Top départ. La longue phase de concertation de la population en vue de l'aménagement de la place des Cordeliers, enjeu crucial en ce qu'il symbolise l'avenir du commerce et de la vie à Auxerre au coeur de la cité, est lancée.

Réuni dans le temple de la République salle des délibérations de l'Hôtel de ville, le conseil municipal s'est prononcé en silence.

Le grand prêtre Guy Férez a énoncé dans un long monologue les modalités du processus et défini le calendrier qui courera jusqu'au deuxième semestre de l'an 2019, soit à une encâblure des élections municipales de mars 2020.

Les édiles ont écouté dans un silence religieux les paroles du maire, encensées par l'enfant de choeur qui sert à droite, Guillaume Larrivé, chef de file de l'opposition. Le seul à prendre la parole, un murmure de douceur scellant une forme d'union sacrée.

Les autres ? Pourquoi auraient-ils pris la parole dès lors que la concertation désirée par le maire concerne avant tout les habitants et élus des quartiers entourés d'experts qui ne manquent pas . Guy Férez exlique qu'il ne veut pas que le débat soit pollué et que les habitants puissent s'exprimer en toute liberté. En somme, leur tour viendra, mais après, plus tard, dans le timing du calendrier. Les élus de la cité ne perdent rien pour attendre et sans doute, le moment venu, sauront-ils faire entendre leur voix et rappeler qu'ils sont aussi les élus du suffrage universel, fût-ce sur un scrutin de liste derrière un prélat ou un vénérable.

Hormis les paroles révérencieuses et bienfaisantes prononcées par Guillaume Larrivé de manière presque rituélique, impossible de déceler la moindre parcelle d'enthousiasme, l'autre soir au conseil municipal à l'heure du top départ qui fut tout sauf une fête réjouissante. Même Guy Férez se prit plusieurs fois la tête entre les mains, trahissant sinon une crainte du moins un embarras certain. Était-ce le souvenir de la cuisante épreuve de l'aménagement d'une autre place, celle de l'Arquebuse, un projet que dut retirer le maire ? Proposé sans concertation, clé en main par un privé bétonneur et fruit d'une opportunité du moment que l'on peut comprendre.

 

L'alliance

 

L'espèce d'union sacrée entre la carpe et le lapin scellée au moins pour deux ans et demi, donne clairement à penser que l'affaire est dealée et réglée, calquée sur le processus de prise de décision qui présida à l'aménagement des quais. Et que d'aménagement effectivement il sera question sans creuser ce fameux parking souterrain serpent de mer depuis la destruction du marché couvert, qui permettrait de stocker en nombre les voitures pour irriguer le coeur de la cité de consommateurs et touristes avides de découvrir les charmes d'un patrimoine architectural notamment, d'exception.

Les excuses et alibis ne manquent pas pour renoncer à creuser : coût pharamineux, problème d'exploitation, profanation du cimetière des Cordeliers sous la place où reposent des sépultures de vieilles familles auxerroises, travaux d'au moins trois ans qui tueront définitivement le commerce en centre ville, difficulté de voies d'accès et de sortie ... et on en passe.

Ainsi se réaliserait dans la durée l'accord tacite (?) entre l'archevêque d'Auxerre et le maire Jean-Pierre Soisson la démolition du marché couvert, édifice insigne temple de la République où fut prononcé le fameux discours d'Émile Combes, le 4 septembre 1904, préfiguration de la loi de séparation des églises et de l'État le 9 décembre 1905 ; contre les voix des fidèles pour sa réélection en mairie. Il faut savoir que Soisson ne faisait pas partie de la droite auxerroise, une droite dure qu'incarna ensuite Serge Franchis. Succéder à Jean Moreau n'était pas une mince affaire et ne coulait pas de source.


Un parking peut en cacher un autre

 

En implantant un parking à découvert sur l'espace des Cordeliers en 1973, au moment où Robert Poujade à Dijon creusait dans le ventre de la cité des Ducs, Jean-Pierre Soisson n'imaginait sans doute pas qu'il creusait, à terme, le lit de mort du commerce en centre ville, en offrant d'emblée aux commerçants du coeur de la cité, des places de parkings qui faisaient déjà défaut à l'époque.

Le problème demeure entier, aujourd'hui, aucun des trois maires récents n'ayant pris la responsabilité de creuser au centre de la cité. Et on parie un billet que tout sera organisé pour ne pas creuser. Quitte à imaginer de petits parkings à la périphérie, aériens chiche. Pour le reste, on est persuadé à défaut d'être encore convaincu, que les projets seront beaux sur le plan esthétique, environnemental et événementiel en puissance et pas qu'avec un kiosque à musique.

Reste à savoir si cela sera suffisant pour structurer un vrai avenir en centre ville, de vraies activités économiques et commerciales, de vrais emplois, qui font tant défaut et de plus en plus, dans l'Auxerrois.

Reste à savoir si creuser un trou pour loger les voitures à la verticale, ne deviendra pas une option politique en 2020. L'option survie du coeur de ville.

Ce serait rendre hommage à feu Jean-Louis Hussonnois qui ne put appliquer son programme, battu par les divisions de la droite et du centre auxerrois, aux élections municipales de 2001. Élu, il aurait creusé. Lui. Et Auxerre, aujourd'hui, n'aurait pas le même visage.

 

Pierre-Jules GAYE