCIETE
Les Français voudraient se débarrasser de la mort
le dimanche 01 novembre 2015, 20:05 - SOCIETE - Lien permanent
La Toussaint est une solennité fêtée en l'honneur de tous les saints, connus et inconnus. Le lendemain, 2 novembre, commémore les fidèles défunts. Le culte des morts reste cependant massivement célébré le 1er novembre, comme dimanche dans les cinq cimetières d'Auxerre à la faveur d'un beau grand soleil
La Toussaint, cette fête, rappelle donc à tous les fidèles, la vocation universelle à la sainteté. Fra Angelico, Les précurseurs du Christ avec les saints et les martyrs, 1423-1424.
La crémation a progressé mais elle stagne voire recule relativement. Elle représente à peine le quart des obsèques par rapport à l'inhumation sur Auxerre.
Elle symbolise quelque part, le désir d'en finir vite par le feu-four et disparaître en poussière.
Le sociologue Tanguy Châtel (*) affirme que les Français voudraient se débarrasser de la mort. parce que nous sommes dans une société où la mort est considérée comme un échec et qui met donc tout en oeuvre pour la faire reculer. Paradoxalement, en même temps, la mort est constamment mise en scène sur les écrans de télévision et de cinéma. Et il existe une très grande différence entre la mort de nos proches et la façon dont on la met fictivement en scène.
(...) "Depuis les années 70 la mort est devenue très médicalisée en raison des progrès de la médecine et de la création des CHU (centres hospitaliers universitaires), transférant la mort à l'hôpital. Depuis la seconde guerre mondiale il existe une culture de l'obligation au bonheur. L'échec de la vie, la mort, sont rejetés, masqués, ignorés. Ainsi la médicalisation de la mort est un moyen de désamorcer la réalité de sa violence psychique et sociale."
(...) "C'est la fin de vie et non la mort qui pose le plus problème. Les soins palliatifs ont permis diminuer la violence de la mort. À présent c'est l'autre face de la mort, le deuil, qui est complètement escamoté, qui devient insidieusement problématique.On voudrait qu'il se fasse discrètement et rapidement. or l'intégration progressive de la réalité de la mort est un chemin qui s'éprouve et s'accompagne. Avant elle faisait partie de la culture du savoir quoi dire, quoi faire, même si c'était très codifié. Aujourd'hui, chacun est démuni et livré à lui-même, et cela ajoute à la souffrance."
(...) "La protocolisation de la mort réduit la mort à une procédure. On ne fait qu'accentuer le processus de désenchantement en la matérialisant sous contrôle, rendant la mort principalement technique."
(...) "La crémation qui fut au début l'affaire des athées exclusivement, s'est développée. On demande aux professionnels d'introduire de "faire comme une messe" d'introduire de la ritualité de lire des textes spirituels. C'est une ritualité très appauvrie qui n'évoque que sommairement quelque chose de sacré avec des symboles primaires (lumière, feu, cendres) avec une grande part d'improvisation."
(...) "On constate néanmoins qu'après deux siècles de rationalisation qui a contribué à écarter la question de la mort, celle-ci revient en force. Et que la tendance oscille entre deux représentations : une matérialiste centrée sur le corps et la maîtrise, l'autre plus spirituelle (pas forcément religieuse) nourrie de rituels et de liens. Nous sommes à la croisée des chemins."
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(*) Tanguy Châtel est l'auteur de "Vivants jusqu'à la mort : accompagner la souffrance spirituelle en fin de vie" paru chez Albin-Michel.
Extraits d'un entretien au Télégramme édition du 31 octobre et de Santé Plus
UNE PLAYLIST SUR LA GRANDE FAUCHEUSE
TOUT SAVOIR SUR LES CIMETIÈRES D'AUXERRE
Commentaires
Un peu partout hélas les cimetières sont honteusement livrés au "retour à la nature"... On privilégie d'autres choses plus populaires, le mort ne rapportant plus gros... Disparus ou presque les artistes tailleurs de pierre, les allées ratissées sous de belles voûtes feuillues, les escaliers ou bancs vérifiés. Désormais, on y vole les fleurs, les statues, bronzes et cuivres, quand on ne désacralise pas... Mais les communes se joignent avec grande négligence aux efforts des voleurs et voyous en laissant ces lieux devenir un parcours du combattant.
Que l'on me permette de profiter de cette rubrique pour évoquer l'état lamentable du cimetière du centre ville d'Auxerre dont les allées sont garnies d'un soit disant gazon, dont les tombes abandonnées sont devenues des friches. Pour avoir visité durant ce week end plusieurs lieux de repos, Mâcon en Saône et Loire et Prégilbert prés de chez nous, la comparaison est édifiante ! Ce manque de respect pour tous ceux qui y reposent est incompréhensible. Sans doute encore la recherche d'économie...