Pendant le discours de Jean-Christophe Moraud. À sa droite Emmanuelle Fresnay, à sa gauche, la secrétaire générale de la préfecture et sous-préfète d'Auxerre Françoise Fugier (DR)

 

 

Vendredi 18 août, Emmanuelle Fresnay, directrice de cabinet du Prefet et Jean-Christophe Moraud, Préfet de l'Yonne ont dit au-revoir au département de l'Yonne, en présence de nombreux élus dont Patrick Gendraud, le nouveau président du conseil départemental de l'Yonne.

La cérémonie à laquelle participaient une soixantaine de personnalités, a eu lieu en fin de matinée dans le salon principal à l'étage de la préfecture.

Mme Fresnay rejoint la DEPAFI au ministère de l'Intérieur, la Direction de l'évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières.

Jean-Christophe Moraud prendra, la semaine prochaine, son poste de Préfet du Vaucluse.

Ce n'est pas un personnage anodin qui s'en va, qui quitte l'Yonne, où les préfets ne font que passer, deux ans tout au plus.

Jean-Christophe Moraud ne laisse pas indifférent. C'est une vraie personnalité, capable en outre de souffler le chaud et le froid.

Nombre d'administrés, des élus principalement, ont pu sentir passer le souffle glacial du serviteur consciencieux de l'État, intraitable dans l'application des principes fondamentaux et rigoureux dans la démonstration.

Beaucoup moins connaissaient la chaleur humaine, l'humour décapant parfois, la finesse d'analyse, la sensibilité artistique de ce Breton du Finistère, ce bout de la terre où tout commence.

Bourru il peut l'être comme tous les vrais tendres, à commencer par les avants au rugby.

Moraud fut, dans une autre vie, avant que les abdos ne se détendent, troisième ligne dans un club près de Rennes qui fut éliminé par le RCA en Coup de France à l'époque où l'épreuve existait, voilà longtemps. Les dirigeants du RCA ont eu beau chercher dans les archives ils n'ont rien trouvé à ce sujet. Jean-Christophe Moraud, lui, se souvient d'une raclée mémorable infligée aux Bretons de division inférieure par le XV Auxerrois. Le fair-play défie le temps.

On l'apercevait de temps en temps, le dimanche après-midi  au Stade Pierre-Bouillot, avec son chien, discrètement accoudé le long de la lice à droite de l'entrée pas loin de l'en-but côté descendant. Il ne voulait pas être remarqué et lorsque par hasard, la caméra s'approchait, il prenait les devants et par un petit signe énergique d'une main encore gratteuse, signifiait qu'il souhaitait demeurer incognito.

Ainsi va et vient la vie. Voici le Breton vacciné aux embruns de la rade de Brest, en transhumance vers le Vaucluse, une belle promotion certes, mais il s'expose aux brûlures du soleil du midi beaucoup plus franc.

Il aura été le premier - et le seul - préfet de France à avoir imposé un couvre-feu en novembre 2015. Dans un quartier de Sens, les Champlaisants. Suite à la découverte d'armes et de faux papiers après des perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence décrété après les événements du 13 novembre.  Excès de zèle ? Lucidité extrême ? Bon soldat ?

L'historien de formation, passionné d'histoire, n'a-t-il pas une vision qui lui permet une distanciation au coeur des événements ? Ceci explique-t-il cela ainsi que ses certitudes ? 

 

L'Yonne territoire test ?

 

Il aura été le premier préfet à accélérer les procédures d'accueil, puis, récemment, particulièrement au mois de juillet et d'août, d'expulsions de migrants dans l'Yonne. Appliquant scrupuleusement les décisions du président de la République Emmanuel Macron et du gouvernement. L'Yonne terre marquée à droite, où le vote Front national domine plus qu'ailleurs lors des élections, est ainsi devenu objectivement, le terrain test de mesures nationales.

Le dossier qui lui tenait le plus à coeur semble-t-il, est celui de la qualité l'eau et de sa gestion dans un département rural où la culture joue un rôle important. Force est de constater qu'il n'aura pu influer autant qu'il l'aurait souhaité en ce sens pour faire avancer les choses. Les expérimentations demeurent jusqu'à preuve du contraire un échec à l'image du territoire pilote de la Plaine du Saulce en Auxerrois. Semis directs sous couvert, culture bio, agroforesterie, développement de l’élevage sont au menu depuis de nombreuses années, en vain, et envisagés par les responsables de l'association pour la qualité, comme solution pour limiter la présence de nitrates dans la zone de captage.

Enfin, le représentant de l'État a été particulièrement vigilant sur les comptes publics des collectivités et a favorisé le regroupement communal et celui des communautés de communes dont le nombre a été divisé par deux (22 à 11) dans le cadre de l'application de la loi NOTRe.

Les passes d'armes avec le Département furent constantes mais Moraud n'a jamais rien lâché en regard d'une gouvernance qui a toujours laissé à désirer ( euphémisme ) et dont il a la responsabilité du contrôle de légalité.

Au contraire, il a mis en garde et placé les feux rouges bien en vue lors, notamment, de l'épisode à rebondissements de la vente obligatoire des actions que le Département possédaient dans la société d'économie mixte Yonne Équipement, un des satellites armant le bras du Département, le seul à gagner de l'argent.

Homme de dossier et de terrain, Jean-Christophe Moraud est aussi homme de coeur. Il n'avait pas son pareil pour commenter les oeuvres d'art, se laissant aller des étoiles dans les yeux et des phrases ciselées avec gourmandises - prononcées sans note aucune - , mais des vibrations dans la voix, apparaissant sous son vrai jour (?), d'une communiante convivialité. En somme le contraire des apparences.

On n'oubliera pas que Jean-Christophe Moraud a refusé de signer l'arrêté de fermeture du collège Bienvenu-Martin, le seul en zone d'éducation prioritaire dans l'Auxerrois, suite à la décision du conseil départemental de fermer l'établissement à la rentrée de septembre 2018. Le préfet de l'Yonne s'y est opposé depuis le début, voilà deux ans.

Kenavo et bon vent. 

Pierre-Jules GAYE