Colette (DR)

 

 

Nacéra Kainou, Jurassienne d'origine, peintre de l'armée, a ouvert un atelier d'été dans son jardin à Gurgy,  complémentaire de celui de Paris, rue de Crimée (19ème). Elle pétrit à bras le corps la terre de grès qu'elle va chercher à Sant-Amand-en-Puisaye. La jeune femme expose à travers le monde

 

Au-delà des discours de circonstance truffé d'anecdotes, il y a les textes. En voici deux qui témoignent

 

Rappeler au monde sa juste humanité

 

J’ai rencontré Nacera Kaïnou dans des circonstances particulières.

Un groupe d’artistes français étaient en résidence dans un pays lointain et par le plus grand des hasards (mais le hasard existe-t-il vraiment ?) je me suis trouvé sur leur chemin. J’ai immédiatement été subjugué par l’œuvre de Nacera Kaïnou.

Ses bustes, faits de simple terre, ont une puissance narrative que j’ai rarement connue. Souvent tragiques lorsqu’elles évoquent la guerre, parfois fragiles lorsqu’elles mettent en scène l’enfance, ses sculptures dégagent une humanité incandescente. Quand l’artiste m’a été présentée, j’ai d’abord été étonné de découvrir une petite femme rieuse, pleine de vie, avec une pointe d’accent rocailleux.

A ma plus grande surprise, elle me lança immédiatement un joyeux : « je crois bien… que vous êtes mon président ! ». Et oui, Nacera Kaïnou a choisi l’Yonne comme refuge, et Gurgy comme terre d’accueil. Plus encore, notre territoire est devenu pour elle une source d’inspiration.

Ses portraits de Joseph Fourier, de Pierre Larousse ou de Colette mettent naturellement en lumière le génie de leurs modèles. Mais ils racontent aussi notre département. Dans ce qu’il a de plus authentique et de plus universel.

Ses personnages ont le regard apaisé de ceux qui, ayant parcouru et raconté le monde, réalisent que c’est la terre icaunaise de leur enfance qui leur a donné l’équilibre et l’énergie pour accomplir leur vie.

De retour dans l’Yonne, j’ai pris le temps de mieux connaître Nacera Kaïnou et de mieux comprendre l’importance de son œuvre. Aujourd’hui, je suis particulièrement heureux d’accueillir dans l’ancien Palais Synodal d’Auxerre les œuvres d’une grande artiste. Une sculptrice engagée dans le plus beau des combats : rappeler au monde sa juste humanité.

André VILLIERS, président du Conseil départemental de l’Yonne

 

 

Jean Lacouture sur le travail de Nacèra Kainou

 

Qui s’est aventuré dans l’art du portrait, fort de sa seule plume, n’a pas manqué de rêver d’autres armes pour creuser ses personnages, dévoiler grandeur et faiblesses, charmes et misères. J’ai souvent rêvé de faire suivre telle ou telle biographie, de Montaigne ou de Mitterrand, d’une figuration imagée plus ou moins adroitement troussée de mon héros.

Je me serai contenté d’accompagner les dédicaces ajoutées à mon De Gaulle de vagues caricatures d’un personnage évidemment plus facile à “figurer” par quelques singularités — képi, étoiles, gigantisme et appendice nasal — que Champollion ou Montesquieu. D’où l’admiration que j’éprouve pour celles et ceux dont le génie ou le talent ne s’effraie pas de faire vivre, sur le papier ou la toile, dans le bronze, la pierre ou la glaise, les personnages dignes de leur estime ou de leur admiration. Je n’admire rien tant, en peinture, que les portraits du Titien ou de Rembrandt, de Goya ou de David.

Nacera Kaïnou partage, de toute évidence, ma passion pour la figure humaine. Pour l’exprimer, elle a fait trois choix : de regarder vers le haut et, à la différence de mon cher Daumier, de figurer plutôt ceux et celles qu’elle admire que ceux qu’elle méprise ; de manier la terre, ou tel ou tel de ses succédanés, plutôt que la pierre ou le bronze ; et traiter, d’égaux à égaux, gloires anciennes et contemporaines.

