C'était Nuit Debout dans les vignes la semaine écoulée, comme un bon vin en devenir.

C'est matinée assise dans un car, dimanche, pour les rugbymen du RC Auxerrois, qui filent en Normandie pour disputer le match aller des 32èmes de finale du championnat de France de Fédérale 3.

Les play off comme on dit dans le jargon - encore que ce sont les British qui ont inventé le rugby et devinez où, à Rugby justement - constituent l'objectif de la saison. Pouvoir être qualifiés pour les disputer est le rêve et la cerise sur le gâteau pour tous les clubs et tous les joueurs amateurs dont les épouses et compagnes ont consenti à délivrer le billet de sortie.

Nous y sommes donc. L'épreuve de vérité pour accéder à l'étage supérieur, dans le cas qui nous inspire, la Fédérale 2, se présente en ce 1er mai, la fête du travail la consécration des huit heures travaillées, mais aussi la fête du muguet, cette plante venue du Japon. Le muguet a un brin de retard, cette année, et bienheureuses, celles qui s'en verront offrir.

Avant même l'avènement du monde ouvrier ou la célébration du muguet, le 1er mai était une date de rituels. Pour les Celtes, cette date marquait la fête de Beltaine : elle marquait le passage de la saison sombre à la saison claire, la reprise de la chasse, de la guerre. Cette "renaissance" est liée à Belenos (incarnation en lumière du dieu Lug).

Voilà qui tombe bien. Car les play off, c'est autre chose que le picotin ordinaire avalé tout au long et au travers des saisons dans la saison du calendrier rugbystique calamiteux en 2015-2016, un vrai gruyère où les périodes de trêve furent plus nombreuses que les périodes de matches. Et ce n'est pas que la faute à la Coupe du monde, calamiteuse aussi, pour les Bleus de France.

Voilà qui tombe bien car les play off constituent une renaissance au jeu et aux ambitions, un coup de fraîcheur dans le paysage qui verdit et jaunit de mille couleurs de colza, avant les saints de glace dernières sentinelles d'arrière-garde de l'hiver avant l'été.

Le voyage en car depuis l'aube de 5 heures, après le point du jour, participe à cet état d'esprit du moment, comme une conquête de l'espace à travers la France. Conquérir la Normandie en venant de l'intérieur des terres, pardi, ne voilà-t-il pas un programme, loufoque certes, mais tout à fait dans l'état d'esprit d'un authentique rugbyman, fut-il en mal d'appétence ?

6 heures en car par grand soleil, avant de s'ébrouer et déferler sur le pré normand. La vie est un dimanche après-midi qui remonte à l'enfance. Toute une semaine rien que pour ça.

Un état d'esprit. A state of mind. Stato d'animo.

À Caen, les rillettes et les tripes et le coup de calva, ce sera pour après le match. Cheers boys. Amusez-vous. Enjoy.

 

Pierre-Jules GAYE