Le plus surprenant dans l'offre de rachat officiellement annoncée d'une société d'emballage chinoise des parts de l'actionnaire majoritaire de la SAOS AJA, n'est pas tant l'offre non plus que les modalités qu'ont bien voulu décrire Corinne Limido et Guy Cotret, mais le fait de publier tout ça au grand jour, alors que rien n'est acté.

La question qu'il faut se poser, c'est pourquoi ?

Il n'y a pas un seul patron qui vous dira que lorsqu'il est en affaire, il en parle à tout le monde.

La confidentialité n'est pas qu'une formule, c'est un élément clé pour bien négocier et mener au bout l'affaire, le cas échéant. Ce n'est qu'après, qu'un communiqué est publié, de manière brève et précise.

La confidentialité peut d'ailleurs être un outil légal protecteur des droits de l’entreprise ou un outil contractuel également garant du secret des affaires comme des procédures.
 
Donc pourquoi ?
 
S'agit-il d'un effet d'annonce?  Manifestement oui. Après la réunion du conseil d'administration de la Saos qui a donné le feu vert à la vente (à l'unanimité moins les voix des deux représentants de l'association AJA Guy Roux et Christophe Rémy) Corinne Limido a déclaré devant une presse choisie, que l'offre était recevable, qu'elle voulait revendre ses actions, que l'acheteur était sérieux et solide et que c'était l'intérêt de l'AJA, sans quoi elle n'aurait pas accepté l'offre et la proposition (6 millions d'euros plus 2 millions par an sur trois ans).
 
S'agit-il d'un écran de fumée qui masquerait d'autres choses ? Qui peut savoir pour l'heure.

La due diligence ou diligence raisonnable, est l'ensemble des vérifications qu'un éventuel acquéreur ou investisseur réalise avant une transaction, afin de se faire une idée précise de la situation d'une entreprise. Cela a été fait dans les règles et pas à la va-vite.
 
S'agit-il de rendre publique l'équation originale de l'AJA dont l'actionnaire minoritaire est quasiment propriétaire de tout le foncier le bâti, la licence fédérale jusqu'à la marque ? Un actionnaire qui bloquerait l'opération ? Et la ferait donc capoter ?
 
S'agirait-il de le montrer du doigt afin que chacun puisse le juger lorsqu'il prendra ses responsabilités ?
 
L'offre de rachat, la proposition des Chinois à Madame Limido, prévoit, a affirmé Guy Cotret, une clause suspensive dans l'hypothèse où l'actionnaire minoritaire refuserait de se soumettre à une augmentation de capital lors de l'apport des 6 millions (3X2) sur trois ans, ce qui ferait du même coup sauter la minorité de blocage dont elle dispose légalement.
 
La deuxième affirmation du président de l'AJA est plus pénétrante. Guy Cotret soutient que le club connaît sa dernière saison où il pourra faire face à ses charges. La saison suivante, il reviendra à la situation d’avril 2013. Et d'affirmer : « Je ne comprendrais pas que l’association s’oppose à un projet qui permettrait d’assurer la pérennité du club. À chacun de prendre ses responsabilités. »
 
 
" Je ne serai jamais le liquidateur de l'AJA "
 
 
Nous y voilà. La pérennité du club ou sa mort programmée.
 
Comment les parties en sont-elles arrivées là ? Pourquoi les négociations n'ont-elles pas pris toutes les dimensions en compte et toutes les parties ? Deux ont négocié, la troisième est restée sur la touche ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de contacts. mais qui a vu les détails du deal ?
 
Michel Parmentier, président de l'association AJA, n'a pas tardé à réagir après l'annonce officielle de la proposition chinoise acceptée par Corinne Limido, balayant l'affirmation de Cotret sur le risque financier de la saison en cours en cas de non rachat par les Chinois. L'Auxerrois qui débuta au service développement de la Banque populaire de Bourgogne voilà plusieurs décennies, est aujourd'hui, à la tête d'une trentaine de Mac Do en France.
Il considère que cette affaire concerne exclusivement la propriétaire des 60 % d'actions de la Saos AJA et la société chinoise qui souhaite se porter acquéreur.
Quant à l'augmentation de capital qui reviendrait à diluer et réduire l'actionnaire minoritaire, elle ne s'impose aucunement. Rien n'empêche les Chinois d'apporter au compte courant en trésorerie.
 
Enfin, at last but not least, Michel Parmentier martèle qu'il ne sera jamais le liquidateur de l'association AJA bras armé de l'Abbé-Deschamps et de ses successeurs qui ont construit avec opiniâtreté et rigueur l'édifice qui existe aujourd'hui, pendant 110 ans.
 
Le simple fait que toutes ces questions n'ont pas été réglées par la négociation entre les parties sous le sceau du secret des affaires, en dit long, sur l'actionnaire principal, sur l'association, sur le président Cotret et sur les Chinois, qui, soit dit en passant, n'y connaissent rien au football, des Chinois qui veulent développer le tourisme en Bourgogne.
 
On a le sentiment d'assister à une espèce de mauvais jeu de poker. Pas bien sérieux, qui laissera des traces quoi qu'il arrive.
 
 
Pierre-Jules GAYE