Aussi voit-on renaître, sous sa main, Lucie Aubrac aussi bien que Rimbaud, et Jean Cocteau à l’égal de Claude-Nicolas Ledoux, Colette et le grand jurisconsulte de l’âge classique Étienne Baluze. Et l’admirable, chez Nacera, c’est qu’elle fait surgir, en ses personnages, une vertu inattendue, ou sous-jacente, qu’avaient fait oublier, chez l’héroïne ou le personnage choisis, les péripéties de l’histoire ou de la légende.

Ce n’est pas le courage qu’elle fait éclater, en sa représentation de Lucie Aubrac, mais la compassion ; pas la virtuose en Colette, mais la paysanne ; pas le révolté chez Rimbaud, mais l’enfant ; et non la fermeté novatrice, chez Ledoux, mais le goût du bonheur. C’est bien là que réside le génie du portraitiste, et que l’on retrouve même chez les très grands photographes, si asservis qu’ils soient, eux, à l’image : de révéler, sous le masque de la gloire, une vérité plus profonde où se tapit la création.

Mais si plein d’admiration que soit le portraitiste au stylo pour le travail de la fidèle réanimatrice d’un Jean Cocteau ou d’un Théodore Monod, que j’ai connus, aucun des beaux portraits qu’elle présente ici ne me touche autant que celui qu’elle a intitulé La Solitude du Roi. Qui a jamais, de ses mains, fait surgir si bien, en vérité, la douloureuse noblesse du pouvoir ? Merci, Nacera…

Jean LACOUTURE, écrivain journaliste

 

 

Nacera à côté du buste de Victor Hugo (DR)

 

Notice biographinque de Nacera Kaino

 

Diplômée de l’École des Beaux - Arts de Besançon et de « The Art Student’s league of New York » aux États-Unis, Nacera KAINOU poursuit une carrière de sculpteure à Paris depuis 20 ans.
Elle travaille la figure humaine en général, le portrait en particulier, et participe à de nombreuses expositions en France et à l’étranger.

Ses œuvres sont implantées dans de nombreux pays : France, Chine (Pékin, Shanghai), Singapour, Jérusalem, Mauritanie, Sénégal ...

Promue Chevalier des Arts et Lettres en 2013, elle reçoit en 2014 le premier agrément de Peintre Officiel des Armées.
Elle est membre correspondant de l’Académie Européenne des Sciences, des Arts et des Lettres.

 

 

 

 Albert Camus (DR)

 

En savoir plus

RENCONTRE LE 23 MARS 2016 À GURGY

 

 

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Origines de l'expression la salle des pas perdus

Chacun imagine la salle des pas perdus comme ce vaste espace où l’on fait les cent pas en attendant anxieusement un verdict ou patiemment son train … Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, le nom de cette salle ne vient pas du temps perdu à tourner en rond… Mais alors d'où vient l'expression ?

Il faut remonter à la période trouble du début de la seconde restauration monarchique, en 1815, après la défaite de Napoléon à Waterloo. Le retour de Louis XVIII s’accompagne de l’élection d’une Chambre ultra royaliste aux fortes convictions anti-révolutionnaires. Le roi ne pensait pas pouvoir rêver mieux et la nomme « Chambre introuvable ». Mais cette chambre devient rapidement « plus royaliste que le roi ». Elle est dissoute par le gouvernement un an après son arrivée aux affaires

Au cours de la nouvelle élection certains députés ne sont pas réélus, ce sont les « perdus », tandis que les députés réélus sont nommés les « pas perdus ». 
Au Palais Bourbon, lieu où se tient la Chambre, ceux-ci se réunissent dans une salle qui prend naturellement le nom de salle « des pas perdus ».
C’est ainsi qu’est née cette expression !