Jean-Luc Vannuchi, vendredi soir, en conférence de presse après le match à Créteil (défaite 1 à 0) DR

 

« On a envie de continuer de prendre des points sur les 5 dernières journées. On y va pour continuer à performer », expliquait Jean-Luc Vannuchi, vendredi, sur le site du club.

« On n’acceptera aucun relâchement de la part de qui que ce soit, celui qui se relâchera, sortira de l’équipe. On se doit d’être pro jusqu’au bout et de prendre un maximum de points. On reste dans cette idée là, on n’est pas en roue libre », insistait l’entraîneur ajaïste qui se montre ambitieux, répétant le message prononcé avant le match contre Metz.

« C’est toujours bien de bien terminer la saison. Il y a 15 points en jeu, si on peut prendre les 15, il faut prendre les 15 ».

Des formules qui relèvent davantage de la méthode Coué ou des poncifs habituels plutôt que d'authentiques compétiteurs.

Rien que le fait de déclarer qu'il ne faut rien lâcher jusqu'à la fin de la saison et de menacer les joueurs de sortir de l'équipe, ne constitue-t-il pas l'aveu d'une forme d'impuissance ? Car enfin, est-il nécessaire de dicter leur conduite à des joueurs professionnels en termes d'implication dans l'exercice de leur métier ? Ou seraient-ils comme certains enfants des quartiers, non impliqués non concernés en classe, à côté de leurs pompes et qui se prennent pour des cadors ?

Les ingrédients, pour emprunter un élément de langage très usité dans le foot, ne sont-ils pas ailleurs, dans le vase clos des vestiaires, où se nouent et se dénouent tant de choses au fil du temps ? N'est-ce pas là, dans ce sanctuaire, espace sacré, et sur le rectangle vert du terrain d'entraînement à côté, que se concocte et se mijote le plat principal de la semaine, à petit feu, LE match ?

Comme le dit Jean-Luc Vannuchi, c'était la 34ème journée et il ne comprend toujours pas, il n'a pas d'explication, à l'inconstance de son équipe. Capable du meilleur contre les gros bras et du pire contre les mal classés.  « On ne peut pas dire que c'est un manque d'envie car on gagne 4-0 contre Metz qui joue la montée ... ». 

«Je ne sais pas ce qui se passe dans leurs têtes ... mais c'est insuffisant, vraiment insuffisant (...). Demandez aux joueurs, ça leur fera du bien...» Chiche.

Pas le niveau depuis

le début de la saison

 

Réponses en substance.

Nous n'avons pas le niveau, c'est clair, depuis le début de la saison.

Il y a beaucoup de jeunes qui ont tourné. Ils ont besoin de s'aguerrir et de devenir réguliers dans la performance. Or cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique ni d'un claquement de doigt. La post formation est un long apprentisage.

Il nous a manqué du réalisme devant le but et peut-être un vrai buteur, comme Guirrassy à partir de fin janvier, prêté par Lille.

Notre meneur de jeu d'expérience (Gragnic) a été éloigné des terrains pendant un an et nous avons tâtonné longtemps pour trouver la formule complémentaire au milieu dans un schéma tactique approprié aux qualités des uns et des autres. La complémentarité entre joueurs c'est important, encore faut-il qu'elle s'inscrive dans un plan de jeu bien appliqué.

Si on prend la peine d'essayer de bien comprendre ces propos, un décryptage possible est de dire que l'équipe est capable de réussir de grands matchs, mais sporadiquement, dans la mesure où elle est capable de se sur-mobiliser en certaines circonstances, notamment là où il n'y a pas de vraie pression, contre les grosses cylindrées. Mais l'énergie et la générosité déployées se payent cash par la suite, en termes d'influx nerveux, de récupération et de fraîcheur.

La suite du décryptage paraît, dans cette hypothèse devoir couler de source. Il n'y a personne pour mettre le pied sur le ballon, organiser le jeu de transition au milieu, et planter des banderilles en profondeur qui font souffrir les défenses adverses et souffler la sienne, des ballons longs menaçants qui peuvent abattre une défense en deux mouvements. Il n'y a personne pour temporiser, lorsque la lucidité l'impose dans les temps faibles et dans les temps forts qui ne s'expriment pas forcément par des vagues déferlantes. Construire le jeu, jouer des attaques placées exigent de la technique individuelle et collective. Or à l'AJA il y a beaucoup de déchet et d'imprécision.

Ce n'est pas une trouvaille, après la 34ème journée de constater que l'équipe auxerroise manque de maturité. Elle manque aussi de variété dans le jeu pour la bonne et simple raison qu'elle n'a pas les outils pour.

