C'est une mauvaise nouvelle. Vraiment. Encore une direz-vous. La fermeture, ce samedi soir, un samedi parmi les samedis de la vie qui passe et du temps qui coule le long de l'Yonne, impassible, inexorablement.

Sauf que la Salamandre ouverte, en 1985, rue de Paris par Serge Colas, représente un fleuron de la cuisine.

Restaurant de poissons et de fruits de mer au cadre clair et aux murs ornés de grands tableaux colorés, la Salamandre était un refuge, un havre de paix, une parenthèse dans la frénésie d'un quotidien qui nous dévore.

Ils sont six ou sept à travailler en cuisine, en salle, fidèles, toujours les mêmes depuis plus de vingt ans pour d'aucuns.

Serge Colas est un grand chef. Un métier devenu s'il ne l'a toujours été, très dur et ingrat.

Vrai spécialiste du poisson, cet homme, affable, un vrai gentil, généreux et réservé, cuisine à merveille.

Il était le roi de l'océan dans la cité de Paul-Bert.

Formé jadis chez Bocuse et Meneau, sa présence au cœur du vieil Auxerre rue de Paris, discrète, a rayonné dans le département et au-delà.

Sa vitrine claire avec ses tables blanches nappées et ses amusants fauteuils en plastique coloré étaient prisés. On y a toujours passé de bons moments, en famille mais aussi des moments privilégiés d'amitié pendant lesquels on se laissait aller.

Ici, le produit frais et de qualité a, seul, son mot à dire à travers le fondant de saumon tiède à la fleur de sel, le petit cabillaud au ragoût de cocos de Paimpol, le poivron doux farci à la brandade, comme le steak de thon rouge grillé avec sa fine ratatouille au caviar d’aubergine ne manquent ni d’esprit, ni de caractère.

Et que dire de ses soles épaisses croquantes meilleures qu'à Ostende ? On n'en trouvait nulle part ailleurs. Arrosées d'un de ces chablis dont il avait aussi le secret, elles titillaient le meilleur de l'esprit.

Rassasié, on savait revenir pour céder à la tentation du plateau de fruits mer géant dit « royal » et la « fausse » tarte fine à l’ananas avec figues et framboises qui se mange toute seule.

On sait Serge triste, peiné. Nous aussi et beaucoup d'autres.

Ainsi va la vie. La salamandre qui possède la capacité de régénérer certaines parties de son corps après amputation, ne vivra plus au coeur de la cité.

Lundi, mardi et les jours suivants de la semaine prochaine, il y aura comme un grand vide à Auxerre.

Auxerre ville qu'il aime et trouve magnifique pour son architecture cachée. Il lui reste la cité, Brel et le piano. Ainsi que ses amis.

 

P-J. G.

 

Serge Colas, la Salamandre (DR)