Le tombeau de Paul Bert, une sculpture de Bartholdi, au cimetière Dunand dans la partie à gauche des Capucins (ancienne abbaye) DR

 

Le dépôt de gerbe de maire et du conseil municipal d'Auxerre, par Guy Paris, Patrice Decormeille, Guillaume Larrivé député et Jean-Pierre Soisson (DR)

 

Les Amis de Paul-Bert (association), comme chaque année, se sont inclinés devant le tombeau de Paul-Bert, une sculpture pur chef d'oeuvre du grand Bartholdi.

Curieusement, alors que pendant longtemps, il n'étaient qu'une poignée à lui rendre hommage le 11 novembre, ils sont de plus en plus nombreux à se rassembler au fil des ans, et particulièrement cette année, mercredi sous un ciel gris et lourd.

Est-ce la montée de l'obscurantisme qui rallie les hommes de raison et de bonne volonté autour de l'homme de science et le politique père spirituel de l'école publique, laïque, gratuite et obligatoire, dont Ferry ne fit qu'appliquer la doctrine en faisant légiférer par "appartements" ?

Plus précisément, cela correspond aux menaces grandissantes incarnées par ce que sous-tend Daech et à la volonté de s'y opposer désormais au nom de l'essence de la démarche scientifique, la science au sens profond, celle de la raison pour comprendre le monde, à l'extrême opposé des croyances, déviances, intégrismes et manipulations.

 

 

Dans la foule, les fidèles à l'hommage à Paul Bert (DR)

 

Patrice Decormeille, président de l'association Les Amis de Paul-Bert, pendant le discours (DR)

 

 

 

LE DISCOURS DE PATRICE DECORMEILLE

 

Cérémonie Paul Bert 11 novembre 2015

"Monsieur le ministre, Monsieur le député, Monsieur l’adjoint au Maire, chers amis,

"Pour cette cérémonie d’hommage à Paul Bert, mort à Hanoï le 11 novembre 1886, je voudrais attirer votre attention sur les deux cartouches que Bartholdi a voulu faire figurer de part et d’autre du socle du monument : Patrie, Science. Si la science ne devait désigner ici que l’une des activités de Paul Bert, sa mise en regard avec la Patrie n’aurait aucun sens.

"La Patrie n’est pas une activité mais une valeur. La mise en symétrie avec la science n’est justifiée que parce qu’aux yeux de Paul Bert, la science était beaucoup plus qu’un métier, plus qu’une passion, mais une valeur, un idéal. Aujourd’hui, quand on parle de science, on pense surtout techniques comme si la science n’était justifiée que par les prolongements qu’elle trouve dans ses applications pratiques. Au mieux, on pense au savoir et à l’enrichissement qu’on peut trouver dans l’élargissement de ses connaissances.

"Paul Bert, sans désavouer ces deux aspects, plaçait la science bien plus haut,  il lui assignait  une vocation proprement politique puisqu’il voulait en faire un instrument d’émancipation pour tous. C’est bien pour cette raison que, dans son œuvre politique et scolaire, il mit une telle insistance à introduire les sciences dans l’enseignement élémentaire. Le but n’était pas  de former une Nation de savants mais de familiariser tous les jeunes esprits, futurs citoyens, à l’esprit et aux méthodes des sciences.

"Paul Bert définit lui-même l’objectif de l’enseignement scientifique élémentaire dans ces termes : « former un esprit libre de préjugés, difficile à séduire et sur lequel n’auraient pas facilement prise, d’où qu’elles viennent, les sorcelleries et les superstitions ». On voit qu’il s’agissait de former l’esprit critique, celui qui nous commande de ne rien accepter qui ne soit préalablement l’objet d’un examen attentif et raisonné.

"On ne dira jamais assez à quel point nous en avons besoin aujourd’hui, plus que jamais, face à la montée en puissance des intégrismes et de l’obscurantisme. « Ecrasons l’infâme ! » s’écriait Voltaire, à propos du fanatisme et de l’intolérance. Mais, nous le voyons chaque jour, l’infâme relève la tête. Comment pouvons-nous accepter au pays de Descartes, Voltaire, Diderot et Paul Bert que 2000 jeunes français se soient engagés en Syrie pour faire le djihad ? Que chaque semaine –selon les derniers chiffres- 15 jeunes partent rejoindre les rangs de Daech ?