Si Vannuchi a autant expérimenté les schémas tactiques et les divers joueurs à différents postes, ce n'est pas par plaisir mais par nécessité. On ne saurait le lui reprocher car il lui a fallu s'adapter en permamence avec une pression forte du président Cotret qui a annoncé la première place et l'impératif de montée, dès le début de la saison. Un président exerçant aussi une grosse pression sur les joueurs en allant parfois, leur parler de "faute professionnelle" dans l'intimité des vestiaires qui sont par excellence un havre de régénérescence et de résilience plutôt qu'un tribunal voire un confessionnal culpabilisant. L'exclusion du terrain puis des terrains du coach Jean-Luc Vannuchi, pendant une longue période, surjouée, mais qui reposait sur un vrai fond, peut s'expliquer aussi dans ce contexte.

 

Pouvoir travailler dans la durée

avec les mêmes joueurs

 

Oui c'est rageant et sans doute agaçant pour l'entraîneur, ce mode alternatif de l'AJA, cette saison. Un entraîneur qui n'y arrive pas.

Faute de lucidité et de compréhension profonde, d'intelligence et de solidarité en somme, cela peut s'avérer plus grave si la communication ne passe plus entre les uns et les autres, revenant à signifier qu'il n'y a plus rien à faire ensemble.

Dans un contexte économique du club malthusien, difficile, pour tout le monde d'ailleurs, seuls les groupes d'hommes intelligents et complices qui se constituent et se forgent, avec distance, loin à l'abri des miasmes de la vie et des medias dévoreurs de l'instant, peuvent survivre et initier une aventure collective, avec lucidité, patience, bienveillance et opiniâtreté. À long terme le travail paye toujours. Encore faut-il pouvoir travailler avec les mêmes. Force est de constater que Jean-Luc Vannuchi n'a pas encore eu cette opportunité, contraint de reconstruire et bricoler sans cesse.

Hélas, les joueurs dans ce monde professionnel ne sont pas toujours bien entourés, c'est-à-dire qu'ils sont souvent bien seuls. Le petit Ruben Aguilar, un chouette gars, en a fait l'expérience douloureuse lorsqu'il s'est retrouvé, seul, à l'hôpital, l'épaule luxée, qui faisait très mal, sortie de sa coiffe, l'humérus pointant vers le pectoral, un soir de match. Un club c'est aussi une forme de famille, de fraternité. Un peu plus tôt et plus loin route de Vaux, Robin Snape le troisième ligne écossais du RCA qui joue la montée en Fédérale 2, lui aussi victime d'une luxation de l'épaule gauche, était entouré par ses potes.


Le dernier derby comme

on dirait le dernier tango ...?

 

Alors, Jean-Luc Vannuchi va-t-il changer son équipe coupable de relâchement à Créteil ? Et aligner forcément l'AJA (B), traduisant en acte ce qu'il avait annoncé ?

Bien sûr que non car ce serait stupide, d'autant que le message était vicié au départ. Et puis l'équipe B sur le podium en CFA dans la foulée de la montée, qui réalise un parcours en tout point remarquable sous la baguette de Jean-Marc Nobilo et de Johann Radet, veut jouer ses derniers matchs et signer la dernière saison du directeur du centre de formation de l'AJA qui a décidé de résilier son contrat une année avant avant le terme échu, n'acceptant pas les coupes claires au centre (diminution du nombre de joueurs et des membres de l'encadrement).

Ensuite parce que le derby est très motivant et gageons que Vannuchi n'aura besoin ni de menacer ses joueurs ni de les emballer. Une victoire des bleus sur le leader Bourguignon qui dame le pion à Auxerre pour la première fois, dans la hiérarchie régionale, parapherait une saison, qui au regard des conditions de départ, est une saison finalement réussie, mais abîmée par les exigences irréalistes qui, inévitablement, ont provoqué des désillusions et des frustrations chez les supporters. Dans un monde empli d'incertitudes et de drames humains, les femmes et les hommes ont besoin de rêver un peu, chacun à son niveau et tous sont respectables. Il faut toujours viser la lune, car même en cas d'échec,  on atterrit dans les étoiles (Oscar Wilde).

Faute de remettre les choses à l'endroit et de tenir un discours qui a du sens, tout le monde s'est fourvoyé.

Alors Jean-Luc Vannuchi va faire deux choses, suggérées dans son interview d'après-match, à chaud : bien analyser le match de Créteil et observer de près le travail des uns et des autres à l'entraînement, cette semaine, jusqu'au derby face à Dijon, au stade Abbé-Deschamps, samedi à 14 heures, retransmis sur Bein Sports en direct.

Des Dijonnais qui auront trois jours de récupération en moins puisqu'ils jouent, lundi soir, contre le Paris FC.

Le dernier derby, avant longtemps ?


Pierre-Jules GAYE

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 Depuis qu'il a signé à Auxerre, Jean-Luc Vannuchi se fait des cheveux blancs (DR)