Entrer dans une prison n'est jamais drôle. Même si on sait qu'on va en ressortir.

On imagine le pire à l'avance et c'est parfois pire que ce qu'on avait imaginé.

La visite de trois joueurs de l'AJA, de l'entraîneur, de l'intendant et d'un préparateur physique à la Maison d'arrêt d'Auxerre, a marqué les hommes. Tous. Parce qu'il faut essayer de comprendre l'univers carcéral et cette architecture si particulière relativement universelle. La structure ressemble à ce qu'on peut voir dans les films. Avec les odeurs, avec le bruitage si particulier, et les voix radios grésillantes au milieu des portes qui claquent. En plus.

À Auxerre elles claquent d'autant plus que la prison est en bois. Elle date de 1857 et est classée. Jamais elle n'a brûlé. Ce qui semble bien relever du miracle.

Pourtant, les contacts avec les responsables de l'établissement, premier surveillant, chef de détention et chef d'établissement dont le fils a été enrôlé à Marseille car on ne le trouvait pas assez bon à l'AJA, sont chaleureux et passionnants. Ils racontent la maison, ils racontent leur vie et celle des détenus - ils étaient 180, mardi 19 janvier au matin pour 88 places.

Ce qui apparaît de manière fulgurante, c'est l'amour de leur métier et même une forme de passion. Bref, pas ce qu'on pouvait imaginer.

Mais le plus extraordinaire sur le plan humain, ce fut la rencontre avec 20 détenus dans une petite salle bouclée - comme toutes les autres. Ici, les pièces sont des sas indépendants et isolés les uns des autres. Tout est verrouillé.

Le temps de constater que les détenus sont en grande majorité des jeunes - le plus jeune a tout juste 18 ans le plus âgé 77, l'âge moyen est de 25-28 ans -, et qu'il n'a pas fallu 10  secondes pour briser la glace dans le face à face avec les joueurs et le staff, assis devant eux.

Quel régal. Quelle pêche. Quellle envie de vivre. Quelle lucidité. Quelle intelligence de situation. Quelle fraternité entre eux.

Et derrière les visages rigolards montant en puissance, on pouvait de manière indicible lire une souffrance contenue, retenue, masquée et rengorgée. Ces gars là, dans cette situation là, vont à l'essentiel, pas besoin de leur apprendre.

Quelle dignité. Quelles forces de vie ! Faut les mettre sur un terrain ces gars là, engazonné, pas bétonné, ils s'exprimeront. D'ailleurs le grand cri, comme un bon tuyau adressé à l'establishment auxerrois, fut : "Venez donc dans les quartiers voir les gars qui jouent, ils sont meilleurs qu'à l'AJA..."  L'humour est la politesse des désespérés... non du désespoir. Moins on sait, plus on cite.

La prison a pour vocation et raison d'être la réinsertion.

Le problème c'est que quand on arrivait à gagner 2 000 ou 3 000 euros en deux ou trois jours, c'est difficile de s'investir dans un emploi hypothétique au Smic à 1 300 euros net par mois avec son cortège de contraintes et d'obligations que ces jeunes là, n'ont jamais pu explorer au travers de leur éducation. Question subversive : les joueurs pros de l'AJA qui travaillent allez, en comptant large,  4 heures par jour avec l'entraînement dit invisible (siestes nécessaires l'aprem) arrivent-ils toujours à l'heure prévue à l'entraînement ...? La question contient la réponse.

Ainsi apprend-on, de source et chiffres officiels, que la population carcérale des détenus de la Maison d'arrêt d'Auxerre ne provient pas (ou très peu) d'Auxerre.

Sens, Tonnerre, Migennes et les Hauts d'Auxerre constituent la brigade des détenus des stups. (stupéfiants = drogues). Rares (relativement )sont les cas de violences.

La Puisaye se caractérise (à hauteur de 10%)  par les problèmes liés aux moeurs : viols, attouchement d'enfants, personnes âgées.

Pour le reste, les crimes représentent peu. Ils sont 6 de passage, là à l'instant. En attente de jugement, en mandat de dépôt. Et on ne peut s'empêcher de penser à Treiber, le meurtrier de la fille du comédien Giroud, qui a réussi à s'enfuir dans un carton dans l'atelier ad hoc. "On est dans autre chose.. chapeau, dira un surveillant ... d'autant qu'il n'y a pas eu de violence, sauf celle contraire à la loi". Quelle échappée belle .. qui s'est terminée par le suicide du présumé coupable.

Oui la prison d'Auxerre offre des services aux détenus dont la majorité sont des condamnés à un an de prison pour leurs "conneries". Promenades, activités sportives (foot sur béton terrain triangle rectangulaire carré, salle de musculation, boxe, soins psy, médecin, etc) et autres, ateliers de fabrication ...

Ajourd'hui, zéro commande d'entreprise. La crise est là. Dur. Dur. Comme ailleurs.

La réinsertion, raison d'être de la prison, n'est pas en marche. Pourtant, ces "gamins" sont formidables. Je vous le dis.

Tout le monde a droit à une deuxième chance, à une troisième chance... et pourquoi pas une quatrième ?

Cela dit, pourquoi l'AJA n'a-t-elle pas envoyé Seck, Ba et Diaw en prison ...? Mystère.

Konaté blessé en principe ne jouera pas contre Tours, vendredi. Mais Puyg (Sébastien Puygrenie)r et Zac, (Zacharie Boucher) qui ont posé beaucoup de questions, oui.

 

Pierre-Jules GAYE