Le président de la République avait annoncé une telle mesure de déchéance de la nationalité dans son discours solennel devant le Congrès le 16 novembre dernier, trois jours après les attentats meurtriers de Paris. Il lui était très difficile de revenir dessus sous peine d'incohérence.

La décision de l'inscrire dans le projet de loi de révision de la constitution dit « de protection de la Natio», forme d'extension des pouvoirs de l'état d'urgence, est en outre un joli coup de tactique politique dans la mesure où il satisfait l'idéologie du Front national et coupe l'herbe sous le pied de la droite, dont on ne voit pas comment désormais, elle pourrait ne pas voter le texte. Rappelons que pour être adoptée, la révision de la Constitution implique de recueillir 3/5è des suffrages exprimés par les parlementaires (députés et sénateurs) réunis en Congrès, au mois de février. Le chef de l'État pourrait aussi faire appel au référendum pour trancher.

Sur le fond, loin de protéger la Nation, ce texte entend la diviser, portant le ferment du démembrement d’une République indivisible pour tous ses citoyens. Le principe central d'Égalité qui figure aux côtés des principes de Liberté et de Fraternité au fronton de nos mairies, est battu en brèche, la citoyenneté étant aussi indivisible que la République.

Un pouvoir socialiste qui se prétend l’adversaire du Front national, épouse, à la lettre, l’idéologie de l’extrême droite, celle selon laquelle nos maux, nous viennent de l’étranger, ont pour cause les étrangers et supposent de chasser l’étranger qui est en nous. Il accrédite solennellement le préjugé xénophobe.

Y aurait-il donc deux catégories de Français ? Les Français et les binationaux, Français jouissant d'une autre nationalité ?

Y aurait-il des Français "plus que d’autres" qui n’auraient qu’à répondre de leurs crimes éventuels ? Y compris pour terrorisme puisqu'il apparaît que la plupart des terroristes à avoir frappé en France sont des jeunes Français.

Et d’autres qui, commettant les mêmes crimes, devraient être exclus de la Nation alors même qu’ils sont nés Français, ont grandi en France, ne connaissent que la France ?

Nous naissons libres et égaux en droit. Nous avons le droit d’avoir toutes et tous les mêmes droits et devoirs, sans distinction d’origine, de sexe, de croyance, d’appartenance. Et ces droits sont inaliénables et sacrés.


 

Pierre-Jules GAYE