Si l’on posait cette question aujourd’hui à quelques quidams pris au hasard au fil des rues, combien associeraient cette date, tout à fait banale à première vue, à l’acte qui mit officiellement fin à la guerre d’Algérie ?

C’est en effet ce jour là que le Général Ailleret proclama le cessez le feu de cette guerre, dénommée d’abord « opération de maintien de l’ordre", qui fit près de 25000 morts parmi les militaires français (dont 13 000 appelés ou rappelés), 5000 musulmans, 65 000 blessés, près de 3000 victimes civiles et entre 250 000 et 400 000 morts, selon les estimations, pour la population algérienne, militaires et civils associés.
1 340 000 appelés ou rappelés du contingent participèrent à cette guerre de 1952 à 1962.

Lors du putsch des généraux en 1961, il y avait encore 500 000 militaires sous les drapeaux, « Cinq cent mille gaillards munis de transistors », comme dira le général de Gaulle à propos du contingent ; transistor à l'oreille, ayant entendu son appel à la désobéissance légitime, de nombreux appelés ont refusé d’exécuter les ordres des officiers rebelles, et j’en étais.

Le 19 mars 1962 ne marqua pas, hélas, la fin réelle des hostilités car, tant du fait des activistes de l’Organisation de l'Armée Secrète (OAS) que du Front National de Libération (FLN), de nombreuses victimes furent dénombrées jusqu’en 1964, ruinant toute chance de conclure une paix susceptible de permettre le maintien d'une certaine collaboration entre la France et le nouvel état algérien et provoquant le drame du départ en catastrophe de nos compatriotes pieds noirs, contraints de quitter leur terre natale.  

Aujourd'hui encore, ce drame constitue un prétexte utilisé par certaines organisations proches des partisans de l’Algérie française, soutenues par un pouvoir politique tenté par la droite extrême (à la recherche de voix pour les élections présidentielles toutes proches), pour contester la légitimité de cette date et lui préférer celle du 5 décembre, date anniversaire dépourvue de la puissance du symbole, de l’inauguration par Jacques Chirac en 2002, à Paris, du mémorial dédié aux militaires morts pour la guerre en Algérie.  

Cette démarche sera sans effet, car innombrables sont déjà aujourd’hui les communes de France qui ont voulu rendre hommage aux camarades victimes de cette guerre, soit en baptisant un lieu public, une rue, une place de leur cité, soit en édifiant un monument commémoratif. Pourtant, chaque année, l’arithmétique rend un verdict incontestable : très nombreux, malgré leur disparition  naturelle et inéluctable, sont encore les anciens combattants de ce conflit qui assistent, en présence des autorités de l'Etat,  avec émotion, à cette cérémonie du souvenir, alors que le 5 décembre, les rangs des participants sont plus que clairsemés.

Personnellement, je serais favorable au choix d’une date unique pour commémorer les grands évènements de l’histoire militaire des XIXème et XXème siècles, une date qui réunirait enfin les différentes sensibilités de la nation. Une sorte de « Mémorial Day » à la française.

 

Jacques MILLEREAU