La Saint-Vincent tournante de Bourgogne est née pendant la crise, en 1938. Une idée et un élan de solidarité, d'entraîde en se tenant par la main et en prenant en mains son destin.

Les multiples confréries sont nées de cet élan de sociétés d'entraide, chacune avec ses couleurs de terroir et sa spécificité.

Les trente glorieuses et le commerce gagnant, les Saint-Vincent tournantes se sont développées pour devenir des manifestations consuméristes hors normes. Le paroxysme fut atteint en 1999 à Chablis qui reçut pour la deuxième fois, l'honneur d'organiser ce que d'aucuns appellent la grande Saint-Vincent, pour la distinguer des Saint-Vincent tournantes de terroirs, à l'image de celle du grand auxerrois qui a lieu chaque année évidemment, une prescription imposée par le respect du calendrier.

Paroxysme ? Parce que ce fut le plus gros budget, le plus demesuré de l'histoire : 6 milllions d'euros plus la rallonge des collectivités après-coup pour couvrir le déficit. Seulement 150 000 visiteurs s'étaient présentés au lieu des 200 000 attendus, en fonction de précédentes affluences.

Ce week-end de fin janvier 2016, c'est Irancy le terroir rouge césar qui reçoit la Saint-Vincent de Bourgogne, la "grande". Budget 600 000 euros, soit dIx fois moins qu'en 1999.

Ce retour aux sources est non seulement dans l'esprit du temps, un temps de crise qui semble ne plus vouloir finir et auquel il faut désormais s'adapter en se serrant la ceinture et en modifiant sa manière de vivre et de consommer.

Plus essentiel, cette 72ème Saint-Vincent, comme d'autres avant, scelle une forme de retour à l'entraide et au partage dans l'effort collectif pour offrir le meilleur aux quelques 40 000 visiteurs attendus sur deux jours dans le cirque d'irancy, au coeur des collines couvertes de vignes avec des noms de pays qui incarnent l'esprit des lieux, d'une nature magnifique d'équilibre en nos terroirs d'Yonne, où la floraison des vignes surgit au solstice d'été.

Si Irancy puise dans une longue et riche histoire, avec son plant césar connu et utilisé au 2ème siècle, comme en atteste un bas relief à Escolives-Sainte-Camille, avec ses barriques de vin qui dégringolaient la colline jusqu'à Vincelottes pour être convoyées par bateaux vers Paris à la cour, avec son architecte non pas de l'univers mais Jacques-Germain Soufflot, natif d'irancy qui édifia le Panthéon à Paris, avec tous ces vignerons des années trente célébrés au travers de leurs 65 bobines en médaillons sur les frontons des petites maisons de vignerons, qui ont contribué à la renaissance et au développement du vignoble ; Irancy montre l'exemple et une voie, celle de l'entraide et du partage entre gens de bonne volonté, pour accomplir une oeuvre commune, gratuite, et gratuitement, tricotant une forme de fraternité que l'on croyait perdue.

Ce retour aux sources de l'entraide initiale commandée par la crise et l'épreuve d'avant la II ème guerre mondiale, apporte par surcroît, un cadeau inattendu. Des sourires complices, des coups de gueule bienfaisants et une générosité, qui pendant deux ans, ne s'est jamais démentie.

C'est Jean Podor qui doit se marrer dans sa barbe fleurie, là où il est, lui qui inspirait et respirait une forme de bonheur car il a toujours cru en un homme meilleur et une société meilleure.

65 cuvées de 36 vignerons producteurs à déguster  pendant deux jours et non la traditionnelle cuvée unique. Ça c'est le sens de l'accueil. C'est Irancy.

 

Pierre-Jules GAYE