La vie pourrait-elle se résumer à un dimanche après-midi de sport ?

Le dimanche qu'on attend et qui tarde à venir tant le temps semble ralentir au fur et à mesure.

On devrait l'aimer comme une femme. Être ravi de bonheur quand on retourne à elle.

Quel vrai lieu que ce parc Heller à Antony peuplé d'arbres centenaires et au milieu comme coulerait une rivière, un pré de rugby avec ses perches fières qui se dressent vers le ciel.

Unité de lieu de temps et d'espace pour un drame d'après-midi dominical. Autre messe après la messe.

Un public de connaisseurs et de passionnés qui savent comment chambrer en langage rugby.  "Elle est pas droite ... hé l'arbitre..... voyoux ... hou hou hou" et on en passe des vertes et des pas mûres.

Avant le coup d'envoi, la sérénité était de mise. Ambiance familliale. Les supporters étaient agglutinés le long de la lice tout autour de ce terrain champêtre et surrané, sans tribune, précédés de statues d'où jaillissait l'eau en fontaines, bordant et prolongeant une demeure château Saran, en briques à l'entrée. Ancienne propriété du marquis de Castries, maréchal de France et ministre de la Marine sous Louis XVI.

Sur le côté en retrait deux pyramides mille club qui puent le vécu (merci Jean-Pierre Soisson) spacieuses, dont l'une salle de vie avec un bar rarement vu aussi long et accueillant, le plafond dans la charpente ce qui laisse monter les volutes et les paroles envolées car oui les rugbymen fument le dimanche, leur manière bien à eux de parfois fulminer après les matches.

Mais faudrait-il donc apprécier un sens exagéré de la mesure chez l'être humain ? Et rejeter les nuits embrasées et blafardes ?

Tout à coup, tout changea. L'atmosphère s'électrisa. D'abord un tohu-bohu, quelques cris stridents et coups de trompettes allongés. S'élevèrent alors des chants à la gloire du jeu et des hommes, des vrais. Les rouges sortirent des vestiaires en grappes puis vinrent s'aligner pour laisser passer les blancs, les Auxerrois, les visiteurs, qui faisaient pâle figure dans leur nouvel habit blanc et rouge, écusson vert, portant beau.

Et puis vint l'heure fatidique, qui coupe le souffle.  Le lâcher des 30 garnements sur le champ de patates. Et c'est là qu'on sut tout de suite que les plus féroces étaient les rouges emportés par leur envie et leurs talents multipliés comme les bons pains. Les blancs à la rue, trois essais encaissés, KO, mais, toujours debouts. Qui ont remis la charrue dans le bon sens, péniblement.

Il n'existe guère que deux arts de vivre : l'un consiste à se mettre à la place des autres, l'autre à la leur prendre. Il va de soi que notre prédilection va au premier.

Vivement dimanche prochain ! 

« Adieu donc. Fi du plaisir Que la crainte peut corrompre ! » (La Fontaine) 

Cette fois, c'est le rat des champs qui convie le rat des villes à un festin à Bouillot. Avec des reliefs d'ortolans.

 

Pierre-Jules GAYE