Le Petit Pontigny où sera aménagée la cité des vins  sur 1 000 m2. À qui sera confiée la gestion ? À une filiale du BIVB ?  Une société commerciale ou un opérateur privé ...?  © BIVB

 

   

Le richissime (on exagère) Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) et ses 90 adhérents ont voté le projet, multisites, à Beaune, Mâcon et Chablis.

Il est enfin né en décembre dernier ce divin enfant. Sous forme de triplés car l'humanité évolue.

Une gestation conclue le 19 décembre 2016, par un vote favorable de 72% des professionnels  - seul un quart des représentants et parmi les mieux lotis de Côte-d’Or se sont radicalement opposés - offrant des espaces dédiés à l’oenotourisme pour mieux comprendre ce véritable trésor bachique, sacralisé à l’été 2015 par l’inscription, au patrimoine mondial de l’humanité, des Climats de Bourgogne.

Il est vrai que certains peuvent avoir le cigare. Les autres cela peut leur monter au ciboulot.

Il vise à créer trois espaces muséographiques (excusez l'expression) qui deviendront, pour des gens qui n’y connaissent rien, des portes d’entrée dans les vignobles. Voilà résumée la philosophie.


La Cité des vins de Bourgogne (sic) prendra la forme d'un centre d'interprétation ludique et pédagogique qui devrait ouvrir à Beaune. Mais tout ne sera pas centralisé en Côte-d'Or puisque deux Cités filles (tiens tiens) naîtront à Chablis et dans le Mâconnais, aux portes nord et sud du vignoble afin d'inciter les visiteurs à parcourir l'ensemble des vignes de Bourgogne. En réseau donc.

À Beaune, le projet est porté par Alain Suguenot, le député-maire, qui mobilise 20 millions d’euros le long de l'autoroute, près du péage autoroutier de l'A6 sur une dizaine d'hectares, une vraie opération urbanistique. Ainsi, la cité des vins de Bourgogne et le centre d’interprétation des climats, réunis au même endroit sur 3.600 m2, représentent un investissement total de 10,5 millions d’€. Il sera porté par la municipalité beaunoise et co-financé avec d’autres fonds publics, le BIVB l’aménageant à hauteur d’1,5 million.

Un objectif de 100.000 visiteurs et 25 € de dépense moyenne par visiteur est prévu à Beaune.

 

Chablis cautionne au prix fort

 

Combien à Chablis ? Pour Chablis ? Deux millions sur 1 000 m2 d'espace d'accueil à côté du Petit Pontigny qui va être objectivement défiguré c'est-à-dire remodelé esthétiquement par les chirurgiens commandités par le BIVB.

Ce qu'on sait c'est que le coût de fonctionnement de cette vitrine de luxe  tournera au-delà d'un million d'euros par an.

Le BIVB a convaincu les collectivités locales, la Région et le Département en premier lieu, pour qu’elles apportent les subventions nécessaires à la réalisation des travaux.

Il suffit de demander, parfois, pour que ça marche. Dans l'Yonne, le conseil départemental s'est saisi de la demande. En commission permanente à huis clos, le 19 mai, une première proposition de 100 000 euros a été formulée, renchérie par Patrick Gendraud à 150 000 euros.

Il faut savoir que le premier vice-président du CD 89 n'est autre que le maire de Chablis. Et que la conseillère départementale de Joigny est salariée au BIVB. Qui oserait  parmi tous ces bons élus, aller contre sa majesté le vignoble du Chablis porteur d'image de convivialité, de richesse voire de bonheur dans le monde, comme l'AJA autrefois ? Contre sa promotion  ? Surtout qu'il s'agit de l'argent du contribuable. Oseraient-ils un référendum sur cette question ?

La cité des vins de Chablis et de l’Auxerrois atteindrait 2,2 millions d’€ d’investissement, pour 900 m2,  dont 235 m2 de parcours de visite, co-financés à hauteur de 0,5 million par l’interprofession. Les frais de fonctionnement (860.000 €) seraient absorbés par l’accueil de 63.000 visiteurs mettant chacun la main à la poche pour 17 €.  C'est beau la prospective et les extrapolations. Mieux que les sondages.


Quid d'une vraie stratégie à long terme ?

 

Les futures réalisations bourguignonnes d’un coût global de 16,6 millions d’€, dont 3 millions à la charge du BIVB, découlent d’une forte contrainte imposée : l’équilibre financier de l’exploitation, et d’une même ambition : le souci pédagogique d’expliquer. Qui apprécie l'équilibre et le souci ?

Cela dit, replaçons les choses dans le contexte. Notre excellent confrère Traces Écrites accorde du crédit à ces viticulteurs et négociants qui auront mis du temps : pas moins de 20 ans de parlotte et 6 années de réflexion.

Stop. Faut-il suivre, pour autant le mouvement de la meute et le tracé fomenté non sans arrières-pensées politiques?

Chablis est un petit village. Il ne faut jamais l'oublier.

Chablis et l'Yonne sont des terres de passage depuis la nuit des temps. Il n'empêche que l'Yonne est une terre initiatique.

Tout est dit.

Prétendre construire une cité des vins dans ce petit village dont les vignerons excellent dans leurs caveaux peut être considérée par certains comme un aberration.

L'enjeu du vignoble entre 10 et 15 euros la bouteille, est de - enfin - s'occuper de lui-même, quel que soit le syndicat de défense de l'appellation.

Bref, une stratégie à long terme, disons 30 ans. Qui tiendrait compte des ressources en eau pure, donc qui prévoirait l'élimination des pesticides et autres saloperies.

Compte tenu de l'évolution de la société et des mentalités, le temps du chablisien est compté. S'il ne s'adapte pas rapidement sur l'essentiel. L'essentiel c'est aussi la défense du patrimoine paysager. Qu'attend donc le syndicat de défense de l'appelation qui possède un réel pouvoir, pour porter dans ses statuts la préservation du patrimoine paysager, qui permettrait l'organisation raisonnée et raisonnable des implantations d'éoliennes ?

Déguster un vin éthiquement irréprochable, et élevé dans une cave authentique, provenant d'un terroir qui sent bon la vérité et la terre, au milieu de paysages sublimes : voilà l'objectif à privilégier. Non ?


 

Pierre-Jules GAYE

 

La beauté d'un terroir ses paysages et les bâtis oeuvre de l'homme (DR)