Le dernier homme est une expression utilisée par le philosophe allemand Nietzsche pour désigner l'extinction à venir du dépassement de soi de l'homme. Il représente l'état passif du nihilisme dans lequel l'homme ne désirera plus rien que le bien-être et la sécurité, et se réjouira de son absence d'ambition.

Nous y sommes peut-être. Le consommateur connecté à la vie lisse sans heurts, pas de stress, pas de grand désir, pas de grandes ambitions. Être peinard, profiter au max, sans trop de vagues, sans prendre de risques. Chacun veut la même chose.

L'Homme Unidimensionnel annoncé aussi par  Herbert Marcuse avant 1968. Nous n'avons pas uniquement les mêmes jeans, les mêmes smartphones. Nous suivons l'injonction permanente d'être heureux selon les normes diététiques, bancaires, sexuelles, professionnelles ...) et sans souffrance, sans souci comme sans ride ni surpoids. La mort a disparu, il ne faut pas en parler sinon dans les protocoles de fin de vie, technicisée, déshumanisée.

Et la peur qui rend esclave et soumis, qui ouvre la voie au totalitarisme, de tout temps. Comme le soleil éclaire le jour, et la lune la nuit.

Les tragédies du 7 janvier et du 13 novembre 2015 nous déroutent parce que nous n'avons plus l'impression de maîtriser. Pas d'assurances vie contre la barbarie humaine qui existe au quotidien depuis les origines de l'humanité et à laquelle nous participons objectivement dans le monde au jour le jour.

La vie de tout temps, ce sont des bonheurs et des malheurs. C'est la vie et la mort. Impossible de supprimer en appuyant sur la touche delete. Pas de tri définitif possible. Il faut donc dire oui aux deux : à l'amour, l'amitié, la beauté, l'extase mais aussi nécessairement à la haine, la souffrance, la trahison, l'horreur ...

Le dernier homme de Nietzche dans "Ainsi parlait Zarathoustra" veut se garantir contre toute souffrance et vivra au rabais petitement de jouissances bas de gamme, du riquiqui.

Alors contre cette petite vie du dernier homme, n'ayons pas peur et concentrons-nous sur ce qui reste. Le refus obstiné de capituler, les petites lâchetés où l'on peut se planquer, les accommodements.

Il faut dénoncer l'anesthésie du bien-être, et raviver le sens du risque, des conflits, des affrontements. Le débat où l'on se respecte et s'écoute.

La laïcité, ce logiciel inestimable du vivre ensemble, vaut combat de tous les instants, qui quotidien.

Hors de question de reculer d'un iota devant le religieux, qui est affaire personnelle, intime. Privée. Et relève de la liberté de conscience, principe républicain au même titre que le respect des autres et de soi-même et la tolérance mutuelle, non pas petite vertu mais grand levier car on n'est tolérant qu'avec celles et ceux qui consentent les mêmes efforts.

Là est la question, toute la question pour survivre. il faut militer.

La vie est une étincelle entre deux néants a  écrit Nietzche l'homme du jour. Dans cette hypothèse, raison de plus pour la faire jaillir.

 

Pierre-Jules GAYE