"Je sais bien que les causes profondes de ce développement de la radicalisation religieuse sont multiples et complexes, qu’elles ne peuvent être envisagées que sous le regard croisé d’analyses à la fois économiques, sociologiques, historiques, psychologiques et géopolitiques. Je sais bien qu’on ne doit pas nous-mêmes tomber dans les explications simplistes et réductrices –pour le coup contraires à l’esprit scientifique- qui imputent tout le mal à un responsable (c’est la faute à…) et qui décrète un « y-a-qu’à… » pour tout remède. Mais je suis convaincu d’une chose, que l’esprit scientifique est l’un des pare-feux à opposer aux progrès du fanatisme.

"Notre époque oscille entre deux extrêmes : d’un côté, le scepticisme généralisé du « tout se vaut » qui conduit tout droit au nihilisme et d’un autre côté (probablement en réaction) un dogmatisme pétri de certitudes qui conduit aux pires intégrismes. La science est le mode de connaissance qui, par excellence, sait tenir l’entre-deux, le juste milieu et nous prémunir de ces deux excès opposés. Paul Bert le disait déjà avec force : « Les sciences –disait-il à l’inauguration de l’école Alsacienne- peuvent seules enseigner la non-crédulité sans enseigner le scepticisme, ce suicide de la raison ».

"Même à son époque, marquée par le positivisme et une vision triomphante du progrès des sciences, Paul Bert savait trop bien à quelles prudences le savant devait s’astreindre. La science est assez consciente de ses limites pour pondérer tout désir de certitude et ruiner tous les dogmatismes. Et nous parlons bien ici de la science et non pas de la technique car les techniques sont conquérantes et présomptueuses là où les sciences sont modestes et patientes. « La tolérance, disait Voltaire, est fille de la raison. »

"Paul Bert a fait de la diffusion de la culture scientifique l’un de ses combats politiques, nous avons le devoir de le prolonger pour autant qu’il y a là un véritable enjeu de civilisation.

"Permettez-moi aujourd’hui d’associer au souvenir de Paul Bert l’évocation de deux figures auxerroises qui viennent de nous quitter et que nous avons (pour la plupart d’entre nous) bien connues et estimées, Alain Bataille et Daniel Reisz. Ils ont toute leur place pour être salués devant la tombe de Paul Bert précisément parce qu’ils ont l’un et l’autre beaucoup contribué à la diffusion de la culture scientifique et défendu les Lumières dans un esprit républicain.  Tous deux membres très actifs de la Société Paul Bert, ils ont su prolonger le combat de celui que nous honorons. Qu’ils partagent l’hommage que nous déposons au pied de ce monument."

 


Le tombeau de Paul Bert au cimetière Dunand,

sculpture de Bartholdi à Auxerre

 

Paul Bert, né à Auxerre le 19 octobre 1833, fut un homme de science et un homme politique de première importance.

Docteur en droit, en médecine et en sciences naturelles, il fut l’assistant de Claude Bernard auquel il succédera à la chaire de physiologie de la Sorbonne.

Ses travaux sur les greffes animales, la respiration, la pression barométrique, la plongée, l’anesthésie, la botanique sont novateurs et apportent des progrès considérables dans ces domaines.

Républicain patriote et anticlérical, il fut l’un des fondateurs de la troisième république. Il rencontre Léon Gambetta en 1870. ("J’ai deux maîtres : Claude Bernard pour la science, Gambetta pour la politique").

Il fut conseiller général, préfet, député, ministre de l’Instruction publique et des Cultes puis Résident général en Annam et au Tonkin où il mourut le 11 novembre 1886.

Des obsèques nationales sont organisées à Auxerre le 15 janvier 1887. Son cercueil fut exposé en haut d’un catafalque de dix mètres de hauteur au carrefour de la rue de Paris.

Le bronze réalisé en 1888 par Bartholdi, auteur de la Statue de la Liberté et du Lion de Belfort, représente Paul Bert "drapé à l’antique, mourant dans les plis du drapeau tricolore. A l’arrière-plan figure le rayonnement du soleil, de la science, de la République".


Le tombeau de Paul Bert est situé dans le "Cimetière des Capucins", au sein du Cimetière Saint-Amatre, appelé communément CIMETIERE DUNANT (60 rue du 24 août à Auxerre).

Source : brochure "Paul Bert" du Musée d’histoire naturelle d’Auxerre.